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Sylvie Ferrer
Question N° 834 au Ministère de la justice


Question soumise le 16 août 2022

Mme Sylvie Ferrer attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la situation des couples pacsés en cas de décès d'un des partenaires. En effet, dans les dispositions actuelles, les partenaires ne disposent pas du statut d'héritiers légaux. Ainsi, dans le cas où l'un est amené à disparaître, aucun droit de succession n'est accordé en l'absence de testament. Cette lacune peut être de source de précarité pour celles et ceux ayant déjà à affronter la disparition de leur conjoint. Par exemple, dans le cas d'un couple partageant le même logement loué, le veuf ou la veuve, après expiration d'une protection d'un an, serait amené à quitter le logement faute de pouvoir en payer le loyer si elle ou il ne dispose pas de moyens suffisants, notamment en l'absence d'une pension de réversion. Il est à noter que ce genre de difficultés viennent s'ajouter à la souffrance psychologique du conjoint ou de la conjointe survivant. En outre, de plus en plus de couples choisissent de s'unir par le truchement d'un PACS plutôt que du mariage, si bien que, selon l'Insee, en 2020, le nombre de PACS a surpassé le nombre de mariage (174 000 contre 155 000). Face à cette institutionnalisation du PACS, la problématique de la succession gagne en importance. En ce sens, elle aimerait savoir quelles évolutions pourraient être envisagées pour répondre à cet enjeu, crucial pour de nombreux couples.

Réponse émise le 21 mars 2023

Les régimes du mariage et du Pacs se distinguent nettement dans le décès d'un des conjoints et dans le statut qu'ils confèrent au survivant : le partenaire n'est effectivement pas l'héritier de son partenaire défunt. Pour autant, le logement commun du couple de partenaires fait l'objet d'une protection légale. Premièrement, la loi du 23 juin 2006 a étendu aux partenaires le bénéfice du droit au logement temporaire institué par l'article 763 du code civil. Ainsi, l'article 515-6 du code civil prévoit que « Lorsque le pacte civil de solidarité prend fin par le décès de l'un des partenaires, le survivant peut se prévaloir des dispositions des deux premiers alinéas de l'article 763 ». Il en résulte qu'au décès de l'un des partenaires, le partenaire survivant peut se maintenir pendant une année dans le logement qu'il occupait à titre d'habitation principale au jour du décès, si celui-ci dépend de la succession ou était la propriété commune du couple. Deuxièmement, l'article 1751 du code civil prévoit que lorsque le logement commun fait l'objet d'un bail d'habitation, le bail se poursuit au profit du partenaire du locataire prédécédé. Troisièmement, la loi a également étendu aux partenaires le bénéfice des diverses attributions préférentielles prévues par le code civil. L'article 515-6 énonce en effet : « Les dispositions des articles 831, 831-2, 832-3 et 832-4 sont applicables entre partenaires d'un pacte civil de solidarité en cas de dissolution de celui-ci ». Sont par conséquent visées tant l'attribution préférentielle du logement et du mobilier qui le garnit, que celle des entreprises ou exploitations agricoles, du bail professionnel servant à l'exercice de la profession et des éléments mobiliers nécessaires à cette activité. Pour pouvoir exercer cette attribution préférentielle, les biens concernés doivent cependant être des biens indivis entre eux. En outre, les partenaires d'un Pacs peuvent naturellement se consentir des libéralités, entre vifs ou à cause de mort. Dans ce cadre, ils pourront se consentir des donations entre vifs de biens présents. Ces donations ont un caractère irrévocable. Les dispositions à cause de mort devront revêtir la forme testamentaire. La différence de traitement entre les couples mariés et les couples non mariés ne contrevient pas au principe de l'égalité de traitement. Le Conseil d'Etat l'a rappelé dans un arrêt du 28 juin 2002, en précisant que les couples mariés et les partenaires de PACS étaient placés dans des situations juridiques différentes et que le principe d'égalité n'impose pas qu'ils soient traités dans tous les cas de manière identique (CE, ass., 28 juin 2002, req. n° 220361). Ce principe a été également consacré par le Conseil constitutionnel (Cons. const. 22 mai 2013, no 2013-312 QPC). S'agissant plus particulièrement du droit au bénéfice d'une pension de réversion reconnu au conjoint survivant et refusé au partenaire, le Conseil constitutionnel a considéré qu'en raison des devoirs particuliers qui naissent du mariage, de la protection que la loi assure à la famille, de celle qu'elle assure aux époux dans la dissolution de l'union, la différence de traitement entre les couples mariés et non mariés ne méconnaît pas le principe constitutionnel d'égalité (Cons. const. 29 juill. 2011, no 2011-155 QPC). Cette solution a été reprise par la Cour de cassation, dans un arrêt du 23 juin 2014 (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 janvier 2014, 13-11.362) qui a rappelé que la protection du mariage constitue une raison importante et légitime pouvant justifier une différence de traitement entre couples mariés et couples non mariés. Dans ce même arrêt, la Cour de cassation rappelle par ailleurs que l'option entre mariage et pacte civil de solidarité procède du libre choix des intéressés. Les couples ont le libre de choix du statut qui leur convient et ils peuvent, en toute hypothèse, s'ils le désirent recourir aux outils juridiques qui sont à leur disposition. Aussi, le ministère de la Justice n'envisage-t-il pas d'évolution du droit en l'état.

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