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Hadrien Clouet
Question N° 6941 au Ministère de l’économie


Question soumise le 4 avril 2023

M. Hadrien Clouet alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les conditions d'emploi et de retraite des enquêteurs et des enquêtrices de l'INSEE. L'Institut national de la statistique et des études économiques est un organisme public qui pilote de nombreuses enquêtes, qualitatives comme quantitatives. Celles-ci sont essentielles, dans des domaines aussi variés que le nombre de résidents, l'évolution des prix, la consommation des ménages, le temps de travail, le chômage, la santé publique, l'investissement des entreprises et, évidemment, les comptes de la Nation. Grâce à ses enquêtes, chaque Française et chaque Français peut saisir les inégalités dans le pays sans devoir suivre un cursus de pointe en statistique. Pas de citoyenneté sans INSEE. Or l'information produite repose sur un travail humain de pointe. Jusqu'en 2013 et l'adoption de la loi Sauvadet, les enquêtrices (un métier extrêmement féminisé) étaient rémunérées à l'enquête, sur le principe de la vacation. Pire, 40 % de la rémunération était considérée comme frais de déplacement, donc payée en net sans cotisation sociale. Et ce, à condition d'entretenir de bonnes relations avec leur hiérarchie, qui distribuait les vacations d'enquête sur une base discrétionnaire. Elles étaient en outre privées de congés payés ou d'indemnisation maladie. C'est pourquoi les pensions de retraite avec toutes les annuités nécessaires demeurent ridiculement faibles, autour de 700 ou 800 euros mensuels, tandis que l'invalidité ou les maladies chroniques sont courantes. Dans la circonscription de M. le député, des enquêtrices sont même obligées de déménager lors de la retraite, car elles sont incapables de s'acquitter du loyer. En conséquence, la plupart des enquêtrices tentent donc de continuer jusqu'à 67 ans, pour éviter la décote. Mais le métier est usant et pénible, sur le principe du flux tendu et du dernier moment. Un forfait de 1 607 heures annuel est désormais attendu, mais au prix d'un calcul standardisé du temps passé sur chaque enquête, lequel est hors de toute réalité. Ainsi, la passation d'un questionnaire à domicile est considérée durer 1 h 30 quand le temps de travail effectif est double ; le recueil du prix d'un bien est parfois jugé durer 1 minute quand il en exige quatre fois plus. Outre la charge mentale, l'imprévisibilité du quotidien et l'angoisse de mal faire, ces conditions de travail ont toujours des conséquences sociales désastreuses. Il est impossible d'anticiper son revenu. Les pics d'activité sont suivis d'une relâche totale, mécanisme accentué par l'européanisation des enquêtes qui dessaisit les agentes de tout contrôle sur le calendrier. Aussi M. le député demande à M. le ministre comment il entend résoudre cette injustice caractérisée. D'un côté, le ministère a reconnu la maltraitance institutionnelle infligée aux enquêtrices avec leur statut de vacation pré-2013. De l'autre, il n'en a pas tiré toutes les conséquences en matière de pension de retraite. M. le ministre entend-il leur accorder un nouveau calcul des droits, par exemple en étendant de façon exceptionnelle le statut post-2013 à l'ensemble de la carrière ? Envisage-t-il d'intégrer les indemnités kilométriques au calcul de la pension, de manière rétroactive, au bénéfice des actuelles pensionnées ? Concernant les enquêtrices toujours en poste, M. le ministre va-t-il engager une négociation collective pour recalculer le temps imparti à chaque récolte de données, afin de le faire correspondre au temps réel ? Compte-t-il intervenir au niveau de la représentation française auprès d'Eurostat pour coordonner les calendriers d'enquête et limiter les pics de charge ? Plus généralement, il lui demande comment il sécurisera la condition de ces travailleuses sans lesquelles son ministère et l'ensemble des parlementaires seraient aveugles à la réalité sociale.

Réponse émise le 4 juillet 2023

En matière d'acquisition de droits à la retraite, la situation des enquêteurs de l'Insee est à apprécier en deux périodes distinctes : celle au cours de laquelle ils étaient qualifiés de « pigistes » (avant le 1er janvier 2013) et celle à partir de laquelle ils sont devenus agents contractuels de droit public (à compter du 1er janvier 2013). Pour autant, avant comme après la réforme de 2013, les enquêteurs de l'Insee relèvent du régime général de la sécurité sociale. À ce titre, le niveau de leur retraite dépend de la validation de leurs trimestres d'activité et de l'assiette de leurs cotisations, selon le régime commun à l'ensemble des salariés du secteur privé et des contractuels de droit public. Avant le 1er janvier 2013, les enquêteurs travaillaient sous forme de vacations. Leur contrat stipulait que l'assiette des cotisations sociales était fixée à 60 % de l'ensemble de leur rémunération. Les 40 % exonérés de cotisation correspondaient au remboursement forfaitaire des frais professionnels, dont les frais de déplacement. Depuis le 1er janvier 2013, ils bénéficient d'une retraite de base versée par l'assurance retraite de la sécurité sociale ainsi que d'une retraite complémentaire, versée par l'Ircantec. Les enquêteurs connaissent des situations assez variables et ne sont pas tous des agents qui déroulent une carrière à l'Insee (contrats de courte durée). La rémunération des enquêteurs recrutés de manière pérenne dépend de leur quotité de temps de travail : certains n'exercent ainsi pas à temps complet. Par conséquent, leur retraite d'enquêteur, qu'il s'agisse de la retraite de base ou de la retraite complémentaire, s'en trouve mécaniquement grevée. Le statut des enquêteurs de l'Insee est régi par la circulaire du 3 avril 2017 relative aux conditions d'emploi des enquêtrices et enquêteurs de l'Insee. Les enquêtrices et enquêteurs de l'Insee sont contractuels de la fonction publique. Leur rémunération s'appuie sur une grille de rémunération en fonction de leur indice et est prévisible. S'agissant de la charge de travail qui leur est confiée, les enquêteurs sont au forfait, leur charge de travail étant calculée en référence aux 1 607 heures annuelles pour un temps plein. L'ensemble des opérations auxquelles ils contribuent sont programmées par avance en les répartissant sur l'ensemble des mois de l'année, de manière à prévoir un rythme de travail le plus régulier possible, en tenant compte des périodes de congés et des remplacements de collègues en cas d'aléas. Le programme de travail est plus chargé au 1er semestre qu'au 2e semestre, ce qui résulte des contraintes sur les calendriers de collecte européens et nationaux et correspond également à la moindre disponibilité des enquêteurs au moment des congés d'été. Certaines activités de collecte, telles que l'enquête Emploi ou l'indice des prix, sont effectuées tout au long de l'année. Les enquêtes les plus longues se déroulent sur plusieurs mois (par exemple, l'enquête Histoire de Vie et Patrimoine qui se déroule du mois de juin au mois de décembre 2023), laissant aux enquêteurs la faculté d'organiser leurs travaux assez librement. Les activités des enquêteurs sont prévues très en amont, dès le début d'année. Le temps de travail confié est évalué selon des règles discutées précisément avec les représentants du personnel et chaque enquêteur dispose de son planning de travail et des temps de travail évalués et régulièrement actualisés au fil de l'année. Sont inclus les temps de déplacement, de préparation et de prise de contact avec les ménages, les temps d'entretien ou de relevés de prix, les autres temps de travail comme les réunions ou les formations, etc, en visant une bonne évaluation des temps en moyenne. Pour évaluer le temps de passation des questionnaires, des tests sont réalisés pour les opérations nouvelles, et une mesure est régulièrement effectuée pour les opérations récurrentes. Ces temps sont également suivis régulièrement en cours de collecte. Au jour le jour, les enquêteurs sont bien sûr confrontés à des situations variables sur le terrain car la prise de contact avec les ménages enquêtés et la durée de chaque déplacement et de chaque questionnaire est variable selon les personnes enquêtées, ce qui est inhérent à la nature du travail réalisé. Il s'agit donc d'un métier exigeant mais très organisé et encadré. Par exemple, pour l'enquête Emploi qui est l'opération la plus importante par son volume, les interrogations en face-à-face duraient en moyenne 36 minutes en 2022 (mesure effectuée sur le 2e trimestre 2022, temps moyen connu très précisément par les outils numériques). La durée d'entretien avec le ménage n'est pas le seul temps planifié : étaient prévues 50 minutes de temps d'entretien, 32 minutes de temps de préparation, 10 % de temps supplémentaire au titre des aléas rencontrés, ainsi que les temps de déplacement. Pour les interrogations par téléphone de cette même enquête, dont le questionnaire durait en moyenne 10 minutes en 2022, on comptait 12 minutes de temps de préparation, 13 minutes de temps d'interrogation et 10 % de temps en plus au titre des aléas rencontrés (temps perdu en cas de rendez-vous manqué, etc). Les relevés de prix sont organisés par tournée d'une durée de 6 heures en moyenne, de manière à réaliser des journées complètes en incluant le temps de préparation et divers aléas. Sont comptés 1 heure dédiée à l'organisation et à la préparation, le temps de déplacement aller-retour, plus de 7 minutes par point de vente, plus un temps moyen par relevé de prix au sein du point de vente (de l'ordre d'une minute en moyenne). Le temps global alloué pour chaque relevé de prix est donc supérieur à 1 minute.

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