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Annaïg Le Meur
Question N° 5966 au Ministère de la santé


Question soumise le 28 février 2023

Mme Annaïg Le Meur attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la très forte présence de publicités de sites de paris en ligne dans les médias et les enjeux sur les conduites addictives. Depuis la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, les sites de jeux d'argent en ligne connaissent une visibilité toujours grandissante dans les encarts publicitaires dans les médias ou sur internet. Ces publicités sont particulièrement présentes lors des évènements sportifs, qui sont l'objet majeur des activités des sites de paris en ligne. Les conduites à risques sont devenues très importantes ces dernières années, notamment chez les publics sensibles (mineurs et personnes en situation financières difficiles). Une enquête d'Enjeu-Mineurs a d'ailleurs révélé en février 2022 que 34,8 % des mineurs âgés de 15 à 17 ans avaient joué au moins une fois à un jeu d'argent au cours des douze mois précédents et ce, alors qu'ils n'ont théoriquement pas le droit d'y jouer. Avec un chiffre d'affaires de 8 milliards d'euros par an et des millions de joueurs, en hausse depuis le confinement, ce secteur d'activité est un mouvement de masse et le budget dédié aux jeux en ligne peut devenir particulièrement important pour les joueurs, puisqu'une étude de l'Autorité nationale des jeux (ANJ) révèle que 13 % des joueurs avaient pariés plus de 1 000 euros au 2e trimestre 2021. La très forte présence de ces publicités avait été soulignée à la suite de l'Euro de football de 2021 et l'ANJ avait annoncé un plan contre les dérives publicitaires de ces sites. Pour autant, on a pu constater que ces publicités étaient encore omniprésentes lors de la coupe du monde de football de 2022. Les matchs de cette compétition ont d'ailleurs généré à eux seuls 615 millions d'euros de paris en ligne, soit près de 50 % de plus que ceux de l'Euro de l'année précédente. Les associations d'addictologies réclament régulièrement un durcissement de la législation sur les publicités des sites de paris et de jeux d'argent en ligne, voire leur interdiction, comme ce fut le cas pour le tabac et l'alcool dans le cadre de la loi Evin. Elle souhaite donc savoir s'il est prévu de restreindre davantage la présence des sites de paris et de jeux d'argent en ligne des espaces publicitaires.

Réponse émise le 12 décembre 2023

Le Gouvernement est pleinement engagé dans la lutte contre les addictions, toutes les addictions - celles aux substances, mais aussi, de plus en plus, et notamment chez les jeunes, celles dites « sans substance » (aux écrans, aux jeux d'argent et de hasard, aux jeux vidéo). Si pour une part importante de joueurs, la pratique des jeux d'argent et de hasard est une activité récréative et contrôlée, elle n'est pour autant pas anodine. Chez certains joueurs, et en particulier chez certains parieurs, vont se développer des usages à risque ou même excessifs, ayant des impacts importants sur leur vie sociale, leur situation financière et sur leur santé. Le secteur a connu des évolutions importantes ces 15 dernières années : ouverture à la concurrence du jeu en ligne en 2010, concurrence accrue entre les acteurs et les différentes offres de jeux, essor sans précédent d'internet qui a transformé les usages, en particulier à l'issue de la crise sanitaire et ses périodes de confinement. La pratique des jeux d'argent et de hasard est en constante augmentation, le produit brut des jeux ayant augmenté de 20 % entre 2021 et 2022 et les données de l'Observatoire français des drogues et des tendances addictive montrent que la progression entre 2020 et 2021 a été portée en premier lieu par les paris sportifs. A l'occasion de la refonte du cadre de régulation des jeux d'argent et de hasard, qui s'est traduite par l'adoption de l'ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard, prise en application de l'article 137 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, le Gouvernement a porté une vigilance particulière aux dispositions relatives à la consolidation et au renforcement de la prévention du jeu excessif, la protection des mineurs et la lutte contre l'addiction pour l'ensemble du secteur des jeux d'argent et de hasard. Le code de la sécurité intérieure réglemente le contenu des publicités et fixe désormais une liste des contenus interdits. La mise en œuvre de ces dispositions a d'ailleurs conduit l'Autorité nationale des jeux à ordonner le retrait en 2022 d'une publicité qui les enfreignait. Par ailleurs, l'obligation d'apposer sur toute publicité un message de mise en garde, informant le public du dispositif public d'aide, d'écoute et d'orientation des joueurs en difficultés « Joueurs-Info-service », a été renforcée afin de rendre ce message plus visible et plus efficace. L'Autorité nationale des jeux a également édicté des lignes directrices et formulé des bonnes pratiques notamment pour enrayer la pression publicitaire et pour limiter l'exposition des mineurs. De manière générale, face aux addictions, l'enjeu est double : - prévenir l'entrée dans l'addiction, que ce soit par la réglementation, la dé-normalisation ou la sensibilisation sur les justes consommations ; - accompagner les personnes pour les aider à sortir de l'addiction, y compris via un accompagnement professionnel au long cours. La Stratégie interministérielle de mobilisation contre les conduites addictives 2023-2027 est le principal outil mobilisé par le Gouvernement en matière de lutte contre les addictions. Sa déclinaison opérationnelle, le fonds de lutte contre les addictions, a permis de financer des actions en 2022 pour un budget total de 121 M€, rehaussé à 129 M€ pour 2023. Ce fonds a été progressivement étendu à de nouveaux enjeux, du strict champ tabac à toutes les substances en 2018, puis aux addictions sans substances via la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Cette extension de périmètre a permis de prendre en compte les signaux préoccupants sur les nouveaux usages problématiques (jeux, paris sportifs), notamment chez les jeunes, et à permettre une meilleure adéquation des moyens avec les priorités de l'Etat en matière de prévention des addictions. Dans ce cadre sont soutenues les initiatives de la société civile et des professionnels de santé pour prévenir les usages à risques et améliorer le repérage pour une intervention la plus précoce possible, en s'appuyant notamment sur les binômes créés au sein de ces centres d'accueil, de prévention et d'accompagnement en addictologie, réunissant psychologue et éducateur spécialisé autour de cette prise en charge. La liste des bénéficiaires et les montants alloués pour 2023 ont été détaillés par arrêté du 25 juillet 2023. Enfin, pour approfondir les connaissances sur ces enjeux, le ministre de la santé et de la prévention a confié au professeur Amine Benyamina une mission pour établir un diagnostic des racines et déterminants des conduites et tendances addictives chez les jeunes, et pour identifier les actions utiles à mettre en œuvre.

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