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Hadrien Clouet
Question N° 7358 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 18 avril 2023

M. Hadrien Clouet interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les conditions dans lesquelles les parlementaires sont amenés à user de leur droit de contrôle des lieux de privation de liberté. Alors que le pays est traversé par un mouvement social d'une ampleur inédite contre une réforme des retraites rejetée par une majorité de Français, les méthodes de maintien de l'ordre se trouvent à leur tour sujettes à de légitimes critiques. Usage non nécessaire et disproportionné de la force, mobilisation de services non spécialisés et mal formés, associations menacées, autorité judiciaire malmenée mise au service d'une judiciarisation du conflit social. Les motifs d'inquiétudes pour les droits et libertés ne manquent pas à l'heure où chaque journée de mobilisation va de pair avec un nombre inédit de gardes à vue sans suite judiciaire. Dans ce contexte, les parlementaires sont amenés à exercer leur droit de visite des lieux de privation de liberté. Ce dernier ne saurait en aucun cas se résumer en un simple contrôle de l'état des moquettes ; plus que jamais, le législateur, en application de l'article 719 du code de procédure pénale, doit pouvoir constater l'effectivité pleine et entière des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. Il doit à ce titre pouvoir constater, au-delà des seuls locaux qui lui sont présentés comme destinés à la privation de liberté, qu'aucune personne n'est arbitrairement détenue, que chacune des personnes détenues l'est dans le respect des procédures, s'est vue notifier ses droits et a pu y recourir. Il existe ainsi une note du 20 janvier 2017 précisant les modalités réglementaires de ce droit, consubstantiel à la mission des parlementaires, lorsqu'il s'agit des installations pénitentiaires. Celle-ci permet notamment l'échange contrôlé avec les détenus, y compris lorsqu'ils sont prévenus et par conséquent en cours de procédure judiciaire. Rien de tel en ce qui concerne les locaux de garde à vue depuis la circulaire du 4 décembre 2000. Outre que ce texte est extrêmement restrictif et peu conforme à l'impératif d'effectivité de ce droit parlementaire, ce texte est particulièrement daté au regard de l'évolution de la loi. Ainsi, l'exercice de ce droit se trouve-t-il lui-même soumis à des pratiques disparates et arbitraires selon les territoires, conduisant parfois à le vider de sa substance. M. le député rappelle à M. le ministre que malgré deux sollicitations adressées à son cabinet par M. le député et ses collègues Ugo Bernalicis et Frédéric Mathieu, celui-ci n'a pas jugé utile d'y répondre. M. le député, associant ses deux collègues, espère donc que cette sollicitation plus formelle trouvera enfin les réponses qu'appelle le respect dû à la représentation nationale. M. le député interroge donc le ministre sur le fait de savoir s'il existe ou non un texte réglementaire plus récent que la circulaire du 4 décembre 2000 fondant les pratiques policières en matière d'exercice du contrôle des lieux de privation de liberté et si M. le ministre consent à le communiquer aux parlementaires concernés au premier chef. Il souhaite également savoir si, dans l'hypothèse où un texte autre que celui précité n'existerait pas, il entend prendre une nouvelle circulaire et à quelle échéance.

Réponse émise le 24 octobre 2023

La loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes a autorisé les députés et les sénateurs à visiter à tout moment les locaux de garde à vue. Ce droit est prévu à l'article 719 du code de procédure pénale. Cet article a fait l'objet de plusieurs réformes (2005, 2009, 2015, 2016, 2021) qui vont dans le sens d'un contrôle de plus de sites de privation de liberté (par exemple, rajout des locaux de rétention douanière) mais également dans le sens d'impliquer encore davantage d'acteurs (les bâtonniers par exemple). Cette loi, portée par le ministère de Justice, avait fait l'objet de circulaires d'application édictées par la chancellerie, dont celle - citée dans la question écrite - du 4 décembre 2000 (circulaire JUS-D-00-30205C : présentation des dispositions de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes concernant la garde à vue et l'enquête de police judiciaire). Cette instruction souligne que « la loi n'apporte aucune limite à l'exercice par les parlementaires de leur droit, autres que celles liées au respect des dispositions de l'article 11 du code de procédure pénale selon lesquelles l'enquête et l'instruction sont secrètes ». Alors que la nécessité de lutter contre l'inflation normative - notamment de circulaires - est largement partagée, que la police nationale n'a pas, pour sa part, identifié de difficultés particulières dans l'exercice de ce droit, que les dispositions du code de procédure pénale et de la circulaire précitée du garde des Sceaux sont claires, il n'apparaît pas indispensable au ministère de l'Intérieur et des Outre-mer d'édicter une circulaire spécifique sur les modalités d'exercice de ce droit. Au-delà de ce droit de visite des parlementaires, qui participe des garanties dont est assortie la mesure de garde à vue, notamment en matière de protection de la dignité des personnes gardées à vue, il doit être rappelé que le législateur a confié au procureur de la République le contrôle de cette mesure privative de liberté. En effet, aux termes de l'article 41 du code de procédure pénale, le procureur de la République « contrôle les mesures de garde à vue » et en visite les locaux de son ressort chaque fois qu'il l'estime nécessaire et au moins une fois par an. Conformément à ces dispositions et à l'article D. 15-2-1 du code de procédure pénale, il adresse au procureur général un rapport relatif aux mesures de garde à vue et à l'état des locaux de garde à vue de son ressort. Ces rapports sont transmis au garde des Sceaux et exploités annuellement dans le cadre du Rapport annuel du ministère public. Ces visites permettent au procureur de la République de s'assurer que les droits des personnes privées de liberté sont respectés et plus particulièrement que les mesures de garde à vue s'effectuent dans le respect de la dignité des personnes, protégé par l'article 63-5 du même code. Il doit aussi être rappelé que le législateur a confié, en 2007, à une autorité administrative indépendante, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, la mission de contrôler, sans préjudice des prérogatives que la loi attribue aux autorités judiciaires ou juridictionnelles, les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s'assurer du respect de leurs droits fondamentaux (art. 1er de la loi du 30 octobre 2007 modifiée instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté).

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