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Ersilia Soudais
Question N° 5777 au Ministère auprès de la première ministre


Question soumise le 21 février 2023

Mme Ersilia Soudais alerte M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la persistance et la récente recrudescence des propos et actes stigmatisant les populations dites de « gens du voyage ». Il faut rappeler que ce terme désigne en réalité des situations parfois très différentes puisqu'il désigne aussi bien des populations Roms fuyant des situations de misère en Europe centrale que des citoyens, établis en France de plus longue date et Français, dont bon nombre sont majoritairement sédentaires ou semi-sédentaires. Au-delà de cette diversité, un même fléau frappe cependant toutes ces populations : la stigmatisation et le mépris persistant d'une partie importante de la population, y compris parmi les élus de la République. Ainsi, la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l'Homme) indique bien dans ses derniers rapports une progression de la tolérance et de l'acceptation de l'autre, mais elle note que « l'antitsiganisme est une forme de racisme décomplexée qui ne décroit pas en France ». Dimanche 5 février 2023, à Villeron dans le Val-d'Oise, un groupe d'habitants soutenu par le maire de la commune a chassé un groupe de Roms qui s'étaient installé dans un bois riverain. Que ces personnes qui fuient une situation de misère se soient livrés à une occupation illégale d'un bois classé et qu'elles y aient effectué des déprédations ne fait pas de doute. Une procédure d'expulsion était d'ailleurs en cours, mais rien ne justifie une démarche effectuée en groupe, en dehors de la loi et menée sur fond d'une campagne rappelant les pires heures du XXe siècle. Il faut se rappeler de cet éditorial de M. le maire de Villeron dans le journal municipal de janvier 2023 : « Rien que d'évoquer leur nom, mes poils se hérissent, les Roms arrivés fin octobre dans notre charmant village ». Moins grave sans doute mais également significatif, mercredi 8 février 2023, un sénateur s'est répandu en idées reçues stigmatisantes sur Radio J pour caricaturer les débats animés de l'Assemblée nationale en ces termes : « Transformer l'Assemblée nationale en camp de gitans... ce n'est pas les Saintes-Maries-de-la-Mer ». Ces dérives, qui ne sont pas de même nature ni surtout de même portée, doivent toutes nous alerter. Mme la députée rappelle que la stigmatisation des populations tsiganes a facilité la politique de persécution et de génocide (Porajmos ou Samudaripen) orchestrée principalement par le régime nazi entre 1933 et 1945. Elle lui demande ce qu'il compte mettre en œuvre concrètement pour lutter contre la stigmatisation de ces populations et éviter ainsi que de tels propos blessants et de tels agissements indignes se renouvellent.

Réponse émise le 14 mars 2023

La lutte contre la haine et contre l'ensemble des discriminations constitue une politique prioritaire duGouvernement, au sein de laquelle le principe d'égalité des droits et des chances constitue l'un desfondements du pacte républicain. A ce titre, le gouvernement a intégré, pour la première fois, la lutte contre les discriminations liées à l'origine dans la politique publique interministérielle coordonnée relative à la lutte contre l'antisémitisme et contre toutes les formes de racisme. En outre, dans la continuité de la stratégie 2020-2030 présentée par la France à la Commission européenne affirmant une volonté et des objectifs ambitieux pour lutter contre l'antitsiganisme et agir en faveur de l'inclusion des gens du voyage et des personnes considérées comme Roms, la lutte contre l'antitsiganisme est aussi désormais pleinement intégrée à l'action publique interministérielle. Dès l'été 2022, la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances a ainsi engagé une large concertation pour élaborer le Plan national 2023-2026 de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine. La concertation a impliqué plus de trente-cinq associations de lutte contre le racisme, l'antisémitisme, l'antitsiganisme ou spécifiquement dédiées à la lutte contre la haine en ligne, fondations, lieux de mémoire et d'histoire, les différents ministères et des institutions indépendantes (Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), Défenseur des droits, Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM). Le nouveau Plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine, qui constitue la feuille de route du quinquennat, a été présenté le 30 janvier 2023 par la Première ministre et la ministre déléguée chargée de l'Égalité, de la Diversité et de l'Égalité des chances. Ce plan est articulé autour de cinq axes : Oser nommer la réalité du racisme, de l'antisémitisme et des discriminations et réaffirmer notre modèle universaliste ; Mesurer les phénomènes de racisme, d'antisémitisme et les discriminations ; Mieux éduquer et mieux former ; Sanctionner les auteurs ; Accompagner les victimes. De ces cinq axes découlent quatre-vingt mesures ambitieuses. La lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations se joue dès l'enfance et à ce titre l'enseignement joue un rôle clé pour changer les mentalités. Parmi les mesures du plan, figure donc l'organisation d‘une visite d'histoire ou de mémoire liée au racisme, l'antisémitisme ou l'antitsiganisme pour chaque élève durant sa scolarité afin de forger et transmettre une mémoire collective et renforcer l'attachement de chaque enfant au récit historique. En écho à cette exigence de connaitre l'histoire pour conserver la mémoire et éclairer le présent, l'une des mesures du plan annoncées par la Première ministre est la création d'un musée à la mémoire des Gens du voyage internés sur le site de l'ancien camp de Montreuil-Bellay (Maine et Loire) Pour accompagner les victimes et mieux sanctionner les auteurs, la prise de plainte hors les services (ou en mobilité) sera développée, notamment en déployant les dispositifs d'« allers-vers » en lien avecle tissu associatif. Les associations engagées auprès des populations Roms et Gens du voyage sont directement associées à cet objectif, au même titre que les autres associations accompagnant des victimes de racisme ou d'antisémitisme. Parallèlement, le Plan prévoit également de doter les forces de l'ordre d'une grille d'évaluation pour mieux qualifier les faits lors de la prise de plainte et de permettre l'anonymisation partielle des plaintes pour protéger les victimes. Parce que cette haine s'exprime dans l'ensemble des sphères de la société, y compris en ligne, le dispositif PHAROS sera renforcé avec l'objectif de mieux accompagner les associations pour signaler des contenus illicites. Afin que ces mesures puissent effectivement transformer le quotidien des citoyens vers plus d'égalité des chances et des droits, il est essentiel qu'elles soient déployées localement, en s'adaptant aux besoins et spécificités de chaque des territoires. L'implication de tous les acteurs locaux sera ainsi déterminante : collectivités, pouvoirs publics, établissements scolaires, société civile. Sous l'autorité conjointe des préfets et des procureurs de la République, les comités opérationnels de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les haines anti-LGBT (CORAH), qui regroupent l'ensemble des acteurs du département, ont la responsabilité de mettre en place un plan d'action adapté décliné du plan national. C'est aussi cette instance à laquelle il appartient de dresser un bilan annuel des procédures engagées et des actions réalisées notamment en matière de prévention. Les représentants des associations Roms et Gens du voyage de chaque territoire sont naturellement parties prenantes des CORAH. Afin de suivre le déploiement des mesures du plan et d'évaluer leur efficacité, des indicateurs sont associés à chaque action. Ils feront l'objet d'un suivi semestriel transparent et un bilan de mise en œuvre sera publié à mi-parcours (2024). L'ensemble des mesures est disponible : https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/engagements-du-gouvernement-face-au-racisme-et-lantisemitisme

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