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Jean-François Portarrieu
Question N° 8343 au Ministère de l’économie


Question soumise le 30 mai 2023

M. Jean-François Portarrieu attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la pertinence des indicateurs de suivi de la stratégie nationale de transition écologique. Dans son rapport récent sur les incidences économiques de l'action pour le climat, Jean Pisani-Ferry estime que la neutralité climatique est parfaitement atteignable. Mais l'objectif 2050 suppose d'engager une grande transformation d'ampleur comparable aux révolutions industrielles que le pays a connues. Cette décarbonation est conditionnée par des investissements importants et induira un coût économique et social. Mais cette transition induira également un coût en bien-être que les indicateurs usuels comme le PIB mesurent assez mal. Franck Montaugé, sénateur du Gers, avait ainsi proposé en 2017 de réfléchir à un suivi plus attentif des politiques publiques, notamment en matière d'impact sur les citoyens. Il souhaiterait savoir si des pistes pour identifier des indicateurs alternatifs sont à l'étude.

Réponse émise le 12 septembre 2023

Au vu des investissements et des transformations nécessaires pour atteindre nos objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre (GES), une juste répartition des efforts est indispensable pour que la transition climatique soit ordonnée et efficace. La statistique publique travaille donc à fournir suffisamment d'informations pour estimer les coûts supportés par les différents acteurs. Un premier enjeu est le suivi de l'évolution des prix et leur impact sur le budget des ménages, sachant qu'à court terme, la capacité de réduire sa consommation d'énergie, de transports ou d'alimentation est nécessairement limitée. Un second est de connaître de manière précise l'empreinte carbone des ménages selon leurs caractéristiques (composition du ménage, activité professionnelle, revenus, localisation géographique, etc.). La statistique publique travaille à affiner les analyses et à améliorer les données et les méthodes. Les coûts de la transition climatique pour les agents économiques seront multiples. Certains sont directs (hausses des prix, taxes), d'autres sont indirects (interdiction ou contraintes sur certaines activités). Leur analyse détaillée ne se limite pas à la description de la situation actuelle mais suppose également le recours à la modélisation, que ce soit pour prévoir l'impact de politiques publiques, préalablement à leur mise en œuvre, ou pour en faire l'évaluation, rétrospectivement. Le rapport thématique « Enjeux distributifs », rédigé dans le cadre de la mission Pisani-Ferry, fait le point sur ces questions. Enfin, la question de la mesure des prix elle-même va également être approfondie par l'Insee avec une grande attention. Par exemple, les ménages pourront ressentir le passage de la voiture thermique à la voiture électrique comme une hausse de coût, puisqu'elle est en moyenne plus chère à l'achat. Dans l'indice des prix à la consommation (IPC) cependant, la voiture électrique est considérée comme un «  nouveau produit  », différent de la voiture thermique et donc non directement comparable. À l'inverse, le coût d'usage du véhicule électrique (consommation de carburant et entretien) pourrait être réduit, ce qui constituera un gain pour les ménages, là encore sans traduction directe dans l'IPC. La question de la réconciliation entre indice des prix et ressenti des ménages, à court terme et à long terme, dépasse cependant le contexte de la transition climatique. Enfin, des indicateurs macroéconomiques tenant compte de la contrainte de soutenabilité climatique peuvent aussi être élaborés en apportant une correction aux indicateurs usuels de la comptabilité nationale. Deux notions sont souvent mises en avant à cet égard. D'une part, une mesure de produit intérieur net qui serait une meilleure évaluation de la performance économique véritable que le produit intérieur brut (PIB), en y ôtant une mesure du dommage fait à l'environnement reflétant par exemple les émissions de GES du fait des activités économiques. D'autre part, une mesure de l'épargne ajustée qui, en comparaison de l'épargne usuelle, offrirait une meilleure indication de la soutenabilité du modèle de développement suivi, en représentant le budget carbone alloué à la France comme une forme de capital à mettre en regard des autres actifs. De tels indicateurs nécessitent d'expliciter une valorisation des émissions de GES. Une telle approche est notamment proposée dans la publication Insee Analyses « Prix social du carbone et engagement pour le climat : des pistes pour une comptabilité économique environnementale ? », de Germain et Lellouch en 2020, qui estiment, à l'aide d'hypothèses sur la technologie de décarbonation, le coût qu'il faudrait payer pour respecter l'engagement de neutralité carbone en 2050.

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