Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Julien Odoul
Question N° 4758 au Ministère de l’économie


Question soumise le 17 janvier 2023

M. Julien Odoul attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité sur la fin du timbre rouge annoncée par La Poste. Depuis le 1er janvier 2023, La Poste ne commercialise plus l'emblématique timbre destiné aux « lettres prioritaires », distribuées en un jour ouvrable. Pour remplacer ce timbre rouge, il a donc été mis en place une formule « hybride » dématérialisée, la « e-lettre rouge » pour l'expédition des envois urgents. Il faut désormais envoyer un document, jusqu'à trois feuillets, avant 20h sur le site laposte.fr, depuis un bureau de poste, sur un automate ou avec l'aide d'un postier... Un processus long et évidemment absurde, mais surtout plus onéreux, puisque ce service coûte 1,49 euro contre 1,43 euro pour l'ancien timbre rouge. Si l'entreprise postale avance des arguments écologiques afin de limiter les trajets en camion et en avion, cette décision est en réalité une exclusion totale des personnes subissant déjà une fracture numérique dans de nombreux territoires. Il est nécessaire de rappeler que selon une étude de l'Insee publiée fin 2019, 8 millions de personnes sont encore privées d'équipements informatiques à domicile et plus d'un tiers des usagers d'internet manquent de connaissances de base. Ce dispositif pose également un problème de confidentialité puisque les employés de l'entreprise postale doivent dorénavant photographier les lettres prioritaires avec leurs téléphones, avant de les envoyer dans le serveur de La Poste. En ce sens et ce malgré la prestation de serment des personnes travaillant dans l'entreprise, ce dispositif viole le secret de la correspondance inscrit dans l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, qui assure le maintien du caractère privé et secret des correspondances. Pour ceux étant soucieux de préserver un minimum de confidentialité, ils seront maintenant sommés de débourser deux fois plus cher, soit 2,95 euros, pour un service qui va deux fois moins vite (le courrier étant distribué deux jours après son affranchissement). Enfin, il va sans dire qu'à travers la dématérialisation du timbre rouge, La Poste fait prendre des risques aux courriers des usagers. Le scan de la « e-lettre rouge » étant archivé pendant un an dans les data centers sécurisés du groupe en France, ils pourront être pris pour cible par des pirates informatiques. Pour rappel, le 4 juillet 2022, La Poste mobile a été victime « d'un virus malveillant de type rançongiciel ». Les auteurs de la cyberattaque l'avaient revendiqué sur le Darknet avant de faire fuiter des informations confidentielles dans le but d'obtenir une rançon de l'entreprise. La mise en place de ce nouveau dispositif seulement sept mois après ce piratage apparaît donc déraisonnable et déraisonnée. Autre nouveauté annoncée par La Poste : leur volonté de réorganiser les tournées de distribution de courrier et supprimer les tournées quotidiennes de leurs facteurs. Là aussi, cette décision apparaît injuste pour les usagers en milieu rural qui seront sans nul doute les premiers pénalisés. Cette réorganisation, s'il elle est maintenue après l'expérimentation en cours dans 68 communes, risquerait surtout de faire disparaître progressivement le métier de facteur. Selon les syndicats, 20 000 à 30 000 emplois seraient directement menacés. Il lui demande d'engager une discussion avec le groupe La Poste pour garantir à tous les Français l'égal accès à ce service public et de s'engager à ne pas licencier ses employés.

Réponse émise le 5 septembre 2023

La loi du 20 mai 2005 a désigné La Poste comme prestataire chargé de la mission du service universel postal. La loi du 9 février 2010 a confirmé l'attribution de cette mission à La Poste, pour une durée de quinze ans à compter du 1er janvier 2011. Malgré les gains de performance de La Poste et les hausses tarifaires autorisées par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), la baisse continue des volumes du service universel rend cette mission de service public fortement déficitaire. Face à cette évolution, le ministre de l'économie, des finances et de la relance a missionné en 2021 un ancien parlementaire de formuler des recommandations sur l'évolution du service public postal après consultation de l'ensemble des acteurs. S'appuyant sur ces recommandations, le Premier ministre a réaffirmé lors du 6ème comité de suivi de haut niveau du contrat d'entreprise entre l'État et La Poste, le 22 juillet 2021, l'attachement de l'État aux missions de service public de La Poste, annoncé le soutien financier du Gouvernement aux évolutions du service universel postal et indiqué que La Poste préparerait d'ici à 2023 une nouvelle gamme, centrée sur une offre à J + 3 et qui inclurait des solutions pour les communications les plus urgentes nécessitant une distribution en J + 1. Conformément à ces annonces, la gamme courrier du service universel postal a évolué au 1er janvier 2023 pour s'adapter aux usages des consommateurs qui privilégient d'autres canaux pour leurs communications urgentes (les ménages envoyaient 45 lettres prioritaires par an en 2010, seulement 5 en 2021 et n'en enverront plus que 2 en 2025), préserver un service universel accessible et abordable pour tous, partout, 6 jours sur 7, dans des conditions économiques et écologiques maîtrisées. Dès lors, la lettre rouge ou lettre prioritaire est supprimée au profit de la lettre verte distribuée en J + 3 et, pour les courriers les plus importants, de la lettre Service Plus distribuée en J + 2 comportant une notification de suivi et la possibilité d'envoi depuis sa boîte aux lettres personnelle. Limitant les émissions de gaz à effets de serre générées par l'activité postale, la nouvelle gamme courrier est plus respectueuse de l'environnement. À terme, l'économie est estimée à 60 000 tonnes de CO2, soit une réduction de 25 % des émissions actuelles, grâce au meilleur remplissage des camions et à l'arrêt du transport aérien dans l'hexagone. Seront par exemple supprimées les camionnettes acheminant chaque nuit les lettres prioritaires entre Dijon et Rennes, soit 600 km parcourus pour 500 lettres en moyenne. En supprimant la lettre prioritaire rouge au profit de la lettre verte, la modernisation de la gamme courrier devrait par ailleurs limiter le recours au travail de nuit pour des tâches de tri ou de transport et donc la pénibilité du travail induite par des horaires décalés. Enfin, combinées aux efforts de productivité de La Poste, les économies induites par cette nouvelle gamme courrier devraient permettre de générer un gain de 600 M€ en année pleine à l'horizon 2025. Ces économies permettront de limiter et de stabiliser le déficit du service universel postal et ainsi maîtriser la contribution de l'État à la compensation de cette mission de service public. Dans le cadre de l'instauration de cette nouvelle gamme, un renforcement de l'accompagnement est prévu en bureau de poste avec l'aide des conseillers numériques pour épauler les usagers les moins à l'aise avec les nouvelles technologies.  Intervenant en bureaux de poste, les conseillers numériques sont particulièrement présents dans les territoires touchés par l'illectronisme, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et en zones rurales. Spécifiquement formés pour accompagner les publics éloignés du numérique, ils apportent un soutien individualisé, assurant notamment la prise en main d'un équipement informatique et la navigation sur internet. En complément, La Poste déploiera fin septembre une nouvelle fonctionnalité permettant au facteur de scanner un courrier au domicile des clients, spécialement ceux ne pouvant se déplacer ou sans connexion internet. Dans le prolongement de l'instauration de cette nouvelle gamme, le lancement d'expérimentations visant à réorganiser les tournées de distribution du courrier ont été annoncées par La Poste. En vertu de l'article R1-1-1 du code des postes et des communications électroniques qui prévoit que la levée et la distribution des envois postaux relevant du service universel sont, sauf circonstances exceptionnelles, assurées tous les jours ouvrables, le passage du facteur six jours sur sept relève d'une obligation légale. Le facteur continuera ainsi à passer quotidiennement six jours sur sept au domicile des Français, pour leur distribuer lettres, colis, journaux et magazines, et assurer des services de proximité comme le portage de repas ou de médicaments. Les expérimentations de réorganisation des tournées relèvent entièrement des prérogatives de La Poste, dès lors que les engagements de qualité de service fixés conjointement par l'État et La Poste sont atteints. A ce sujet, le Gouvernement surveille avec vigilance la qualité de service et le respect de l'engagement de La Poste de faire parvenir 95 % des courriers en temps et en heure au domicile des destinataires. Le nouveau contrat d'entreprise État-La Poste, qui couvre la période 2023-2027, fixe par ailleurs à La Poste des exigences renforcées en termes de qualité de service par rapport au précédent contrat. Il prévoit également que la compensation versée par l'État à La Poste pour la réalisation de sa mission de service universel postal sera modulée en fonction de l'atteinte de ces objectifs, ce qui constitue une incitation forte à l'amélioration du service rendu. Le Gouvernement, convaincu du caractère essentiel de ces services postaux pour nos concitoyens et tout particulièrement les plus fragiles d'entre eux, demeure très vigilant au bon accomplissement par La Poste de ses missions de service public et attentif à ce que les adaptations menées par La Poste soient conçues et conduites de façon à garantir un haut niveau de qualité de service aux usagers.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Inscription
ou
Connexion