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Christine Arrighi
Question N° 5405 au Ministère auprès du ministre de la transition écologique


Question soumise le 7 février 2023

Mme Christine Arrighi interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique car le 22 novembre 2022, lors d'une question au Gouvernement adressée à la Première ministre, Mme la députée suggérait de mettre fin à la privatisation des autoroutes et en attendant, négocier la baisse des tarifs aux péages, tarifs excessivement élevés qui pèsent sur les pouvoirs d'achat et de vivre des Françaises et des Français. Cette interpellation allait dans le sens du rapport de l'Inspection générale des Finances reçu en février 2021 par M. le ministre. Ledit rapport, transmis par l'Inspection générale des finances (IGF) et le service d'inspection du ministère de l'écologie, portait sur le « modèle économique des sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) ». Dans ce document de 65 pages rapporté par un journal hebdomadaire, les inspecteurs mettaient en évidence « une rentabilité très supérieure à l'attendu » pour les gestionnaires des deux plus gros réseaux autoroutiers, « ce qui va contre le principe de rémunération raisonnable ». Concrètement, les concessions ASF-Escota (groupe Vinci) et APRR-Area (Eiffage), qui exploitent près des deux tiers des 9000 km du réseau autoroutier concédé, présentent une rentabilité proche de 12 %. Ce montant est très supérieur au niveau ciblé par l'État et par les sociétés concessionnaires d'autoroutes lors de la privatisation en 2006, à savoir 7,67 %. Les dividendes des actionnaires de ces SCA explosent donc toutes les prévisions. Pour permettre de réaligner la rentabilité des sociétés en question sur le niveau initialement défini, les rapporteurs préconisent dans ce rapport trois options , soit une fin anticipée des concessions en question en 2026, c'est-à-dire respectivement 9 et 10 ans de moins que prévu par APRR et ASF ; soit une baisse drastique des tarifs des péages dès 2022 qui devrait être de 58 % pour le réseau ASF-Escota et 59 % pour APRR-Area, ce qui représente une économie d'environ 21 euros pour un trajet Marseille-Toulouse ou de 35 euros pour un Paris-Lyon ; soit le prélèvement par l'État de plus de 63 % de l'excédent brut d'exploitation dégagé par les deux groupes concessionnaires les plus rentables sur la période allant de 2021 jusqu'à la fin des concessions, ce qui représenterait 55, 4 milliards d'euros au total. Les auteurs ont précisé que les deux dernières options avaient uniquement une valeur d’illustration, seule la première étant légalement envisageable. Le rapport de l'inspection générale des finances indiquait bien la nécessité de renforcer le pouvoir de négociation de l'État vis-à-vis des SCA et ce, d'autant plus que la fin des concessions historiques approche (entre 2031 et 2036) et demande à être préparée, notamment concernant la remise en état des réseaux. Les concessions autoroutières touchent environ 11 milliards d'euros par an de péages. Cela justifie largement une implication de l'État et notamment du Gouvernement. Cela se justifie d'autant plus étant donnée la hausse moyenne de 4,75 % des tarifs des péages autoroutiers mise en œuvre au 1er février 2023 (dont 5,1 % sur le réseau ASF et 4,8 % sur le réseau APRR). À titre d'exemple, les augmentations des prix des péages sur les autoroutes qui desservent Toulouse seront les suivantes : pour rejoindre Bordeaux, la note va s'alourdir d'1,30 euro, le prix du péage passant à 21,10 euros depuis le péage Ouest de Toulouse et à 21,80 euros depuis l'Est. Pour atteindre Montpellier, le prix passe de 24,50 à 26 euros depuis Toulouse Ouest, soit 1,50 euro de plus. C'est la même chose en partance de Toulouse Est : la note sera de 26,60 euros aux portes de Montpellier. Cette hausse des tarifs au regard des dividendes dégagés par les concessionnaires est inacceptable. Au-delà de 2022, les dividendes des concessionnaires atteindraient 40 milliards d'euros dont 32 milliards pour Vinci et Eiffage, alors que la privatisation de 2006 n'a rapporté que 14,8 milliards d'euros à l'État. Il faut un partage plus juste des revenus autoroutiers et une révision des tarifs aux péages qui ne servent que les actionnaires. Il est temps que l'argent de ces concessions servent des politiques publiques de développement des transports en commun et modes doux. C'est pourquoi elle demande à M. le ministre quand il entend mettre en œuvre les préconisations du rapport de l'IGF de 2021 en utilisant le pouvoir de négociation de l'État pour réviser les tarifs de péages et mettre fin de manière anticipée aux concessions autoroutières.

Réponse émise le 4 juillet 2023

Le rapport conjoint de l'inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l'Environnement et du Développement durable (CGEDD) a été commandé par l'Etat en juillet 2020 dans le cadre du contentieux naissant concernant l'indexation de la taxe d'aménagement du territoire (TAT), instituée par la loi de finances pour 2020. L'objectif premier de ce rapport consistait à préparer des éléments d'argumentation à destination du Gouvernement et de l'Administration, lui permettant de se défendre dans le cadre de ce contentieux. Les principaux éléments d'analyse visaient ainsi à documenter l'impact sur l'équilibre économique des concessions autoroutières de la mesure fiscale mise en œuvre. Pour ces raisons, le rapport n'avait initialement pas vocation à être rendu public. Pour autant, le Gouvernement a non-seulement transmis ce rapport aux rapporteurs généraux des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat mais aussi demandé à Inspection générale des finances de le mettre en ligne sur son site internet en toute transparence. Conformément à l'objectif recherché, le rapport établit des calculs de rentabilité des sociétés concessionnaires le conduisant à estimer l'impact de la mesure, pour alimenter la défense de l'Administration dans le cadre du contentieux. Le jugement de première instance, intervenu le 22 janvier 2023, a d'ailleurs conclu au rejet des requêtes de l'ensemble des sociétés. Au plan économique, l'Autorité de régulation des transports (ART), dont l'une des missions est de suivre la rentabilité du secteur, a émis par ses deux rapports sur l'économie générale des concessions de 2020 et 2023, des avis nuancés sur le sujet. Ainsi, afin d'éclairer le plus complètement possible la question de la rentabilité des concessions et des suites que le concédant pourrait y donner, le Conseil d'Etat a été saisi par le Gouvernement, qui en examine actuellement l'avis. Par ailleurs, concernant la préparation de la fin des concessions autoroutières historiques, l'Etat travaille d'ores et déjà à définir précisément la notion de bon état en fin de concession et les obligations des sociétés dans ce cadre. Ce travail s'est traduit par des dispositions spécifiques lors des derniers avenants signés le 30 janvier dernier avec les sociétés APRR-AREA et SANEF-SAPN et a vocation à être intégré dans l'ensemble des contrats historiques à l'occasion des prochains avenants. Enfin, ces travaux de court terme sur les contrats existants ne doivent pas obérer une vision stratégique à l'horizon de l'échéance des concessions autoroutières historiques. Comme l'a annoncé le Ministre délégué chargé des transports, lors de son audition commune avec le Ministre de l'Economie le 22 mars dernier à l'Assemblée nationale, seront prochainement lancées des « assises », qui seront l'occasion d'interroger le devenir de ce réseau, prenant en compte les enjeux de la décarbonation de la route, de résilience au changement climatique, d'aménagement du territoire et les besoins des usagers.

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