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Christophe Barthès
Question N° 5518 au Ministère de l’économie


Question soumise le 14 février 2023

M. Christophe Barthès appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la nouvelle réforme dénommée « foncier innovant », issue du grand plan d'investissement financé par le fonds de transformation de l'action publique. Ce plan consiste à confier à l'intelligence artificielle l'automatisation du processus de détection des constructions ou des aménagements non déclarés et la mise à jour robotisée du plan cadastral conduit à mettre à mal le service public de proximité rendu à l'usager et aux collectivités territoriales. La DGFiP a confié le développement de cette intelligence artificielle à un prestataire, Cap Gémini, lui même ayant Google comme partenaire pour le stockage des données, avec sous-traitance à Madagascar pour le traitement informatique de masse. La finalité du « foncier innovant » est certes louable : assurer l'équité et la justice fiscale, en ciblant les anomalies déclaratives, qu'elles proviennent d'erreurs, manquements ou fraudes, afin de les intégrer dans les bases d'imposition aux taxes locales, mais aussi, effectuer par interprétation la mise à jour du plan cadastral . Ce grand projet découpé en trois volets vient d'être généralisé pour le premier d'entre eux, ce malgré une expérimentation non convaincante : la détection des piscines non déclarées et la mise en place de la procédure d'imposition. À ce stade, le coût avoué par la DGFiP serait de 30 millions d'euros. Les photos normées de l'IGN utilisées en support, au mieux triennales, n'améliorent en rien l'actualisation, les géomètres cadastreurs exploitent déjà ces photos depuis 1998 selon la même fréquence de parcours en commune, mais surtout avec leurs souvenirs de la connaissance du terrain. L'utilisation de l'intelligence artificielle pleinement aboutie peut être un outil supplémentaire pour l'amélioration de l'accomplissement des missions régaliennes, mais il est évident que la finalité est envisagée uniquement dans le but de supprimer des effectifs de géomètres cadastreurs pourtant déjà réduits d'un tiers en quinze ans, soit 900 à ce jour, un gain supplémentaire de 300 postes étant déjà extrapolé du bienfait relatif au « Foncier innovant » en l'état. La réduction inexorable de ces agents inquiète les élus qui s'appuient sur leur rôle de recenseurs fiscaux, mais également pour la gestion topographique du plan cadastral, ainsi que leur aide et actions relatives à la gestion de la voirie. Dans ces conditions, il est donc à craindre que les missions de proximité, tant fiscales que topographique, disparaissent à très court terme au profit de process exclusivement numériques, externalisables, délocalisables, qui compromettraient la bonne fiabilisation des bases d'imposition et conduiraient à l'appauvrissement des données cadastrales. En conséquence, les collectivités n'auraient comme recours que de solliciter des prestataires en fiscalité et des géomètres experts privés pour assurer un suivi exhaustif de la fiscalité foncière et une gestion fiable du plan cadastral. À ce jour, il est à rappeler que les services du cadastre assurent gratuitement l'intégralité de la mise à jour du plan, les contentieux (en perpétuelle augmentation) qui y sont liés, la refonte numérique des plans anciens imprécis ou surchargés (les besoins sont énormes), la gestion d'un répertoire toponymique (retard conséquent en actualisation) des voies et lieux-dits, ainsi que l'établissement de documents divisoires nécessaires aux collectivités territoriales (sollicitation forte) pour la gestion de leurs propriétés et voies publiques. Alors que les géomètres cadastreurs évoluaient régulièrement en suivant la montée puissance des techniques dont dépendent leurs missions, leur formation initiale vient d'être réduite de 18 à 12 mois, l'enseignement étant dorénavant axé sur le domaine fiscal au détriment des matières topographique, cartographique et informatique appliquée. Cet état de fait, corrélé aux suppressions régulières d'effectifs, fait craindre aux géomètres cadastreurs la disparition rapide de ce métier, leur asservissement à une intelligence artificielle au stade de balbutiements ne pouvant être envisagé comme un rehaussement de leur carrière. Il lui demande quelles mesures il compte prendre face aux inconvénients de la réforme « foncier Innovant », particulièrement pour les géomètres.

Réponse émise le 27 juin 2023

Le cadastre est un ensemble de documents permettant de recenser, décrire et évaluer les propriétés immobilières situées en France afin de servir de base de calcul aux impôts locaux. La documentation cadastrale comprend d'une part le « plan cadastral », documentation graphique composée d'un tableau d'assemblage présentant le territoire d'une commune et sa division en sections, ainsi que de feuilles sur lesquelles sont reportés les numéros et limites des parcelles et les emprises au sol des bâtiments, et d'autre part la « matrice cadastrale », la documentation littérale précisant les caractéristiques des locaux, l'identité des propriétaires et la liste des parcelles leur appartenant. Afin d'assurer une mise à jour plus efficiente et fiable du cadastre, la direction générale des finances publiques (DGFiP) a engagé un vaste plan de modernisation reposant sur plusieurs axes. Le premier axe vise à optimiser et fiabiliser les bases d'imposition des locaux d'habitation et professionnels, en s'attachant à collecter de manière exhaustive les informations relatives aux constructions et aménagements des locaux. À cette fin, depuis novembre 2022, il est proposé un nouveau service en ligne d'échanges avec les propriétaires, tout en conservant des transmissions par voie papier pour les personnes ne disposant pas d'un accès à internet. Les propriétaires peuvent ainsi déclarer en ligne, sur leur espace « gérer mes biens immobiliers » accessible depuis leur espace personnel du site impots.gouv.fr, l'achèvement des aménagements ou constructions de leurs locaux. En outre, la DGFiP a désormais recours à l'utilisation d'algorithmes d'intelligence artificielle pour identifier, sur les prises de vues aériennes publiques, les constructions de bâtiments et piscines ayant échappé à une imposition à la fiscalité directe locale ou aux taxes d'urbanisme. Ce dispositif participe également à une plus grande fiabilité et exhaustivité des bases d'imposition. Par ailleurs, s'agissant de la tenue à jour du plan cadastral et de la consolidation de sa qualité, la DGFiP poursuit les travaux menés par les géomètres du cadastre dans le cadre des chantiers de remaniement, qui permettent une géolocalisation plus précise des parcelles, et de la représentation parcellaire cadastrale unique (RPCU) qui permet d'assurer le continuum géographique des feuilles du plan cadastral. Concernant la représentation graphique des bâtiments sur le plan cadastral, elle nécessite jusqu'alors un déplacement sur le terrain qui présente des contraintes fortes tant en terme administratif et environnemental que pour les propriétaires qui doivent être présents lors des visites des géomètres du cadastre qui ne peuvent pénétrer dans leurs propriétés sans leur autorisation. Afin d'assurer la mise à jour de la représentation graphique des bâtiments à partir de moyens moins coûteux, plus modernes et moins intrusifs, la DGFiP envisage effectivement de s'appuyer sur l'exploitation des prises de vues aériennes et l'utilisation des nouvelles technologies d'intelligence artificielle, évitant ainsi un déplacement sur le terrain pour une partie des situations. La représentation graphique des bâtiments serait ainsi désormais effectuée suivant le rythme triennal actuel de mise à disposition des prises de vues aériennes. L'acquisition de nouvelles sources de données (lidar, photographies satellitaires) permettrait par la suite une mise à jour plus fréquente. La mise en œuvre de l'ensemble de ces évolutions participe d'une mise à disposition aux collectivités locales d'une documentation littérale cadastrale plus fiable et actualisée plus rapidement. Quant aux géomètres du cadastre, ils continuent tout à la fois d'assurer leurs missions fiscales de fiabilisation des bases d'imposition et leurs travaux topographiques de mise en qualité du plan cadastral, selon des modalités enrichies et diversifiées. Leur effectif va être pérennisé, avec un dispositif de formation initiale et continue qui s'adapte au contexte de l'utilisation des nouvelles technologies. En outre, si pour la mise en œuvre du projet « Foncier innovant » la DGFiP a mobilisé plusieurs prestataires, ces derniers interviennent uniquement le temps de l'élaboration et la construction des solutions Les travaux réalisés, pilotés par la DGFiP, ont ensuite vocation à être intégrés au sein de son propre système d'information. L'administration fiscale a ainsi l'entière maîtrise des opérations de maintenance évolutive et d'exploitation des solutions mises en œuvre, comme c'est déjà le cas pour toutes ses infrastructures informatiques et l'essentiel de ses applications. Enfin, la conduite et la gestion des missions topographiques et fiscales (mise à jour du plan cadastral, mise à jour des évaluations des immeubles…), pour lesquelles les géomètres du cadastre jouent un rôle central, demeurent de la compétence exclusive de l'administration fiscale. L'ensemble de ces réformes participe à l'amélioration du service public.

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