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Laurence Heydel Grillere
Question N° 4208 au Ministère auprès du ministre de la santé


Question soumise le 20 décembre 2022

Mme Laurence Heydel Grillere interroge M. le ministre de la santé et de la prévention sur la situation du centre hospitalier Nord-Ardèche concernant l'impact combiné sur le recours à l'intérim médical de la mise en œuvre au 1er janvier 2023 de l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics et de l'article 33 de la loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification dite « loi Rist ». Ces textes encadrent le recours à l'intérim médical dans les établissements publics de santé et notamment concernant la rémunération de ces derniers, dont le montant des dépenses journaliers ne peut excéder un certain plafond déterminé par voie règlementaire. L'ensemble des textes régissant le recours à l'intérim médical stipule une obligation pour l'ensemble des établissements publics de santé d'appliquer à l'ensemble des contrats conclus avec des entreprises d'intérim un tarif plafond de 48,75 euros de l'heure. À défaut, l'ARS a une obligation de contester le contrat devant le tribunal administratif. Dans les faits, la plupart des établissements continuent de payer des tarifs supérieurs à ceux du décret, du fait du report de l'application de l'article 33 de la « loi Rist », annoncé en 2021, lorsque le M. Olivier Véran était ministre de la santé, à échéance 2022. C'est le cas du CHAN Annonay, comme d'autres établissements hospitaliers en France, qui est contraint de recourir à l'intérim pour maintenir son service de gynécologie-obstétrique, service qui pour l'instant ne bénéficie que d'un praticien d'exercice de plein droit à 60 % et d'anesthésie-réanimation, dont l'équipe est composée de 3,5 ETP. Dans ce service, les intérimaires sont rémunérés 650 euros nets, ce qui est nettement supérieur au tarif plafond, mais les intérimaires concernés ont fait valoir qu'ils refuseraient un contrat en-deçà des 650 euros nets. L'hôpital se retrouve contraint de ne pas appliquer la règlementation, faute de pouvoir assurer la permanence des soins. Mme la députée souhaite alerter sur le fait que cette situation met en danger la situation du CHAN d'Annonay : d'une part, parce que la non-application de la loi entraîne des phénomènes de mises en concurrence des intérimaires que la loi visait précisément à réfréner ; et d'autre part, parce qu'elle fait peser un risque juridique sur l'établissement et engage la responsabilité de son directeur, alors même qu'il est soumis à l'obligation de garantir la permanence des soins. M. le ministre de la santé a annoncé vouloir mettre fin aux dérives de l'intérim médical et prendre les mesures nécessaires d'ici le printemps 2023. Cependant, au 1er janvier 2023, les ordonnateurs ne respectant la règlementation engageront leur responsabilité financière. Mme la députée souhaiterait connaître les réponses apportées, à cette situation, par M. le ministre afin de rassurer les gestionnaires de santé. Elle souhaite également l'interroger quant à l'éventualité d'une harmonisation de la règlementation concernant le recours aux intérimaires de santé à compter du 1er janvier 2023.

Réponse émise le 28 février 2023

Outre son impact financier majeur sur les budgets des établissements de santé, un recours dérégulé à l'intérim médical, hors du cadre réglementaire, engendre effectivement une déstabilisation des services hospitaliers et des équipes médicales et soignantes susceptible de nuire à la qualité des soins. La fragilité de la démographie médicale dans certains territoires génère ainsi une tension sur le marché de l'emploi médical et une forte concurrence entre établissements pour l'accès aux ressources humaines médicales rares, favorisant ces pratiques dérégulées, dans laquelle les entreprises de travail temporaire ont toute leur part. Les dispositions de la loi Rist du 26 avril 2021 visant à lutter contre les dérives de l'intérim devaient entrer en vigueur le 28 octobre 2021. Elles ont toutefois été différées compte tenu du risque de déstabilisation de l'offre de soins dans certains territoires marqués par une désertification médicale, dans un contexte de crise sanitaire de la Covid-19. Des travaux préparatoires à la mise en œuvre de ces contrôles ont été conduits depuis l'automne 2021, au niveau national et régional, en vue d'établir des diagnostics territoriaux par spécialités en lien avec les différents acteurs des territoires. Des contrôles à blanc des payes des établissements ont été également réalisés, sous la conduite des directions régionales et départementales des finances publiques en lien avec les agences régionales de santé. En parallèle, plusieurs concertations et échanges avec les acteurs de l'offre de soins, les élus et les représentants des sociétés d'intérim médical se sont tenus. Ces mesures de contrôle s'accompagnent de mesures d'attractivité vis-à-vis des praticiens. Ainsi, en décembre 2021, une prime de solidarité territoriale (PST) visant à encourager les remplacements de praticiens entre établissements publics de santé au-delà de leurs obligations de service par la mutualisation des ressources humaines médicales à l'échelle d'un territoire a été créée. Elle permet par exemple de rémunérer environ 1 700 € brut un praticien qui réaliserait 24h de travail un dimanche dans un autre établissement. Par ailleurs, les nouvelles règles applicables aux praticiens contractuels entrées en vigueur le 7 février 2022 permettent de recruter des praticiens « en cas de difficultés particulières de recrutement ou d'exercice pour une activité nécessaire à l'offre de soin sur le territoire » avec une rémunération attractive pouvant aller jusqu'à 119 130 euros bruts annuels, sous réserve d'objectifs contractualisés avec les praticiens. Ce motif de recrutement se substitue aux « cliniciens » dont le statut a été mis en extinction depuis l'entrée en vigueur de ces mêmes règles. En outre, le ministre de la santé et de la prévention et la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé ont rappelé leur volonté de mettre un terme aux dérives de l'intérim et de rendre effectives les dispositions inscrites à l'article 33 de la loi Rist dès le 3 avril 2023. Pour la période du 1er janvier au 3 avril 2023, une lettre de couverture ministérielle permet de préserver la responsabilité des directeurs d'établissements, soit jusqu'à leur entrée en vigueur au printemps prochain. Enfin, concernant le lien entre la mise en œuvre de la responsabilité des gestionnaires publics et de la loi Rist, il convient de rappeler que la loi Rist et cette réforme sont strictement indépendantes. En effet, cette réforme prend avant tout acte de nombreux éléments liés à la jurisprudence de la Cour de discipline budgétaire et financière en créant un régime de sanction des fautes graves ayant un préjudice financier significatif. Autrement dit, depuis le 1er janvier 2023, les directeurs d'établissement ne s'exposent pas à un régime plus sévère qu'avec le régime de responsabilité précédent.

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