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Gisèle Lelouis
Question N° 5139 au Ministère de la transition écologique


Question soumise le 31 janvier 2023

Mme Gisèle Lelouis attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur les risques de plus en plus imminents des décharges de munitions conventionnelles et chimiques sous-marines. En effet, outre la pollution plastique et la surpêche, parmi les dangers qui menacent la préservation des océans et des mers, le Gouvernement semble oublier les milliers de munitions conventionnelles et chimiques, héritage des conflits mondiaux, qui dorment au fond des mers et des océans, volontairement coulées après-guerre. C'est une véritable bombe à retardement pour la sécurité civile, l'écosystème, la santé et l'économie du pays, notamment dans les Bouches-du-Rhône et en région PACA. La menace s'accentue en raison de la corrosion, ces bombes à retardement libèrent des gaz toxiques dans les fonds marins, empoisonnant et contaminant poissons, coquillage, crustacés consommés par l'homme ou les animaux d'élevage sous forme de farines et d'huiles de poissons. Ces « zones de délestage » où ont été jetées à l'eau ces munitions pour s'en débarrasser à moindre coût sont un danger pour les pêcheurs, qui risquent de graves séquelles à cause des gaz moutardes ou de sauter à cause de bombes et mines prises dans leurs filets comme en 2005. La commission OSPAR rapportait que des poissons et des mammifères marins avait été tués dans un rayon de 4 km autour d'explosions et que d'autres avaient subi une détérioration permanente de leur ouïe dans un rayon de 30 km. À l'implantation des dangereuses éoliennes viennent donc s'ajouter la détérioration des munitions explosives pour l'ouïe des mammifères marins, pourtant nécessaire afin de se repérer, provoquant des échouages. Si le plomb et le mercure provoquent des cancers et des tumeurs chez des poissons en Méditerranée, le risque est le même pour l'homme. Même si les États ont désormais l'interdiction de se débarrasser des munitions dans les mers et les océans, il n'en reste que le documentaire « Menaces en mer du Nord » recensait 2 milliards de tonnes d'armes chimiques et conventionnelles immergées en mer du Nord, dans l'Atlantique et dans la Manche. Sans oublier l'outre-mer, avec par exemple 1 600 mines de la Seconde Guerre mondiale dans le lagon de Nouméa ou la Méditerranée. En bref, la France, grande actrice et victime des deux guerres mondiales, est le pays le plus touché du monde. Or, malgré les injonctions permanentes de la commission OSPAR, des alertes de l'OTAN, des recommandations pressantes de la commission HELCOM, puis de la Commission européenne, la France, poussée par ses obligations internationales, n'a déclaré que partiellement et de manière imprécise ses sites d'immersion sous-marine. Depuis, les groupes d'étude sénatoriaux s'enchaînent, les ministères se renvoient la balle sans jamais coopérer, la DGA et la marine nationale, dont ce n'est pas la mission principale, font ce qu'elles peuvent en neutralisant 40 engins explosifs par semaine, les plongeurs font face à un travail titanesque, les archives prennent la poussière et la situation continue de se dégrader année après année. Alors qu'il s'agit d'un sujet majeur pour certains des voisins moins touchés, le Gouvernement semble continuer de vouloir cacher la poussière sous le tapis et la situation aux Français, jusqu'à ce que l'impératif de sécurité et de santé publique explose à la tête de ses successeurs. Il faut agir maintenant, sans attendre. Elle demande donc de pouvoir disposer d'une carte précise des décharges sous-marines de munitions et des déchets nucléaires et de connaître son plan d'action et de coopération au nettoyage de ces sites avec les autres ministères.

Réponse émise le 15 août 2023

À l'issue de la Seconde Guerre mondiale, des quantités importantes de munitions conventionnelles et chimiques d'origines diverses, notamment allemandes, ont été immergées par les belligérants dans plusieurs zones maritimes, comme cela était couramment pratiqué à l'époque. Les cas les plus problématiques sont ceux localisés en mer du Nord et en mer baltique, car les munitions y sont immergées à faible profondeur. En revanche, il n'existe pas de cas connu d'immersion d'armes chimiques allemandes issues de la seconde guerre mondiale dans les eaux territoriales françaises. De façon générale, les experts du ministère des armées et du ministère de l'intérieur éprouvent des difficultés à évaluer le niveau de risque que font peser ces armes immergées sur l'environnement et sur la sécurité des populations. Aucune d'étude scientifique précise n'a été conduite sur leur état de détérioration, ni sur le comportement des matières dangereuses qu'elles contiennent dans les conditions physico-chimiques particulières de leur submersion. Cependant, des études ont été menées sur des munitions remontées fortuitement. Il en ressort, au vu des conclusions des experts, que l'état de conservation des munitions connues est moins dégradé que ce que l'on pouvait craindre. Afin de traiter cette question qui concerne plusieurs États, la commission d'Helsinki, la convention pour la protection de l'Atlantique du nord-est et le conseil de l'Europe ont pris un certain nombre d'initiatives qui n'ont toutefois abouti à aucune recommandation concrète ou engageante, à ce jour. Pour sa part, la France a engagé, sous l'égide du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), des travaux interministériels sur plusieurs années, visant d'une part, à compléter la cartographie des zones potentiellement concernées et à caractériser la nature des munitions qui y seraient immergées, et d'autre part, à recueillir des informations scientifiques vérifiées, notamment auprès des pays confrontés aux mêmes difficultés, sur l'évolution des munitions dans l'eau de mer et le comportement de leur contenu en cas de fuite. Une convention a été passée entre le SGDSN et l'IFREMER fin 2022 pour lancer un ensemble de travaux scientifiques de développements méthodologiques visant à progresser dans l'élaboration de processus analytiques et des modèles scientifiques de caractérisation du vieillissement de ces objets. Ces modèles seront ensuite corrélés avec les observations qui pourront être pratiquées in situ. Dans un second temps, et une fois les potentielles zones à risques identifiées, une étude sera menée sur la pertinence d'une surveillance environnementale. Ces éléments techniques seront utilisés pour compléter les dispositifs de protection civile et environnementale existants.

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