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Laurence Heydel Grillere
Question N° 4645 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 17 janvier 2023

Mme Laurence Heydel Grillere interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire quant à la situation des exploitants agricoles de la filière cerise face au manque d'alternatives concernant la lutte contre la drosophilia suzukii, un parasite qui a drastiquement fait chuter la production depuis 2016. Après l'interdiction du diméthoate, les professionnels ne pouvant protéger leurs vergers avec des filets en raison de la topographie de leurs parcelles ou de la taille des arbres, se sont rabattus sur le phosmet, un insecticide qui représentait une alternative crédible au diméthoate. Depuis, la Commission européenne a pris la décision d'interdire le phosmet. Si personne n'a envie de défendre l'utilisation de ce produit, son interdiction laisse la filière cerise sans solution fiable face aux ravageurs, à la merci des destructions de récoltes... et des importations concurrentes. Les réunions techniques organisées par les soins de M. le ministre, dont l'une d'entre-elles à destination des professionnels ardéchois, ont permis d'évoquer les pistes de solution à moyen et long terme, qu'il s'agisse d'investissements dans la recherche et développement pour introduire un prédateur au parasite, ou encore de soutien technique et financier pour la mise en place de filets de protection. Mme la députée se félicite de cette initiative et remercie M. le ministre d'avoir pris en compte l'inquiétude des arboriculteurs. Néanmoins, sur le très court-terme, à savoir la saison 2023, les arboriculteurs restent sans solution. En dernier recours, il pourrait être fait usage du cyazypyr ou cyantraniprole sous dérogation. Cependant ces molécules, n'agissant qu'à un seul stade du développement de l'insecte, nécessitent des traitements tous les 6 jours y compris en période de récolte et sans résultat garanti. En Ardèche, ce sont ainsi près de 800 hectares de vergers qui pourraient être arrachés sachant qu'au-delà de ces hectares menacés, c'est l'équilibre économique de plusieurs centaines d'exploitations qui est remis en question, la cerise représentant un élément essentiel dans la diversité et le maintien économique de ces structures. Aussi, l'inquiétude des professionnels de la filière cerise est compréhensible. La filière est déjà fragilisée économiquement suite aux gels, grêles et sécheresses. Les professionnels de la cerise ont besoin de pouvoir se projeter. Dans un contexte où on lance le plan « Souveraineté Alimentaire Fruits et Légumes », il est important que la filière cerise obtienne des moyens de lutte contre la drosophilia suzukii à la hauteur des enjeux de reconquête de la production fruitière française. Par conséquent, Mme la députée souhaite connaître les mesures prises pour la protection des récoltes 2023 de cerises françaises d'une part et d'autre part, en cas de défaillance de ces dernières, les mesures d'accompagnement envisagées pour les producteurs que ce soit pour une conversion du verger ou pour compenser les pertes de récolte jusqu'à la mise au point de techniques de protection efficace. Enfin, elle souhaiterait également connaître les mesures prises pour garantir aux Françaises et Français que les cerises commercialisées en France ont été produites sans utilisation des produits phytosanitaires interdits.

Réponse émise le 18 avril 2023

La filière française de la cerise est confrontée aux retraits successifs des molécules actives contre drosophila suzukii, principal ravageur de cette culture. Les représentants professionnels de la filière ont pu exprimer leurs difficultés au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, lors d'une rencontre le 16 décembre 2022. Les difficultés rencontrées par les producteurs pour assurer la protection phytosanitaire des vergers contre cet insecte découlent notamment de l'interdiction de plusieurs substances actives de la famille des organophosphorés, qui présentaient un bon niveau d'efficacité compte tenu de leur effet larvicide et de leur rémanence. Compte tenu de la forte toxicité pour les êtres humains en cas d'exposition au diméthoate par la voie alimentaire, les limites maximales de résidus ont été abaissées au minimum analytique et ne sont plus compatibles avec une utilisation avant récolte. Cela justifie de manière continue les décisions européennes et françaises depuis près de 10 ans. Le phosmet quant à lui présente des niveaux de toxicité comparables à ceux du diméthoate selon les avis scientifiques qui ont justifié de mettre fin à son utilisation, au niveau européen. La réautorisation d'un produit à base de ces substances n'est donc pas possible. Face aux difficultés rencontrées par les producteurs pour assurer la protection phytosanitaire des vergers, et après concertation avec les acteurs de la filière cerise, le ministre de l'agriculture a décidé de lancer le 16 décembre 2022 un plan d'action ciblé. Le groupe de travail coordonné par M. Hervé Durand, délégué ministériel pour les alternatives aux produits phytopharmaceutiques dans les filières végétales, qui associe les principaux acteurs de la filière cerise et de la recherche, a permis des avancées tant dans l'élaboration du plan d'action pluriannuel que dans la mise en place des mesures d'urgence. La première priorité était d'ajuster la stratégie de lutte contre la drosophila suzukii sur cerises pour la campagne 2023 en travaillant à élargir la palette de solutions disponibles, suite au retrait des produits à base de la substance active phosmet, pour que les producteurs de cerises de France puissent disposer de moyens de protection efficaces. La filière cerise a déposé quatre demandes de dérogation « 120 jours » pour l'usages de produits phytopharmaceutique contre la mouche drosophila Suzukii au titre de la campagne 2023 : EXIREL (cyantraniliprole), SUCCESS 4 (spinosad), SOKALCIARBO (argile) et AFFIRM (benzoate d'emamectine), pour une application au 1er avril. Dès lors qu'elles ne comportent pas de risques avérés pour la santé humaine, elles sont accordées. Ce travail doit aussi s'accompagner d'une politique claire permettant de s'assurer que les produits végétaux mis sur le marché en France répondent au même niveau d'exigence que les autres États membres. Ainsi, la France a demandé à la Commission européenne d'abaisser sans délai la limite maximale de résidus en phosmet sur les cerises, afin de s'assurer que les cerises importées en 2023 ne peuvent pas être traitées avec cette substance. La France a décidé sans attendre de faire usage d'une clause de sauvegarde nationale pour s'assurer du respect de la législation vis-à-vis des produits importés. Un arrêté suspend pour un an « l'introduction, l'importation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de cerises fraîches destinées à l'alimentation » provenant de pays où le phosmet est autorisé pour cette production, à l'exception des produits de l'agriculture biologique. Cet arrêté sera complété prochainement par un avis aux opérateurs listant les pays de provenance concernés par cette interdiction. En outre, le travail se poursuit concernant l'accompagnement financier exceptionnel pour la campagne 2023 tenant compte des pertes que pourraient subir les producteurs en cas d'attaques sévères de drosophila suzukii, comme cela a été fait précédemment. Enfin le ministère reste mobilisé, en lien avec l‘institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement et le centre technique interprofessionnel des fruits et légumes, pour, à partir d'un diagnostic de la situation actuelle, concevoir et mettre en œuvre des solutions de protection des vergers dans le cadre d'une agriculture durable. L'objectif est de mobiliser tous les leviers disponibles et de miser sur l'innovation. Ce plan d'action s'inscrit pleinement dans les priorités du plan de souveraineté fruits et légumes, présenté le 1er mars 2023 lors du salon international de l'agriculture. Il s'intègre aussi dans la dynamique de planification et transition engagée et contribuera au plan d'action stratégique destiné à renforcer le pilotage et l'adaptation des techniques de protection des cultures.

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