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Éric Woerth
Question N° 7235 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 18 avril 2023

M. Éric Woerth attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur l'indemnisation des préjudices corporels résultant d'accidents de la route. L'association « Victimes et Avenir » a noté que l'utilisation du triplicata dans les commissariats n'est plus courante, sauf dans trois départements, et inexistant dans les les gendarmeries, ce qui peut causer des préjudices aux victimes. En effet, en cas d'accident corporel entraînant des blessures ou un décès, il n'y a pas de constat rédigé entre les parties et seul le « PV accident » est utilisé pour déterminer les responsabilités vis-à-vis de l'assureur. En l'absence de ce document, quelles que soient les circonstances de l'accident, les familles doivent attendre une enquête souvent longue, dont les compagnies d'assurances abusent pour éviter de verser des provisions. Pour éviter ces abus qui plongent de nombreuses familles dans des difficultés financières, M. le député propose de rétablir le triplicata, qui comprendrait les premières constatations de l'accident, l'état civil complet des personnes impliquées, des informations sur la validité des permis de conduire et les numéros des contrats d'assurances des véhicules impliqués, les résultats toxicologiques de la victime et le compte rendu d'autopsie ou d'examen de corps (permettant le déblocage d'autres garanties d'assurances). Ces documents seraient remis aux familles, aux victimes ou à des associations spécialisées dans les cinq jours suivant l'accident. Selon les forces de l'ordre, la remise de ces documents n'augmenterait pas leur charge de travail, éviterait les sollicitations et les relances des victimes et de leur famille en attendant les résultats de l'enquête et la rédaction du « PV accident ». Il lui demande si le Gouvernement envisage de rendre le triplicata obligatoire en cas d'accident.

Réponse émise le 5 décembre 2023

Tout accident mortel ou corporel fait l'objet d'une enquête afin d'en déterminer les circonstances et de permettre à l'autorité judiciaire d'établir les éventuelles responsabilités pénales. Les investigations à mener peuvent s'avérer complexes au regard du contexte de l'accident, du nombre de personnes impliquées, des examens techniques à réaliser et de l'attente de leurs résultats. La transmission d'informations sur l'enquête (sous cinq jours comme mentionné dans la question) est incompatible avec les délais nécessaires pour conduire de nombreuses investigations (audition des victimes et des témoins, expertises, etc.). Un envoi de conclusions, mêmes partielles, dans ces délais, serait immanquablement contredit par les suites de l'enquête. Une fois clôturée, la procédure est acheminée conjointement au parquet, à la préfecture et à l'association pour la gestion des informations sur le risque en assurance (AGIRA). Ce dernier acteur est le seul organisme agréé par la chancellerie à transmettre les copies des procès-verbaux aux assureurs, autorisés à en connaître aux fins d'indemnisation (articles 11-1 et A-1 du Code de procédure pénale). Les procès-verbaux effectués par la gendarmerie sont issus du logiciel de rédaction de procédure (LRPGN). Aucun triplicata n'est prévu par ce logiciel et aucun autre élément issu de la procédure n'est réalisé en dehors de cet outil. S'agissant de la police nationale, seuls certains services de la préfecture de police remettent un « triplicata accident » aux personnes concernées. Il n'existe toutefois pas d'obligation légale de fournir un « triplicata accident » aux personnes impliquées dans un accident corporel de la circulation. Le « triplicata accident » n'a en outre pas de portée juridique particulière. Le document, composé de deux parties, est édité grâce à une fonctionnalité du logiciel de rédaction de procédure d'accident (PROCEA). La première partie comporte le nom du service de police concerné et son adresse. La seconde, construite automatiquement à partir des éléments renseignés sur PROCEA, fait notamment apparaître la marque et le modèle des véhicules, les immatriculations, les titulaires des certificats d'immatriculation ainsi que des données relatives aux assurances. En tout état de cause, le « triplicata accident » n'est en aucun cas un procès-verbal qui déterminerait les responsabilités et les causes de l'accident. Il ne comporte d'ailleurs pas d'éléments sur les constatations de l'accident, les dates de naissance de l'ensemble des personnes impliquées, la validité du permis de conduire de chaque conducteur ou les résultats des tests toxicologiques de tous les protagonistes. En cas d'accident corporel de la circulation entraînant des blessures ou un décès, seul le procès-verbal judiciaire fait foi pour déterminer les responsabilités des protagonistes. Au terme de la procédure judiciaire, sachant que les enquêtes accident peuvent être longues, celle-ci est transmise à l'AGIRA et définitivement clôturée. Les sociétés d'assurance peuvent alors engager le traitement des déclarations de sinistre. Il convient à cet égard de noter que les services de police et de gendarmerie adressent à la section TRANS PV de l'AGIRA (AGIRA-TRANS PV), sous forme dématérialisée, les procédures d'accident sur un espace internet sécurisé dénommé OODRIVE, mis à la disposition des forces de l'ordre par l'AGIRA. Aucune autre information concernant la partie adverse n'est communiquée directement aux particuliers. Ceux-ci doivent s'adresser à leur société d'assurance, laquelle sollicitera l'organisme AGIRA-TRANS PV. Le Gouvernement n'envisage pas, à ce stade, de rendre obligatoire la remise d'un « triplicata accident ». La durée des investigations à mener dans le cadre d'un accident apparaît incompatible avec la transmission d'informations sur le dossier en raison souvent de la complexité des faits (retours d'examens techniques, expertises lancées et résultats en attente…). En effet, l'envoi partiel de conclusions pourrait finalement se révéler inexact à l'issue des investigations et des conclusions. Dès lors, la question de la responsabilité de l'unité en charge de la qualité de celles-ci et des conclusions objectives qui en découlent nécessitent que le cheminement classique de la procédure, composée de PV issus du seul LRPGN, soit respecté (transmission parquet et préfecture puis AGIRA). Aussi, si l'idée d'un triplicata est séduisante, elle présente le biais de s'affranchir des délais d'investigation nécessaires permettant de consolider les informations à communiquer aux victimes.

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