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Nadège Abomangoli
Question N° 3987 au Ministère de la justice


Question soumise le 13 décembre 2022

Mme Nadège Abomangoli alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation précaire dans laquelle se trouve un grand nombre de mineurs non accompagnés. Beaucoup de jeunes et d'associations qui les accompagnent font en effet état d'une période d'accueil quasi inexistante. Ainsi, un très grand nombre de jeunes sont contraints à passer leurs premières nuits en France à la rue. Sont en cause notamment les conditions d'évaluation de la minorité ou majorité de ces personnes. Celle-ci se fait dans des conditions dégradées qui varient selon le département : dans certains, elle sera assurée par des prestataires mandatés, dans d'autres par l'aide sociale à l'enfance. De moins en moins de juges procèdent à des placements provisoires le temps d'évaluer les situations : beaucoup d'enfants, parfois âgés de 12 ans, se retrouvent ainsi sans solution d'hébergement le temps de l'évaluation de leur majorité ou minorité. Pour les recours auprès d'un juge, les délais peuvent atteindre 6 mois à un an. Ces délais aberrants conduisent à des jeunes qui atteignent leur majorité durant la procédure. Du fait de ces procédures longues et du non-respect du principe de présomption de minorité, de très nombreux mineurs non accompagnés se retrouvent ainsi laissés à la rue avec pour seule solution que se tourner vers les associations pour leur accompagnement. Depuis le vendredi 2 décembre 2022, près de 300 mineurs non accompagnés campent devant le Conseil d'État. En attente d'une évaluation de leur minorité, ils ne supportent plus leurs conditions de vie dans les camps de migrants et font état de stress post-traumatiques et d'épidémie de gale. L'État ne peut se cacher indéfiniment derrière la zone grise dans laquelle se trouvent ces jeunes, ni mineurs ni majeurs, pour refuser leur prise en charges dans des structures d'hébergement adaptées. Mme la députée demande quand le Gouvernement compte mettre en place le principe de présomption de minorité pour ces jeunes. Elle demande quelles solutions d'hébergement, avec accompagnement social et scolarisation, sont envisagées par le Gouvernement. Enfin, elle demande quelles pistes pour des parcours sécurisants, respectueux des droits de l'enfants avec délai de traitement raisonnable des dossiers, sont envisagées par le Gouvernement.

Réponse émise le 12 décembre 2023

Au 31 décembre 2022, le nombre de mineurs non accompagnés (MNA) confiés aux départements par décisions judiciaires depuis le 1er janvier est de 14 782, soit une augmentation du flux de 30,6 % par rapport au mois de décembre 2021 (11 315 MNA). Cette hausse engendre la saturation des dispositifs d'accueil et de prise en charge de certains conseils départementaux (CD). Il semble que la baisse des arrivées de MNA au cours des années 2020 et 2021 ait conduit nombre de départements à réduire leur capacité d'accueil. Ils se trouvent donc en difficulté face à l'arrivée importante de MNA sur le territoire français. La Seine-Saint-Denis, par exemple, a constaté une hausse significative des personnes se présentant à l'évaluation depuis l'été 2022. Pour rappel, l'ensemble des MNA peuvent bénéficier du dispositif de protection de l'enfance, une fois leur minorité et leur isolement établis. La loi du 14 mars 2016 prévoit un accueil provisoire d'urgence dédié à ce public des plus vulnérables et consacre une protection spécifique permettant à toute personne se déclarant MNA d'être mise à l'abri jusqu'à ce que sa situation soit évaluée. Aux termes du décret du 24 juin 2016, la phase de mise à l'abri est réalisée par le CD du lieu où le jeune se déclarant MNA s'est présenté ou a été repéré. Elle consiste principalement en un hébergement et une aide matérielle : les départements bénéficient de toute latitude dans la mise en œuvre de ce dispositif. La circulaire interministérielle du 25 janvier 2016, relative à la mobilisation des services de l'État auprès des CD concernant les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et les personnes se présentant comme tels, prévoit qu'en cas de majorité avérée à l'issue de leur évaluation, les intéressés doivent se voir notifier un refus de prise en charge au titre de la protection de l'enfance. Ce document leur permet de prétendre à l'ensemble des droits reconnus aux personnes majeures (hébergement d'urgence, ouverture des droits à l'aide médicale d'état, dépôt d'une demande d'asile ou de titre de séjour dans le cadre fixé par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile). Cette décision est susceptible d'un recours gracieux formulé par écrit auprès du président du CD dans un délai de deux mois suivant la notification. Le juge des enfants peut également être saisi sur le fondement de l'article 375 du code civil. Il examine le faisceau d'indices et apprécie souverainement l'opportunité d'une mesure de protection. Dans ce cadre, aucune intervention du Gouvernement n'est possible en raison du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. Les jeunes, se disant mineurs, mais reconnus majeurs lors de leur évaluation et qui restent en attente d'une décision judiciaire sur la minorité qu'ils allèguent sont exclus des dispositifs de protection de l'enfance, et parfois écartés des dispositifs réservés aux majeurs. Le droit français prévoit que les MNA sont pris en charge durant l'évaluation de leur situation, puis à l'issue de la décision prise à leur égard s'ils sont reconnus mineurs. Dans le cas contraire, la prise en charge de l'intéressé cesse, y compris lorsqu'un recours est exercé et que la procédure n'est pas terminée. Le recours gracieux contre la décision du président du CD ou la saisine du juge des enfants aux fins de reconnaissance de la minorité ne sont pas suspensifs. Toutefois, s'il est saisi, le juge des enfants peut tout à fait prononcer une ordonnance de placement provisoire le temps que des investigations complémentaires soient diligentées. En outre, certaines collectivités territoriales, en lien avec les services de l'Etat, ont créé des centres d'hébergement dédiés aux jeunes ayant saisi le juge des enfants aux fins de reconnaissance de leur minorité. Le ministère de la Justice demeure au fait des difficultés particulières de la situation des personnes se présentant comme mineurs et isolés. Ainsi, la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants garantit des droits supplémentaires aux MNA. L'article 7 de cette loi, notamment, prévoit la limitation de l'hébergement hôtelier et un temps de répit pour les personnes se déclarant MNA avant évaluation en son article 40. Un accompagnement doit être également proposé jusqu'à l'âge de 21 ans. De surcroit, la loi souligne que les services assurant les évaluations sociales sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux soumis aux règles d'autorisation, de contrôle et de fonctionnement définies dans le code de l'action sociale et des familles. Conscient de la situation particulière de ces mineurs, le ministère de la Justice est attentif à la mise en oeuvre des mesures nécessaire, en lien avec les départements et les autres services de l'Etat.

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