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Hélène Laporte
Question N° 5414 au Ministère auprès du ministre de l’agriculture


Question soumise le 14 février 2023

Mme Hélène Laporte interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur ses intentions quant à la législation en vigueur en France sur l'usage d'insecticides de la famille des néonicotinoïdes. Depuis la décision de la Cour de justice de l'union européenne du 19 janvier 2023 qui interdit toute dérogation dans les droits internes des États membres sur l'usage de clothianidine et de thiaméthoxame en agriculture, la filière betteravière française, la première d'Europe, craint légitimement de s'effondrer alors que la jaunisse de la betterave transmise par les pucerons menace les plants. Cet effondrement entraînerait avec lui celui de l'industrie sucrière métropolitaine. Le problème de la France dans ce domaine est qu'elle s'est soumise à deux cadres contraignants qui se cumulent : le cadre européen, issu de règlements de la Commission du 29 mai 2018, qui interdit quatre néonicotinoïdes dans les cultures en plein air uniquement, sans exception pour la pratique - beaucoup moins dangereuse pour les insectes pollinisateurs - de l'enrobage des semences ; le cadre français, posé par la loi du 8 août 2016 et inscrit à l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, qui interdit l'ensemble des cinq molécules utilisées, sans exception pour l'agriculture sous serres permanentes mais avec une dérogation introduite en 2020 pour l'enrobage des semences. Le retour de la souveraineté française dans ce domaine n'étant pas à l'ordre du jour politique et dans l'attente d'une reconnaissance par la Commission européenne de l'innocuité environnementale de la pratique de l'enrobage des semences, il apparaît plus qu'urgent d'aligner les normes environnementales françaises sur celle des autres États membres de l'Union européenne, le cadre législatif français actuel mettant les cultivateurs du pays dans une situation de concurrence gravement biaisée au profit de ceux des pays voisins, notamment l'Allemagne. Elle l'appelle donc à ré-autoriser l'acétamipride, néonicotinoïde qui ne fait à ce jour l'objet d'aucune interdiction réglementaire européenne et à permettre l'usage des autres néonicotinoïdes pour la culture sous serre permanente, remettant ainsi la France sur un pied d'égalité avec les autres États.

Réponse émise le 23 avril 2024

Le Gouvernement a agi dès 2020 face aux risques de fragilisation de la filière sucrière lié à la la jaunisse de la betterave, d'une part en réouvrant de façon temporaire et limitée l'utilisation de certains néonicotinoïdes, d'autre part en mettant en place un plan national de recherche et innovation (PNRI) sans précédent de plus de 20 millions d'euros (M€), dont 7 M€ venant de l'État, le reste étant financé par le secteur privé (filière, porteurs de projets…) et l'institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE). Ce plan a permis de coordonner un important effort de recherche de la filière afin d'apporter des solutions alternatives techniquement et économiquement viables pour sortir des néonicotinoïdes dans les meilleurs délais. Il commence d'ores et déjà à porter ses fruits : de premières alternatives sont expérimentées sur le terrain dès cette année. Dans une décision du 19 janvier 2023, la cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a exclu l'utilisation des néonicotinoïdes pour les semences et invalidé le droit de déroger à l'interdiction européenne dans le cadre de l'article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009. Par conséquent, aucune nouvelle dérogation autorisant l'utilisation des néonicotinoïdes pour les semences de la campagne 2023 n'a été accordée. Afin d'éviter que la filière ne se trouve dans l'impasse, le Gouvernement a annoncé le 9 février 2023 le déploiement d'un plan d'action avec la filière afin d'assurer une production suffisante de betteraves et l'approvisionnement de l'ensemble de la filière sucre française en 2023. Ce plan d'action visait en particulier à déployer rapidement des mesures de protection des cultures. À cette fin, de nouveaux itinéraires techniques ont été élaborés en liaison avec les professionnels et selon les recommandations du PNRI. Ils ont été mis à disposition des producteurs via l'institut technique de la betterave et ont pu être utilisés en cas de jaunisse depuis le printemps 2023. En parallèle, toutes les solutions immédiatement disponibles issues du PNRI, concernant notamment l'utilisation des plantes compagnes, ont été mises en œuvre par la profession. À des fins préventives, des mesures ambitieuses de gestion des réservoirs viraux ont été mises en place et des modèles de prévision des vols de pucerons issus des travaux du PNRI ont été déployés. Enfin, un dispositif d'aide aux planteurs en cas de pertes de rendements liées à un épisode de jaunisse en 2023 a été construit en concertation avec la filière par le délégué interministériel à la filière sucre et les services du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Ce dispositif de soutien s'appuie sur les références individuelles de production de la période 2017-2019, à comparer la production individuelle de 2023 à cette référence avec de légères décotes, entre 10 % et 15 %, afin de différencier le traitement des assurés et des non-assurés, pour indemniser la perte sur la base d'un montant de 41 euros par tonne, permettant de couvrir le coût de production. Il permettra de payer les pertes dues à la jaunisse, localisées en quelques points du territoire betteravier, au début de l'été 2024 au plus tard. Par ailleurs, les travaux relatifs au PNRI seront consolidés pour une durée de trois années, jusqu'en 2026, et bénéficieront de 4 M€ supplémentaires de la part du ministère chargé de l'agriculture, sans préjudice des contributions des autres acteurs, qu'ils soient publics ou privés, Ce renforcement du PNRI s'inscrira, à terme, dans les travaux de la nouvelle stratégie Écophyto 2030. Malgré le renforcement et l'accélération des recherches, la situation climatique et sanitaire du début de campagne 2024, avec des vols de pucerons précoces, faisait courir le risque de pertes de rendements importantes pour la filière cette année. La ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a donc octroyé une dérogation, à la demande de la filière, pour permettre 3 passages de spirotétramate (commercialisé sous le nom Movento) au lieu de 2 actuellement, ce nombre pouvant être porté à 5 au total en cas de nécessité. Ce produit s'ajoute au flonicamide (commercialisé sous le nom de Teppeki), pour lequel un passage est d'ores et déjà autorisé. Le Gouvernement met ainsi en œuvre le principe pas d'interdiction sans solution avec pragmatisme, en accompagnant la recherche de solution à moyen terme par des dérogations de court terme nécessaires à la pérennité des filières. C'est dans cet esprit que le Gouvernement a lancé dès le printemps 2023, le plan d'action stratégique pour l'anticipation du potentiel retrait de substances actives au niveau européen et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (PARSADA), qui est entré dans sa phase opérationnelle le 18 décembre 2023 lors de la tenue de la 3ème réunion du comité interfilières pour la protection des cultures. Ce dispositif a pour objectif de développer, face aux risques d'impasses techniques, l'éventail des solutions disponibles pour les agriculteurs en s'attachant à identifier les facteurs clés de leur déploiement. D'autre part, c'est également cet esprit qui a présidé au lancement à partir de mars 2024 d'un cycle de réunions « solutions et alternatives aux produits phytosanitaires interdits » présidées par la ministre déléguée visant à répondre aux difficultés rencontrées par les agriculteurs pour la protection de leurs cultures. Ce cycle de réunions a mandaté la commission des usages orphelins (CUO) et son comité technique opérationnel (CTOP) pour objectiver les situations de distorsions dans les différentes filières et identifier les mesures permettant de répondre à ces difficultés. Ces travaux permettront également d'articuler les calendriers de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et de l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour éviter les situations de distorsion de concurrence.

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