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Frédéric Boccaletti
Question N° 5708 au Ministère des armées


Question soumise le 21 février 2023

M. Frédéric Boccaletti attire l'attention de M. le ministre des armées sur les Marins ayant servi sur des bâtiments contenant de l'amiante. De nombreux Marins ont servi sur des bâtiments de la Marine Nationale, renfermant des matériaux à base d'amiante, de sorte qu'ils ont été exposés pendant leurs années de service, à l'inhalation de poussières d'amiante. Cette situation justifie que ces marins soient fondés à réclamer l'indemnisation d'un préjudice moral d'anxiété. Ce préjudice est, de longue date, admis par la jurisprudence. Par un arrêt récent, le Conseil d'État (arrêt du 28 Mars 2022 - CE 7ème Chambre, 2ème Chambres réunies, 28/03/2022, n° 453378) a jugé notamment : « La personne qui recherche la responsabilité d'une personne publique en sa qualité d'employeur et qui fait état d'éléments personnels et circonstanciés de nature à établir une exposition effective aux poussières d'amiante susceptible de l'exposer à un risque élevé de développer une pathologie grave et de voir, par là même, son espérance de vie diminuée, peut obtenir réparation du préjudice moral tenant à l'anxiété de voir ce risque se réaliser. Dès lors qu'elle établit que l'éventualité de la réalisation de ce risque est suffisamment élevée et que ses effets sont suffisamment graves, la personne a droit à l'indemnisation de ce préjudice, sans avoir à apporter la preuve de manifestations de troubles psychologiques engendrés par la conscience de ce risque élevé de développer une pathologie grave ». Or plusieurs mois après cet arrêt retentissant, les Marins qui font la demande d'une « attestation de leur affectation sur des bâtiments contenant des matériaux à base d'amiante » se voient encore réclamer par la Marine Nationale la production de nombreuses pièces destinées à rapporter la preuve, notamment, d'un suivi médical professionnel relatif au risque d'amiante. Dès lors, pour quelles raisons, malgré les termes clairs de cet arrêt, la Marine Nationale persiste-t-elle à maintenir sa position antérieure, au mépris total de la décision du Conseil d'État ? Pourquoi ne pas exclusivement s'appuyer sur l'État Général des Services (EGS) afin que les marins puissent demander l'indemnisation de leur préjudice d'anxiété ? Enfin, pourquoi la liste des bâtiments amiantés n'est-elle pas publiée afin que les personnes concernées puissent se manifester ? Précision faite que les bateaux sortis des chantiers navals après le 1er janvier 1997 mais dont la construction a débuté avant cette date devraient eux aussi intégrer cette liste.

Réponse émise le 11 juillet 2023

La Marine nationale, lorsqu'elle est sollicitée par un ancien marin pour lui délivrer une attestation d'exposition à l'amiante lui ouvrant droit à un suivi médical post-professionnel (conformément au décret n° 2013-513 du 18 juin 2013) conduit une enquête administrative qui consiste à consulter les archives et le dossier de l'intéressé, mais également à réunir les pièces qui seraient en sa possession et ses propres déclarations sur son activité passée au sein de l'institution. Si cette enquête démontre que le demandeur, eu égard aux fonctions qu'il a exercées, a été exposé à l'amiante au cours de sa carrière, une attestation d'exposition lui est délivrée. Celle-ci lui ouvre droit au bénéfice d'un suivi médical post-professionnel. La procédure d'attribution de ces attestations d'exposition, précisément définie par voie réglementaire, n'a pas vocation à être complétée par la publication d'une liste des bâtiments amiantés. S'agissant de la demande éventuelle, formulée par un marin, de l'indemnisation du préjudice moral d'anxiété, celle-ci est distincte de celle tendant à la mise en œuvre d'une surveillance médicale post-professionnelle. Pour bénéficier de cette indemnisation, le militaire de la Marine nationale doit démontrer que ses fonctions impliquaient la manipulation directe de matériaux amiantés ou, à défaut, qu'il a, pendant une durée significativement longue et dans le cadre de ses fonctions, vécu en continu, dans un espace clos et confiné comportant des matériaux composés d'amiante, et ce, sans pouvoir échapper à son risque d'inhalation (Conseil d'État, 28 mars 2022, M. P., n° 453378). L'examen de ces demandes, conforme à cette jurisprudence, est réalisé, au cas par cas, selon la situation individuelle du demandeur sans que ne puissent aujourd'hui être définis des critères automatiques d'attribution de cette indemnisation.

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