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Jean-Philippe Tanguy
Question N° 4404 au Ministère de la transition énergétique


Question soumise le 27 décembre 2022

M. Jean-Philippe Tanguy appelle l'attention de Mme la ministre de la transition énergétique sur les conditions contractuelles et tarifaires du contrat de vente de gaz entre la France et l'Allemagne. En effet, afin de pallier la diminution de livraisons de gaz russe à l'Europe et notamment à l'Allemagne, un accord de solidarité entre la France et l'Allemagne a été annoncé. À travers la mise en place de ces mesures de solidarité la France s'est vue imposée le renforcement de son interconnexion gazière avec sa voisine d'Outre-Rhin, dans le but de livrer du gaz à cette dernière, en prévision de l'hiver 2022/2023. Depuis la semaine du 10 octobre 2022 GRT gaz a commercialisé quotidiennement du gaz à l'Allemagne, à la hauteur de 31 GWh/j et pouvant atteindre 100 GWh/j. Selon le gestionnaire du réseau de transport de gaz français GRT, cette capacité de livraison représente l'équivalent de 10 % de ce que la France perçoit chaque jour en gaz naturel liquéfié (GNL) dans ses quatre terminaux méthaniers. Le Président de la République a par ailleurs promis à son voisin allemand de lui envoyer jusqu'à 5 % des réserves françaises de gaz au cours de l'hiver. Le système de gaz français devra faire face à un hiver dur qui s'intensifie à la suite des nombreuses grèves survenues ces dernières semaines. Afin de répondre à la demande intensive de gaz, la France doit s'appuyer sur une gestion prudente des stocks de gaz dont elle dispose. Au travers de cet échange, la France vendra du gaz à l'Allemagne, gaz qu'elle a préalablement acheté, aux États-Unis d'Amérique principalement, à un prix très élevé. En effet selon M. Thierry Bros, spécialiste des questions énergétiques à Science po, « Le gaz américain est produit autour de 6 dollars/MBtu, il arrive en Europe à 13 dollars avec le coût du transport et il est vendu à 37 dollars ». En revanche, aucune précision n'a été donnée quant aux conditions économiques et financières de cette accord, plus particulièrement concernant le prix de vente de gaz à l'Allemagne. En retour, la France achètera de l'électricité à son voisin d'Outre-Rhin, électricité provenant d'énergie fossile, plus particulièrement du charbon. Cette importation d'électricité relève d'une énergie fortement polluante, mettant en évidence une véritable incohérence écologique au regard des engagements pris par le Gouvernement. Cet accord illustre la perte de souveraineté énergétique de la France qui deviendra donc - pour la première fois depuis quarante ans - importatrice nette d'électricité. Par ailleurs, sachant que nous sommes en présence d'une offre d'entraide mutuelle, il manque un point significatif, à travers cet accord, portant sur la non-réalisation de la contrepartie exigible. Plus particulièrement le fait pour la France de pouvoir disposer d'une réserve d'électricité issue d'Allemagne. En effet, la France livre du gaz à l'Allemagne et espère que cette dernière lui envoie de l'électricité en retour, cependant Berlin n'a formalisé aucune obligation en cas de manque d'électricité en France. Si cette contrepartie espérée ne se voit pas réaliser, pour faute d'incapacité par exemple, la France, ayant déjà envoyée du gaz à l'Allemagne, se verra privée d'électricité. Ce faisant les Français s'interrogent au sujet des garanties quant à l'importation d'électricité en provenance d'Allemagne et les conséquences de la non-réalisation de cette obligation. Eu égard l'inquiétude croissante qui émane des ménages et des entreprises françaises ; d'une part au regard de l'augmentation des factures d'électricité et d'autre part quant aux possibles coupures d'électricité annoncées par le Gouvernement ; les incertitudes concernant les garanties précitées ne peuvent plus subsister. Les conditions du contrat de vente de gaz entre l'Allemagne et la France lui semblant imprécises, il demande donc au Gouvernement de bien vouloir rendre totalement public les clauses dudit contrat, notamment au regard des conditions tarifaires et contractuelles, afin d'améliorer la visibilité et la transparence de ce contrat énergétique inédit.

Réponse émise le 16 mai 2023

La réglementation européenne relative au marché intérieur du gaz naturel prévoit une dissociation des activités de fourniture de gaz naturel et d'exploitation des infrastructures gazières. L'approvisionnement en gaz naturel est assuré en premier lieu par les fournisseurs de gaz naturel, qui sont les propriétaires de ce gaz naturel, et utilisent les capacités commercialisées par les opérateurs des infrastructures gazières. Les autorités nationales surveillent le bon dimensionnement des infrastructures gazières, dans une vision prospective, et s'assurent du bon fonctionnement du marché du gaz naturel, en assignant si nécessaire des obligations de service public aux acteurs gaziers, notamment aux fournisseurs de gaz naturel, et en préparant des mesures de sauvegarde pour limiter les conséquences d'une éventuelle crise gazière. A compter du milieu de l'année 2021, une réduction des exportations de gaz russe vers l'Union européenne a commencé à être observée. Cette réduction s'est accélérée suite à l'invasion de l'Ukraine par la Russie sous l'effet de plusieurs mesures décidées par la Russie. En avril 2022, la Russie a modifié les conditions de paiement applicables aux fournisseurs européens pour l'achat de gaz russe, et Gazprom a arrêté de livrer du gaz naturel aux fournisseurs européens qui refusaient ces nouvelles conditions de paiement. En mai 2022, Gazprom a arrêté les exportations de gaz russe à travers le gazoduc Yamal-Europe, dans un contexte de rétorsion de la Russie contre la Pologne. A partir de juin 2022, les exportations de gaz russe à travers les deux canalisations du gazoduc Nord Stream 1 ont été réduites, avant d'être totalement arrêtées en août 2022. Alors que les exportations de gaz russe par gazoduc vers l'Union européenne étaient proches de 5000 GWh/j au quatrième trimestre de l'année 2019, elles n'étaient plus que de 800 GWh/j au quatrième trimestre de l'année 2022. Cette baisse rapide des exportations de gaz russe par gazoduc vers l'Union européenne a bouleversé les flux gaziers au sein du continent. Les fournisseurs européens de gaz naturel ont été contraints de remplacer très rapidement les importations de gaz russe par d'autres sources de gaz naturel, notamment des importations de gaz naturel liquéfié dans les terminaux méthaniers, Alors que les flux de gaz naturel circulaient historiquement de l'est vers l'ouest de l'Europe, une inversion a été observée avec les fortes importations de gaz naturel liquéfié dans les terminaux méthaniers de l'ouest de l'Europe. Afin de répondre au plus vite à ce bouleversement, une optimisation des infrastructures existantes a été recherchée, dans un objectif de solidarité européenne et de préservation du fonctionnement du marché intérieur européen. En France, les opérateurs des terminaux méthaniers ont été en mesure de légèrement augmenter les capacités commercialisées aux fournisseurs de gaz naturel grâce à une optimisation de l'utilisation de ces infrastructures. Les gestionnaires des réseaux allemands et français de gaz naturel, de leur côté, ont été en mesure de proposer aux fournisseurs de gaz naturel de nouvelles capacités de transit de gaz naturel de la France vers l'Allemagne grâce à des adaptations de l'exploitation de leurs réseaux respectifs. Ces nouvelles capacités de transit de gaz naturel sont commercialisées par les gestionnaires des réseaux de transport aux fournisseurs de gaz naturel aux enchères sur une base journalière, selon des conditions fixées par délibération de la Commission de Régulation de l'Énergie. Ces capacités commercialisées s'élèvent au maximum à 100 GWh/j, et leur commercialisation peut être réduite ou suspendue dans l'éventualité de contraintes sur les réseaux. Les recettes provenant de la commercialisation de ces capacités sont partagées entre les gestionnaires des réseaux allemands et français, et seront déduites des tarifs d'utilisation des réseaux fixés par la Commission de Régulation de l'Énergie, payés par les fournisseurs de gaz naturel, et qui sont une des composantes des prix du gaz naturel pour les consommateurs. Les nouvelles capacités de transit de gaz naturel de gaz naturel sont utilisées par des fournisseurs pour acheminer du gaz naturel qu'ils possèdent de la France vers l'Allemagne. Il n'existe donc pas de contrat de vente de gaz naturel entre l'Allemagne et la France contrairement à ce qui est prétendu dans votre question écrite.

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