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Jean-François Lovisolo
Question N° 7893 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 16 mai 2023

M. Jean-François Lovisolo appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les inquiétudes des agriculteurs vis-à-vis du potentiel manque d'eau auquel ils vont peut-être devoir faire face pour irriguer les cultures. Comme M. le ministre le sait, le département de Vaucluse et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur sont aux avant-postes du changement climatique. Confrontés depuis toujours à la rareté de l'eau, les hommes et les femmes de ce territoire au climat méditerranéen ont su faire preuve de génie pour développer une gestion maîtrisée et raisonnée de la ressource en eau. Le sud Vaucluse bénéficie ainsi d'un approvisionnement issu du système Durance Verdon qui, depuis les barrages de Serre-Ponçon sur la Durance et de Sainte Croix sur le Verdon, permet de répondre aux différents usages : eau potable, électricité, agriculture, industrie et plus récemment le tourisme. Ces usages reposent sur un partage concerté et exemplaire d'une ressource stockée, notamment en période de sécheresse, tout en préservant les milieux naturels grâce au maintien des débits réservés à l'aval des retenues. Le réchauffement climatique et l'urgence qui en résulte rendent plus que jamais nécessaire la mise en œuvre de protocoles renforcés d'économies d'eau. L'irrigation agricole a ainsi fait preuve au cours des dernières décennies de sa capacité à irriguer mieux avec moins de ressource, en appliquant des mesures de restriction lorsqu'elles sont nécessaires et en mettant en œuvre des innovations continues pour une irrigation de précision. Dans un contexte de sécheresse avérée, l'État s'achemine vers un arrêté interdépartemental prévoyant différents niveaux d'alerte et les mesures de vigilance et de restrictions à mettre en œuvre pour chaque niveau. Mais la pression médiatique est forte et le risque est de voir édicter des mesures de restrictions uniformes ne tenant pas compte des spécificités locales et des différents usages. La crainte des agriculteurs est ainsi de voir appliquer les mêmes restrictions à l'eau d'irrigation prélevée dans les milieux aquatiques et à l'eau prélevée dans les réserves stockées, dont la vocation est justement de pouvoir être sollicitées en période de sécheresse sans impacter les milieux naturels. M. le député souhaite tout d'abord sensibiliser M. le ministre sur l'absence de fondement règlementaire à considérer sur le même plan les prélèvements dans les milieux naturels qui sont fragilisés et les prélèvements dans les ressources stockées du système Durance Verdon. Ensuite, cela ne signifie pas qu'il ne faille pas prendre de mesures de mesures de restrictions sur les ressources stockées. Evidemment que non. Mais il convient, dans la répartition des stocks, de bien objectiver au préalable l'impact de toute mesure de restriction afin de préserver les usages prioritaires comme l'eau potable et l'agriculture qui répond à l'impératif de souveraineté alimentaire qui est le nôtre. À titre d'exemple, l'arrêt total de l'irrigation agricole pour la concession régionale du Canal de Provence (soit 75 000 ha) entre juin et septembre économiserait certes 30 millions de m3, soit 1,5 mètre dans la retenue artificielle de Sainte Croix, mais entraînerait des pertes de récolte désastreuses à l'échelle régionale, sans sauver pour autant l'activité touristique locale dans des années très sèches. Ainsi, de manière générale, une limitation d'usage doit être liée et proportionnée à son impact sur les milieux naturels et à son impact objectif sur les autres usages.M. le député demande donc à M. le ministre quels vont être les usages prioritaires prévus dans le sud Vaucluse et plus largement dans le département de Vaucluse et la région PACA en gardant en tête que l'eau potable ainsi que les irrigations agricoles sont une absolue nécessité sur ces territoires.

Réponse émise le 15 août 2023

L'agriculture est l'un des secteurs particulièrement exposés aux modifications hydrologiques, et il est important de réduire sa vulnérabilité à un risque accru de manque d'eau dans le contexte du changement climatique. Les conséquences de la sécheresse qui depuis plusieurs années touche de nombreux départements, dont le département du Vaucluse, en témoignent. S'agissant de la priorisation des usages dans le cadre de mesures de restriction applicables à la ressource en eau, l'article L. 211-1 du code de l'environnement définit les objectifs d'une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau. Celle-ci doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile, de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : de la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ; de la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ; de l'agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l'industrie, de la production d'énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées. À cet égard, le « Guide circulaire de mise en œuvre des mesures de restriction des usages de l'eau en période de sécheresse à destination des services chargés de leur prescription en métropole et en outre-mer » publié en mai 2023 décline ces orientations que doivent être respectées en métropole et en outre-mer, dans le cadre des arrêtés-cadre préfectoraux afférents. Notamment pour le volet agricole, le guide signale que les mesures générales de restrictions applicables à l'usage agricole doivent prendre en compte les enjeux de souveraineté alimentaire, notamment pour des productions agricoles sous signe de qualité, ou géographiquement concentrées. Plus largement, le Gouvernement est pleinement mobilisé autour des enjeux de gestion de l'eau et de disponibilité de l'eau, notamment à travers la réalisation des actions prévues dans le cadre du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique. Plusieurs de ces actions concernent l'échelon territorial en lien avec l'irrigation et les spécificités locales, dont par exemple, la réalisation de plan d'adaptation au changement climatique pour chaque filière agricole ou encore le renforcement des projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE) avec la publication le 17 janvier 2023 d'un additif à l'instruction relative à la mise en œuvre des PTGE du 7 mai 2019. De plus, le plan d'action pour une gestion résiliente et concertée de l'eau annoncé le 30 mars 2023 par le Président de la République intègre plusieurs mesures pour optimiser la disponibilité de la ressource en eau, y compris pour l'agriculture. En particulier, la mesure n° 1 prévoit que toutes les filières économiques, dont l'agriculture, établissent dès 2023 un plan de sobriété pour l'eau. La mesure n° 21 prévoit qu'un fonds d'investissement hydraulique agricole soit abondé dès 2024 à hauteur de 30 millions d'euros par an pour remobiliser et moderniser les ouvrages existants et développer de nouveaux projets dans le respect des équilibres des usages et des écosystèmes. Le plan prévoit également de massifier la valorisation des eaux non conventionnelles (REUT). Enfin, afin d'adapter et d'accompagner l'agriculture face au changement climatique, l'État, en étroite concertation avec les régions et le monde agricole, a lancé le 7 décembre 2022 les travaux relatifs au pacte et à la loi d'orientation et d'avenir agricoles, destinés à assurer l'avenir de l'agriculture tout en accompagnant mieux le parcours de celles et ceux qui font le choix de s'engager dans les métiers agricoles. La concertation lancée s'est poursuivie tout au long du premier semestre 2023. Elle s'est déroulée au niveau national, pilotée par le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en étroite association avec Régions de France, et au niveau régional, copilotée par l'État et les régions et mise en œuvre par les chambres régionales d'agriculture. Cette concertation s'est articulée autour de quatre axes dont la transition et l'adaptation, en particulier face au changement climatique. Elle va prochainement aboutir à la rédaction d'un pacte et d'une loi d'orientation et d'avenir pour l'agriculture qui déterminera le cap à suivre et les outils opérationnels à déployer.

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