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Isabelle Valentin
Question N° 5967 au Ministère de la justice


Question soumise le 28 février 2023

Mme Isabelle Valentin attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la hausse des cas de violences intrafamiliales en France. En effet, selon les chiffres récemment publiés par l'Insee, en 2022, 44 % des plaintes pour violences physiques ou sexuelles enregistrées par les services de sécurité concernent des violences commises au sein de la famille. Cela représente près 160 000 victimes. Chaque année, ce sont plus de 400 000 enfants qui vivent dans un foyer où des violences intrafamiliales sont commises. Ces violences génèrent de nombreuses conséquences dévastatrices pour les enfants. Elles sont notamment la cause de nombreux échecs scolaires, ainsi que de situations de grande détresse psychologique, pouvant aller jusqu'au suicide. Face à la hausse continue des cas de violences intrafamiliales observées ces dernières années, le système judiciaire français semble impuissant. En janvier 2023, ce sont déjà 9 femmes qui ont perdu la vie sous les coups de leurs conjoints. Aussi la députée souhaiterait d'une part qu'une juridiction spécialisée dans les violences intrafamiliales soit créée et d'autre part que les parents condamnés pour des crimes, ou des faits de violence commis au sein de l'espace familial soient privés de l'autorité parentale. Elle demande au Gouvernement quelles mesures concrètes vont être prises, afin de réduire les cas de violences intrafamiliales.

Réponse émise le 4 juillet 2023

La lutte contre les violences conjugales est une priorité d'action du Gouvernement. Le Grenelle des violences conjugales de 2019 a joué un rôle d'accélérateur dans l'appréhension de la politique publique et de la politique pénale de lutte contre les violences au sein du couple. Il a favorisé une action interministérielle qui a permis d'accroître l'effet des mesures adoptées. 54 mesures constituant des priorités en termes de lutte contre les violences conjugales ont été définies à un niveau interministériel, dont 21 mesures concernant plus particulièrement le ministère de la Justice. C'est dans ce contexte que l'ensemble des mesures législatives annoncées par le Gouvernement a été adopté et que 4 réformes législatives ont vu le jour entre 2017 et 2022. Deux lois importantes ont notamment été votées : la loi du 28 décembre 2019 et la loi du 30 juillet 2020, qui ont permis des avancées majeures. La loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille a assoupli les conditions d'octroi du téléphone grave danger. Elle a généralisé le bracelet anti-rapprochement à tous les stades de la procédure pénale et dans le cadre de l'ordonnance de protection prononcée par le juge aux affaires familiales. Elle a enfin introduit la faculté pour le juge pénal de prononcer le retrait de l'exercice de l'autorité parentale, ainsi que sa suspension de plein droit en cas de poursuite ou de condamnation pour un crime commis sur l'autre parent. Une proposition de loi, soutenue par le gouvernement, visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales est actuellement en cours de discussion au parlement. Elle vise à renforcer les mécanismes de suspension ou retrait de l'autorité parental en intégrant notamment les recommandations de la CIIVISE. La loi du 30 juillet 2020, visant à protéger les victimes de violences conjugales a offert la possibilité pour les professionnels de santé de signaler les violences conjugales sans accord de la victime et permis dès le stade de l'enquête la saisie, d'office ou sur instruction du procureur, des armes détenues par la personne mise en cause pour des faits de violences. Elle a porté interdiction absolue de la médiation pénale en matière de violences conjugales, a introduit à l'article 222-33-1 al 3 du code de procédure pénale l'aggravation du harcèlement au sein du couple lorsqu'il a conduit la victime à se suicider, a créé une nouvelle infraction pénalisant les comportements d'espionnage au sein du couple (par géolocalisation du téléphone) et a donné aux juridictions de jugement la possibilité de prononcer l'interdiction de contact ou de paraitre à titre de peine complémentaire. Elle a enfin imposé aux juge d'instruction et JLD de statuer sur la suspension des droits de visite et d'hébergement en cas de placement sous contrôle judiciaire du conjoint violent et prévu l'application des interdictions du sursis probatoire en cas d'incarcération. Les mesures à droit constant ont également nécessité une forte implication du ministère de la Justice : 6 circulaires et 8 dépêches ont été diffusées depuis la circulaire du 9 mai 2019 qui fixe les grandes orientations en la matière de lutte contre les violences conjugales : protection et accompagnement de la victime à tous les stades de la procédure, politique de juridiction en faveur du décloisonnement des acteurs, évaluation du danger et suivi renforcé des auteurs de violence conjugales. Une dépêche de présentation de l'ensemble des préconisations faites au cours des dernières années a été diffusée le 24 septembre 2021 dans un document unique, à vocation pratique. Le décret du 23 novembre 2021 pris par le Garde des Sceaux marque une étape décisive dans la protection des enfants dont le statut de co-victimes est consacré dans le cadre des violences commises au sein du couple. Enfin, dans la continuité de l'ensemble de ces mesures, la Première ministre a diffusé le 8 mars 2023 le plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes (2023-2027) intitulé « Toutes et tous égaux » dont le premier des quatre axes continue de viser la lutte contre les violences faites aux femmes. De nouvelles mesures visent à améliorer encore le traitement judiciaire des violences intrafamiliales et s'inspirent des recommandations formulées par la mission parlementaire menée par Madame la député Emilie Chandler et Madame la Sénatrice Dominique Verien. Le rapport remis au Garde des Sceaux et à la ministre déléguée à l'égalité femmes hommes, dresse un bilan des actions mises en œuvre depuis le Grenelle, nourri de plus de 300 auditions de tous les acteurs judiciaires impliqués et formule 59 recommandations dont une quarantaine mobilisent plus particulièrement la justice autour de trois axes majeurs : la formation, l'organisation des juridictions et la coordination des partenaires. De nombreuses mesures sont déjà actées et en cours de réalisation à l'exemple de l'information systématique des victimes lors de la sortie de détention doublée d'une évaluation du danger ou le déploiement de BAR nouvelle génération plus performant techniquement dès juin 2023. Le Garde des Sceaux a par ailleurs annoncé l'instauration d'une ordonnance de protection immédiate dans les 24h au bénéfice de la victime de violences conjugales et ses enfants dont les modalités seront fixées par la loi et donc soumises au parlement. Enfin, conformément aux recommandations du rapport parlementaire, la création de de pôles spécialisés en matière de violences intrafamiliales au sein de chaque juridiction sera effective à court terme par voie réglementaire. Le Garde des sceaux a souhaité inscrire cet engagement dans le rapport annexé du projet de loi de programmation de la justice adopté en première lecture au Sénat. Ces pôles spécialisés seront institutionnalisés dans le code de l'organisation judiciaire afin de garantir une réponse judiciaire cohérente par tous acteurs juridictionnels. Les travaux de la mission parlementaire montrent les avancées avec une augmentation de 45.7 du déploiement des téléphones grave danger depuis 2020 (5000 TGD déployés en juridiction ayant permis 2400 sollicitations des forces de l'ordre). Depuis son déploiement en décembre 2020, plus de 1000 BAR sont désormais actifs et ont permis 3634 interventions des forces de sécurité. Le nombre d'ordonnance de protection délivrées par les juges aux affaires familiales a augmenté de 157% depuis 2017. Les condamnations sont plus rapides avec une augmentation de + de 182% des procédures rapides sur déferremments. Ainsi l'engagement du gouvernement pour poursuivre ces efforts est total et en particulier pour garantir une action judiciaire réactive sur l'ensemble du territoire national, pour renforcer la protection immédiation et pérenne des victimes et la prise en charge pluridisciplinaire des auteurs.

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