Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Chantal Jourdan
Question N° 755 au Ministère des solidarités


Question soumise le 9 août 2022

Mme Chantal Jourdan attire l'attention de M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées sur la situation des services d'aide et de soins à domicile. De nombreuses alertes lui parviennent des territoires, c'est le cas dans l'Orne par exemple. Elles ne sont pas nouvelles, Mme la députée les a déjà plusieurs fois relayées, mais la situation cet été est particulièrement préoccupante. Alors que la problématique des déserts médicaux provoque déjà de sérieuses difficultés dans l'accès aux soins pour les Français et les Françaises, en parallèle, de véritables déserts médico-sociaux sont en train de se créer. Dans un contexte où la reprise de l'épidémie de covid et le risque caniculaire rendent les besoins pour les plus fragiles encore plus importants, les services d'aide et de soins à domicile connaissent une crise du recrutement sans précédent. Les métiers du domicile manquent d'attractivité, du fait de très faibles rémunérations, d'un manque de reconnaissance dans la chaîne des professionnels de la santé et de conditions de travail dégradées. La période d'inflation que l'on traverse n'arrange rien et a absorbé les, trop faibles, revalorisations issues du Ségur de la santé. Le pouvoir de vivre des travailleurs et travailleuses du secteur, déjà peu élevé, s'en trouve fortement impacté. Il est, à cet égard, regrettable que les demandes régulières de réelles revalorisations des personnels de ce secteur, maillons essentiels de l'accompagnement et de l'assistance des personnes fragiles, des aînés, des enfants, des familles en difficulté, des personnes en situation de handicap etc., n'aient pas été entendues. La hausse des prix des carburants impacte fortement les intervenants qui doivent se déplacer quotidiennement, notamment en secteur rural. Mme la députée a des remontées de personnes pour qui le gain d'une journée de travail n'est quasiment pas supérieur aux coûts de cette même journée. Cela est inacceptable. Ces personnels, déjà fatigués par ces dernières années de crise sanitaire, s'épuisent. Les structures font face à de nombreux arrêts, accidents du travail, démissions et les remplacements sont très compliqués voire impossibles. Dans l'Orne par exemple, le réseau d'aide à domicile en milieu rural ne parvient pas à pourvoir 50 postes sur le département, même situation pour l'Union nationale de l'aide, des soins et des services aux domiciles de l'Orne. Concrètement, des services se trouvent dans l'impossibilité d'assurer la continuité de certaines prises en charge. Les interventions les plus essentielles comme l'aide à la toilette, le lever, le coucher ou l'aide aux repas sont concernées. Des personnes qui sortent d'hospitalisation ne parviennent pas à trouver une aide pour réaliser le suivi des soins ou l'assistance nécessaire. Le danger est évidemment immédiat, mais également à moyen terme avec des risques de morts prématurées. En effet, l'absence de veille pose des problèmes sanitaires mais également des questions d'isolement, notamment chez les personnes âgées, qui peuvent entraîner des dépressions, syndromes de glissement etc. Cette situation témoigne de la nécessité de revaloriser ces métiers, en lien avec leur utilité sociale de premier plan. Elle témoigne également du besoin de réformer l'organisation de l'ensemble du secteur de l'aide et du soin à domicile, afin de l'inscrire dans un continuum de santé publique. Aussi, Mme la députée souhaite se faire le relais auprès de M. le ministre de la demande des représentants du secteur d'organiser une réunion interministérielle. Elle l'interroge également sur les mesures d'urgence qu'il compte prendre face à cette situation. Enfin, elle lui demande à quand il compte fixer la loi grand âge et autonomie prévue lors du dernier quinquennat et qui n'a jamais eu lieu.

Réponse émise le 31 janvier 2023

Conscient des difficultés de recrutement dans les métiers du soin et de l'accompagnement à domicile, le Gouvernement a pris des engagements forts pour développer l'attractivité de ces métiers, dans le cadre d'une stratégie globale qui vise à travailler sur l'ensemble des leviers : conditions de travail et rémunérations, qualité de vie au travail, accès à la formation. Concernant les rémunérations, l'agrément par l'État de l'avenant 43 de la branche de l'aide à domicile a permis des revalorisations historiques de rémunérations de 15 % en moyenne des salaires des employés du secteur associatif. Concernant les services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD) relevant de la fonction publique territoriale, l'article 44 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 élargit le bénéfice du complément de traitement indiciaire pour les aides à domicile de la caisse centrale d'activités sociales (CCAS) et des centres intercommunaux d'action sociale (CIAS) exerçant leurs missions auprès de bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH). A ces avancées vient s'ajouter la revalorisation du point d'indice de la fonction publique au 1er juillet 2022, qui concerne l'ensemble des agents publics, notamment ceux exerçant au sein des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS). En miroir, l'Etat a agréé les avenants à la convention collective de la branche de l'aide à domicile portant revalorisation des plus bas coefficients de salaire et de la valeur du point. Sur les questions de mobilités, le Gouvernement a agréé l'avenant 50 à la convention collective de la branche de l'aide à domicile, qui revalorise le montant des indemnités kilométriques. Ainsi, depuis le 1er octobre 2022 les salariés relevant de cette branche se voient rembourser leurs frais de déplacement à hauteur de trente-huit centimes d'euros par kilomètre en cas d'utilisation de leur véhicule, au lieu de trente-cinq centimes d'euros précédemment. A la remise sur les prix des carburants qui avait été mise en œuvre jusqu'au 31 décembre 2022 a par ailleurs succédé une indemnité carburant de 1 00 euros qui permettra de soutenir les travailleurs qui utilisent leur voiture pour se rendre au travail. Cette aide bénéficiera à 10 millions de Français, ayant un revenu fiscal de référence par part inférieur à 14 700 euros. Elle concernera notamment un certain nombre d'aides à domicile. Pour un Français qui parcourt 12 000 km par an, ce qui correspond à la moyenne nationale, cette indemnité représente une aide d'un peu plus de 10 centimes par litre. Cette aide s'appliquera quel que soit le type de véhicule (thermique, hybride rechargeable, électrique), y compris les deux roues. En outre, afin de promouvoir des moyens de transport plus écologiques, le forfait mobilités durables, porté par la loi d'orientation des mobilités du 26 décembre 2019, offre aux employeurs la possibilité d'attribuer une indemnité exonérée de cotisations aux salariés privilégiant les modes de transport dits « à mobilité douce » pour effectuer leurs trajets entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail. Cette prise en charge prend la forme d'un forfait mobilités durables, exonéré de cotisations et contributions sociales, dans la limite de 700 euros par an et par salarié en 2022 et 2023 (500 euros en 2021). Ce forfait « mobilités durables » a été adopté par les partenaires sociaux dans de nombreux ESSMS (accords collectifs locaux agréés par l'Etat). Il est également important de rappeler que les conseils départementaux, qui ont la compétence de l'aide sociale, peuvent mettre en place des dispositifs de soutien à la mobilité dans leurs territoires. Peuvent être citées, outre le financement aux SAAD d'indemnités kilométriques supérieures à celles aujourd'hui en vigueur, des initiatives qui permettent de cofinancer la location ou l'achat d'un véhicule ou la mise en place d'une flotte de véhicules. Enfin, pour faire face aux besoins croissants de recrutement de ce secteur, des solutions de court et moyen terme sont mobilisées. Dès le début de l'année 2022, une campagne de recrutement d'urgence pour les métiers du soins et d'accompagnement a ainsi été lancée, portée par l'Etat avec l'appui des agences régionales de santé (ARS) et du service public de l'emploi. Celle-ci a notamment permis de mettre en place des dispositifs de coordination au niveau territorial engageant les ARS, les directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS), les conseils régionaux, le réseau régional de pôle emploi ainsi que l'union régionale des missions locales, pour identifier les viviers de professionnels et proposer des formations courtes qualifiantes prises en charge par l'Etat. Ces différents axes d'action viennent renforcer les efforts déjà initiés par l'augmentation du nombre de places dans les instituts de formation. En effet, 12 600 places supplémentaires ont été ouvertes depuis 2020 pour les formations d'aide soignants, d'infirmiers et d'accompagnants éducatifs et sociaux. Des mesures pour favoriser le développement de l'apprentissage dans le secteur médico-social et sanitaire, afin d'y faire entrer davantage de jeunes, ont également été prises, elles visent notamment à lever des freins juridiques (levée du quota limitant les places en apprentissage, travaux sur l'apprentissage dans la fonction publique hospitalière) et à apporter des incitations financières spécifiques (aide exceptionnelle pour réduire le coût du salaire des apprentis). L'engagement de développement de l'emploi et des compétences, signé le 20 octobre 2021, entre l'État, les branches professionnelles et les opérateurs de compétences, va également permettre de soutenir le secteur dans le déploiement d'une vraie politique de recrutement et de gestion des emplois et des compétences. En outre, la mise en œuvre opérationnelle de l'appel à projets avec la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie pour les plateformes des métiers de l'autonomie, permet de construire une offre d'intermédiation territorialisée et multi-services, afin de permettre aux employeurs de voir leurs offres d'emplois effectivement et rapidement satisfaites. L'ensemble de ces mesures favorisant le recrutement de professionnels a été soutenu par deux campagnes de communication nationales sur les opportunités d'emploi dans le secteur (en septembre 2021 et mars 2022). Enfin, dans le cadre du conseil national de la refondation lancé le 8 septembre 2022 par le Président de la République, un volet "bien vieillir" a été érigé comme l'une des priorités d'action. Plusieurs thématiques sont traitées dans ce cadre, au travers d'ateliers nationaux et locaux réunissant professionnels, experts et citoyens mobilisés sur cet enjeu de société. Une des thématiques porte sur l'attractivité des métiers, avec un point d'attention spécifique sur les métiers du domicile et la mobilité des professionnels. Répondre aux difficultés de recrutement, sécuriser les parcours, agir sur la formation, les reconversions et les conditions de travail… autant de thématiques qui continueront à être traitées dans les prochains mois en réunissant professionnels, experts et citoyens, afin d'aboutir rapidement à des solutions concrètes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Inscription
ou
Connexion