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Aurélien Saintoul
Question N° 4008 au Ministère de l’économie


Question soumise le 13 décembre 2022

M. Aurélien Saintoul alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la prolifération des plateformes de paris sportifs en ligne dans le cadre de la tenue d'évènements sportifs mondiaux tels que la Coupe du monde de football au Qatar. L'Autorité nationale des jeux (ANJ) a montré par le passé le fonctionnement néfaste de ces plateformes. Selon elle, sur la totalité des 4 500 000 joueurs en 2021, seuls 27 500 ont gagné plus de 1 000 euros, ce qui fait moins de 1 %. Tout est fait pour que les plateformes engrangent plus d'argent qu'elles n'en perdent. En interne, les algorithmes utilisés identifient les joueurs en situation d'addiction afin de les inciter à jouer encore plus. La conséquence est logique : le public tombe dans l'addiction et se ruine. Par ailleurs, ces plateformes ciblent particulièrement les plus jeunes, par le biais notamment de publicités très agressives. Les plateformes vont même jusqu'à payer des influenceurs sur les réseaux sociaux pour promouvoir les paris sportifs en ligne. Cette stratégie a des conséquences désastreuses sur une population qui devrait au contraire être protégée. La pratique est par ailleurs illégale pour les mineurs. Or, selon les chiffres de 2017 de l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives, 38,9 % des jeunes de 17 ans déclarent une pratique de jeu. Un quart des jeunes joueurs ont déjà vendu un objet ou emprunté pour parier. D'autres vont jusqu'à voler les sommes nécessaires ou s'endetter. Selon une étude commanditée par l'ANJ, plus d'un tiers des Français qui comptent suivre la Coupe du monde a l'intention de parier de l'argent pendant la compétition. Les montants en jeu seront inédits : l'ANJ prévoit 530 millions d'euros de mises, soit 70 % de plus que pour le tournoi de 2018, en Russie. Toutefois la réponse de l'autorité, une campagne de prévention, est sous-dimensionnée par rapport aux sommes engagées et aux dégâts que peut engendrer l'addiction aux jeux. La dernière décision contraignante de la commission des sanctions de l'Autorité nationale des jeux date d'ailleurs de septembre 2017. Il souhaite donc savoir ce que le Gouvernement a prévu de mettre en œuvre comme démarche de prévention, de réglementation de ces plateformes de paris en ligne et de sanctions lorsque les règles ne seront pas respectées.

Réponse émise le 17 janvier 2023

Le Gouvernement est particulièrement attentif à l'encadrement des paris sportifs en ligne, alors que sont programmées de grandes compétitions sportives en 2023 et en 2024 et que l'activité des paris sportifs en ligne connaît une forte croissance, en particulier auprès de parieurs âgés de 18 à 35 ans. Selon les premières estimations de l'autorité nationale des jeux (ANJ), 615 millions d'euros auraient été mis en ligne pendant la coupe du monde de football fin 2022. La réglementation en matière de jeux d'argent et de hasard, telle que la définit l'article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure (CSI), a pour objectif constant de limiter et d'encadrer l'offre et la consommation des jeux et d'en contrôler l'exploitation, afin notamment de prévenir le jeu excessif ou pathologique et de protéger les mineurs. Pour garantir le respect de cet objectif, l'ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard a, d'une part, rénové le cadre légal des jeux d'argent et de hasard en France et, d'autre part, regroupé les différentes missions de régulation au sein de l'ANJ, nouvelle autorité de régulation mise en place en juin 2020 et dotée de pouvoirs renforcés. L'encadrement des communications commerciales des opérateurs et le dispositif de prévention du jeu excessif et pathologique ont été récemment renforcés. Les publicités des opérateurs doivent être assorties d'un message de mise en garde contre le jeu excessif ou pathologique ainsi que d'un message faisant référence au système d'information et d'assistance prévu à l'article 29 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010, relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne. Ce message doit figurer sur chaque support publicitaire ou promotionnel et contenir notamment le numéro du service de communication en ligne du dispositif public d'aide aux joueurs mis en place sous la responsabilité de l'agence nationale de santé publique. Certaines communications commerciales sont interdites, notamment celles incitant à une pratique de jeu excessive, ou banalisant ce type de pratique, celles contenant des déclarations infondées sur les chances qu'ont les joueurs de gagner ou les gains qu'ils peuvent espérer, celles suggérant que jouer peut-être une solution face à des difficultés personnelles, professionnelles, sociales ou psychologiques. Le nouvel article D.320-10 du CSI introduit par le décret n° 2020-1349 du 4 novembre 2020 complète l'interdiction de publicités visant les jeunes, en précisant que sont également prohibées celles mettant en scène des personnalités ou personnages appartenant à l'univers des mineurs. Les opérateurs de jeux sont, en outre, tenus de prévenir les comportements de jeu excessif ou pathologique par la mise en place de dispositifs de modération, d'auto-exclusion et d'auto-limitation des dépôts et des mises. Ils doivent identifier les personnes dont le jeu est excessif ou pathologique et les accompagner en vue de modérer leur pratique, dans le respect de l'arrêté de 9 avril 2021, pris sur proposition de l'ANJ, définissant le cadre de référence pour la prévention du jeu excessif ou pathologique et la protection des mineurs. Parallèlement, d'importants pouvoirs ont été confiés à l'ANJ pour assurer le respect de cet encadrement. L'ANJ a bien constaté que la visibilité accrue de l'offre de paris sportifs en ligne auprès des jeunes résulte de l'augmentation des budgets publicitaires que les opérateurs de jeux y consacrent, (239 M€ dans la publicité en 2021). Les moyens dont elle dispose pour surveiller ces pratiques publicitaires et sanctionner d'éventuelles dérives ont été renforcés. L'ANJ peut ainsi exiger le retrait d'une communication commerciale comportant une incitation excessive au jeu. Tous les opérateurs de jeux sont tenus de lui soumettre chaque année pour approbation leur stratégie promotionnelle ainsi que leur plan d'action en matière de prévention du jeu excessif et de protection des mineurs. Le collège de l'ANJ est habilité à poursuivre les opérateurs de jeux ou de paris dont les comportements sont contraires aux dispositions législatives ou réglementaires applicables à leur activité, notamment en matière de publicité. La jurisprudence du Conseil d'Etat a en outre reconnu à l'ANJ le pouvoir de contrôler le respect des dispositions générales du code de la consommation et de sanctionner le cas échéant toute infraction à ces dispositions (pratiques commerciales déloyales, trompeuses ou agressives notamment). Par ailleurs, depuis le 31 décembre 2020, a été confiée à l'ANJ la gestion du fichier – initialement tenu par le ministère de l'intérieur - des interdictions volontaires de jeux (sites de paris sportifs, jeux de la Française des jeux ou du PMU réalisés en ligne ou en points de vente avec un compte joueur, etc.), lequel apparait comme une réponse possible au mécanisme d'addiction. Les travaux engagés par l'ANJ en 2022 participent à la visibilité de son action à l'égard du grand public et des professionnels. Le 23 février 2022, l'ANJ a publié des lignes directrices afin notamment de préciser l'interdiction de toute communication commerciale visant à mettre en avant des jeux d'argent et de hasard lorsqu'elle suggère que jouer contribue à la réussite sociale : i/ les communications commerciales ne doivent pas associer la pratique du jeu d'argent et de hasard avec la possibilité de changer de statut social, de vivre des expériences hors du commun ou d'accéder à des services habituellement considérés comme réservés à des personnes très fortunées, par exemple un voyage en jet privé ou une croisière en yacht de luxe ; ii/ les publicités hyperboliques sont autorisées sous réserve qu'elles n'aient pas pour effet, par le recours à l'emphase, à la parodie ou à une mise en scène manifestement exagérée, de contourner ou de porter atteinte aux règles précitées. Par une décision n° 2022-073 du 17 mars 2022, l'ANJ a ensuite prescrit à un opérateur de jeux, en faisant usage de ce pouvoir pour la première fois, de retirer une communication commerciale de tout support de diffusion, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision. Elle a en effet considéré que cette communication véhiculait le message selon lequel les paris sportifs peuvent contribuer à la réussite sociale. L'ANJ a également publié en octobre 2022 des lignes directrices et recommandations relatives aux offres commerciales des opérateurs de jeux d'argent et de hasard comportant une gratification financière, de façon à rendre ces offres claires et transparentes et d'en modérer le montant et la fréquence, notamment vis-à-vis des publics vulnérables. Enfin, au mois de novembre 2022, l'ensemble de la chaîne de valeur de la publicité des jeux d'argent et de hasard (opérateurs, syndicats représentatifs des professionnels de l'audiovisuel, afficheurs) a signé, sous l'égide de l'ANJ et en lien avec l'ARCOM, des chartes d'engagement pour une communication commerciale responsable dans ce secteur d'activité. Des réflexions sont également en cours sur le sponsoring sportif. Durant la coupe du monde de football, l'ANJ a exercé une surveillance renforcée et a mené des opérations de contrôle sur le respect du cadre de régulation de la publicité renforcé depuis le début de l'année 2022. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) fait également preuve d'une vigilance renforcée dans le secteur des jeux et paris sportifs. La DGCCRF du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, est chargée de veiller au respect des dispositifs de protection des consommateurs, d'assurer la transparence des relations commerciales entre consommateurs et professionnels et de prévenir et sanctionner les pratiques commerciales trompeuses et/ou agressives en matière de jeux d'argent. Au regard de la multiplication de sites internet proposant des pronostics sportifs, les services d'enquête de la DGCCRF ont réalisé, en étroite coordination avec les services de l'ANJ, des contrôles de l'activité de ces sites. Ces investigations ont eu pour objet de rechercher et de constater d'éventuelles pratiques commerciales trompeuses, notamment celles, réputées trompeuses en toutes circonstances, ayant pour objet « d'affirmer d'un produit ou d'un service qu'il augmente les chances de gagner aux jeux d'argent et de hasard »), ainsi que les prestations de services "à la boule de neige" (marketing de réseau ou pyramidal conditionnant l'accès à la prestation au recrutement de nouveaux membres) qui sont interdites respectivement par les articles L. 121-4, 11° et L. 121-15 du code de la consommation. À la suite de ces contrôles, une procédure contentieuse menée dans le cadre d'une instruction judiciaire est en voie de finalisation. D'autres enquêtes sont actuellement en cours de réalisation. Pour conclure, la quinzaine d'opérateurs autorisés sur le marché français autorisés à proposer des paris sportifs en ligne est placée, d'une part, sous l'étroite régulation de l'ANJ qui s'assure que ceux-ci respectent bien leurs obligations et, d'autre part, sous le contrôle régulier de la DGCCRF qui fait également preuve d'une vigilance renforcée dans le secteur des jeux et paris sportifs, en donnant aux manquements et infractions constatés les suites appropriées. Au regard de la dynamique dont fait preuve le secteur du pari sportif en ligne, l'ANJ et la DGCCRF ont engagé une réflexion et des travaux sur les éventuelles protections supplémentaires qui pourraient être ajoutées.

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