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Julien Odoul
Question N° 5221 au Ministère de l’économie


Question soumise le 31 janvier 2023

M. Julien Odoul interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le rapport de février 2021 concernant « le modèle économique des sociétés concessionnaires d'autoroutes (CSA) » qu'il a délibérément caché aux Français. En effet, le 25 janvier 2023, un article du Canard Enchaîné a fait état d'un rapport commandé par le ministère de l'économie, des finances et de la relance où on y apprend notamment les profits colossaux empochés par les concessionnaires de péages routiers, au point de préconiser la réduction des tarifs de 60 % sur près des deux tiers du réseau. Ce rapport confidentiel rédigé conjointement par l'Inspection générale des finances (IGF) et par le service d'inspection du ministère de l'écologie a tout bonnement été enterré par Bercy, sans doute en raison du diagnostic atterrant : les gestionnaires des deux plus importants réseaux routiers connaissent « une rentabilité très supérieure à l'attendu » de près de 12 %. Ce constat illustre l'échec cuisant de la privatisation des autoroutes mise en place en 2006 par Dominique de Villepin et son directeur de cabinet, M. Bruno Le Maire. Ainsi, depuis 2006, la hausse des péages a été presque toujours supérieure à l'inflation alors que les dividendes des actionnaires sont en augmentation constante. Dans le même temps, à l'heure où le pouvoir d'achat des Français est en chute libre, la hausse moyenne des tarifs des péages autoroutiers vont, eux, bondir de 4,75 % à partir du 1er février. Un coup de massue supplémentaire pour les automobilistes au profit des intérêts privés et une honte pour un ministre qui prétendait ignorer ce qu'est un « superprofit » en août dernier, mais qui a pourtant caché ce rapport de manière délibérée. En clair, alors qu'un rapport recommande à Bercy de s'impliquer davantage dans les négociations liées aux concessions (qui perçoivent près de 11 milliards d'euros par an de péages), celui-ci préfère ignorer cet avis et laisser les sociétés d'autoroutes se gaver en vidant le portefeuille des millions d'usagers de la route. En ce sens, M. le député souhaite connaître les raisons de la dissimulation de ce rapport accablant pour le Gouvernement : est-ce parce qu'il a participé à la privatisation des autoroutes en 2006 ? Aussi, il souhaite connaître les prochaines évolutions des prix des péages et les mesures envisagées pour faire baisser les prix pour les usagers des autoroutes.

Réponse émise le 27 juin 2023

Les sociétés concessionnaires d'autoroutes sont chargées de l'entretien et de l'exploitation du réseau autoroutier dit « concédé ». Cette gestion est opérée par voie contractuelle selon un mode concessif. Les hausses tarifaires sont inscrites dans les contrats et sont plafonnées, pour les sociétés concessionnaires historiques (SANEF, SAPN, APRR, AREA, ESCOTA, ASF, Cofiroute), à 70 % du niveau d'inflation de l'année précédente hors nouveaux travaux demandés par le concédant au concessionnaire. Ainsi, le niveau des péages évolue moins vite que l'inflation. Ces péages couvrent (i) les coûts d'exploitation et d'entretien du réseau, (ii) le remboursement des dettes contractées par le concessionnaire et les coûts de financement afférents et (iii) la rémunération du concessionnaire au titre du capital investi. Le rapport de l'IGF montre que le TRI projet est proche de celui anticipé par l'État lorsqu'il a cédé le capital qu'il détenait dans les sociétés concessionnaires d'autoroutes à des acteurs privés. En revanche, s'agissant du TRI actionnaire, qui avait été estimé à 7,7 % pour l'ensemble des sociétés d'autoroutes, l'écart par rapport aux anticipations s'est révélé à ce stade du déroulement de la concession plus significatif, avec une différence allant de 1 à 4 points de pourcentage. Ces chiffres doivent néanmoins être considérés avec beaucoup de précaution. D'une part, il n'était pas possible, au moment de la privatisation, d'anticiper la politique monétaire qui serait menée pendant les années 2010-2020 et qui a eu pour effet de permettre aux concessionnaires de bénéficier de conditions financières particulièrement favorables. D'autre part, le TRI actionnaire ne peut s'apprécier que sur l'ensemble de la durée d'une concession, c'est-à-dire, s'agissant des sociétés concessionnaires historiques, jusqu'à leur date d'échéance, comprise, selon les concessions, entre 2031 et 2036. L'écart actuellement constaté n'est donc pas définitif. L'État n'est pas resté inactif face à l'augmentation de la rentabilité des sociétés concessionnaires d'autoroutes : le rapport que vous mentionnez a été commandé ; la hausse du prix des péages a été contenue à 2 % en 2022 ; enfin, le choix d'indexer la taxe d'aménagement du territoire sur l'inflation a permis de rapporter plus d'un milliard d'euros à l'État. Par ailleurs, j'ai saisi le Conseil d'Etat afin qu'il étudie les voies juridiques permettant d'éviter l'apparition d'une situation de rente. Parmi les pistes étudiées figurent l'augmentation de la fiscalité pesant sur les sociétés concessionnaires détenues par le groupe et la réduction de la durée des contrats de concession autoroutière.

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