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Thierry Frappé
Question N° 803 au Ministère auprès du ministre de l’intérieur


Question soumise le 9 août 2022

M. Thierry Frappé appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales, sur la modification des limites communales. Selon le code de collectivités territoriales (art. L. 2112-2 à L. 2112-13), la modification des limites territoriales des communes est décidée après enquête dans les communes intéressées sur le projet lui-même et ses conditions. Il résulte de ces articles que le préfet prescrit cette enquête lorsqu'il a été saisi d'une demande à cet effet soit par le conseil municipal, soit par le tiers des électeurs inscrits de la commune ou du territoire en question, ou il peut l'ordonner d'office. Le ministère des collectivités territoriales a souvent été amené à rappeler qu'il n'existe pas un droit à la modification du territoire et que la modification des limites du territoire et que la modification des limites du territoire communal est avant tout une affaire d'opportunité. De nombreux préfets, partout en France, sont saisis de demandes qui concernent le détachement d'une section de commune ou d'une portion du territoire d'une commune pour l'ériger en commune séparée. Dans la majorité des cas, ces demandes interviennent dans des communes fusionnées, parfois depuis de nombreuses décennies. Il semblerait que chaque préfet est libre d'apprécier l'opportunité de poursuivre ou non la procédure en acceptant ou refusant de prescrire l'enquête, sous réserve de ne pas commettre d'erreur manifeste d'appréciation. Il en résulte que le préfet doit se fonder sur la pertinence des arguments soulevés par les pétitionnaires. Or, dans la majorité des cas, la pétition soumise au Préfet ne mentionne aucune revendication spécifique, hormis la volonté que le Préfet engage l'enquête publique. Face à ce constat et à la multiplication des saisines dont la nature est souvent purement politique. M. le député aimerait que Mme la ministre déléguée puisse lui confirmer que le préfet est libre d'apprécier l'opportunité de poursuivre ou non la procédure en acceptant ou refusant de prescrire l'enquête publique et qu'elle puisse lui indiquer les indicateurs sur lesquels le préfet doit se fonder pour apprécier l'opportunité de poursuivre ou non une telle procédure.

Réponse émise le 24 octobre 2023

La procédure de modification des limites territoriales d'une commune est décrite aux articles L. 2112-2 et suivants du code général des collectivités territoriales. Le second alinéa de l'article L. 2112-2 précise que « Le représentant de l'État dans le département prescrit cette enquête publique, réalisée conformément au code des relations entre le public et l'administration, lorsqu'il a été saisi d'une demande à cet effet soit par le conseil municipal de l'une des communes, soit par le tiers des électeurs inscrits de la commune ou de la portion de territoire en question. Il peut aussi l'ordonner d'office ». Le préfet apprécie d'abord la régularité formelle de la demande des pétitionnaires (nombre de pétitionnaires correspondant au moins au tiers des électeurs inscrits habitant sur la portion du territoire indiquée dans la demande, effectivité des signatures, confirmation de la demande à l'expiration du délai d'un an). S'agissant de son pouvoir d'appréciation sur le déclenchement de l'enquête publique, la jurisprudence a progressivement évolué au cours des dernières années. Dans un premier temps, la Cour administrative d'appel de Lyon a estimé qu'il était libre d'apprécier l'opportunité de poursuivre ou non la procédure en acceptant ou en refusant de prescrire l'enquête (CAA Lyon, 21 mars 2001, Commune de Landry, n° 98LY01062). Mais, dans un second temps, plusieurs tribunaux administratifs ont amendé cette jurisprudence. Cette évolution a été confirmée par la Cour administrative d'appel de Versailles en 2010, qui considère que, par principe, le préfet est tenu de prescrire l'enquête publique, sauf si un réel motif d'intérêt général s'oppose à ce qu'il soit fait droit à la demande (CAA Versailles, 4 juin 2010, Consorts A, n° 08VE02547). En l'occurrence, au cas d'espèce, le ministre de l'intérieur avait invoqué, pour soutenir que le refus de procéder à l'enquête publique était légal, des motifs « tirés de ce que le préfet n'était pas tenu de mettre en œuvre l'enquête publique et qu'il pouvait légalement refuser de la prescrire, dès lors que le redécoupage territorial des communes concernées était dépourvu d'intérêt et qu'il ne peut en outre être procédé à un tel découpage dans l'année précédant des consultations électorales ; (…) Considérant, d'une part, que si, se prévalant implicitement d'un motif d'intérêt général, le ministre soutient que la demande soumise au préfet reposait sur des motifs dénués de toute pertinence, le Bois Saint-Martin constitue un ensemble de 285 hectares situé à l'extrémité sud-est de la commune de Noisy-le-Grand, à laquelle il est rattaché par une bande étroite du territoire communal, et du département de la Seine-Saint-Denis ; qu'il est, sur plus de 80 % de sa périphérie, enserré par des communes du Val-de-Marne et de la Seine-et-Marne, en particulier par la commune du Plessis-Trévise, laquelle comprend déjà une partie des 10 hectares du bois situés dans le département du Val-de-Marne et accueille les entrées principales du domaine ainsi que les raccordements de celui-ci aux divers réseaux de distribution ; que la commune du Plessis-Trévise s'est engagée, par délibération de son conseil municipal du 30 juin 2004, à protéger la qualité du site, classé en tant que zone naturelle d'intérêt écologique, floristique et faunistique ; que ces différents éléments, présentés par les requérants à l'appui de leur demande et tirés de la configuration géographique et des caractéristiques des lieux, ne pouvaient être regardés comme dénués de toute pertinence ; que, dès lors, le motif ainsi invoqué en défense ne peut être retenu (…). » D'autres jurisprudences ont été rendues sur les cas de refus implicite du préfet de prescrire l'enquête, notamment un arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris de 2017 : « Lorsqu'il est régulièrement saisi d'une demande de modification des limites territoriales d'une commune par le tiers des électeurs inscrits de la portion de territoire en question, le préfet est tenu de prescrire l'enquête publique prévue par ces dispositions et d'instituer une commission ayant pour objet d'émettre un avis sur le projet ; que, si l'obligation ainsi faite à cette autorité trouve sa limite dans les autres intérêts généraux dont elle a la charge, elle ne saurait légalement s'y soustraire pour des raisons de simple convenance administrative. » (CAA Paris, 28 nov. 2017, n° 16PA02249). À tout le moins, si le préfet est tenu de prescrire l'enquête publique, sauf motif d'intérêt général s'y opposant, il n'existe pas pour autant un droit à la modification du territoire, pas plus qu'un droit au maintien de ses limites existantes. Aussi, la circonstance qu'une enquête publique a été menée ne préjuge pas de la décision finale prise par le préfet.

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