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Hadrien Clouet
Question N° 8639 au Ministère de l’éducation nationale


Question soumise le 6 juin 2023

M. Hadrien Clouet alerte M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur le caractère brutal et discriminant du « Pacte enseignant » vis-à-vis des personnels de l'éducation nationale en situation de handicap. Le Président de la République s'était engagé à revaloriser les salaires des enseignants de 10 %. Cette promesse électoraliste est abandonnée dès le lendemain de son élection. Mais avec le gel du point d'indice des fonctionnaires, l'inflation dévore le pouvoir d'achat des enseignants. Tout au long de leur carrière, ils franchissent des échelons et progressent dans leur grille tarifaire. Il serait logique de conclure que la hausse de leur rémunération se traduit de fait par une hausse de leur pouvoir d'achat. Or, les promotions d'échelon n'augmentent pas leur pouvoir d'achat mais permettent seulement de rattraper la perte causée par la sous indexation du point d'indice. Selon le collectif Nos services publics, ce phénomène s'apparente à « remonter un escalator qui descend ». Si le point d'indice était dégelé et que le salaire progressait au même rythme que l'inflation depuis 2000, les salaires des enseignants auraient gagné jusqu'à 500 euros mensuel. Comparativement à leurs collègues allemands, les enseignants français ont un salaire deux fois moins élevé tout au long de leur carrière, quand bien même ils travaillent 120 heures de plus dans le secondaire et 200 heures de plus dans le primaire. À la moitié de leur carrière, les enseignants français perçoivent jusqu'à 20 % de moins que la moyenne de l'OCDE. Comparativement aux autres pays européens, ils subissent les classes les plus surchargées dans le primaire comme dans le secondaire et arborent le volume horaire le plus important, derrière les seuls Pays-Bas. La revalorisation du salaire des enseignant qui sera effective à la rentrée 2023 ne résoudra en rien la situation. Cette revalorisation se fera donc en deux volets. Le premier volet est relatif à la hausse de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE), pour les enseignants du premier degré et l'indemnité de suivi d'orientation des élèves (ISOE), pour les enseignants du second degré. Ce volet concerne l'ensemble des enseignants, sans condition et correspondrait à une hausse d'un peu plus de 90 euros par mois. Le second volet de la revalorisation, en revanche, n'est pas universel et ne concernera pas l'ensemble des enseignants. Il s'agit du « Pacte enseignant » : un tiers du budget dédié à la revalorisation annoncée lui est attribué. Concrètement, pour voir leur rémunération revalorisée, les enseignants devront, sur la base du volontariat, travailler plus : remplacement des absences de courtes durées au pied levé, heures de soutien scolaire ou d'heures de devoirs faits, mise en œuvre de projets dans le cadre du conseil national de la refondation, devenir référent sur la question de l'inclusion et accompagner leurs collègues. La logique du pacte va aggraver considérablement le phénomène européen selon lequel les enseignants français travaillent davantage que leurs voisins pour un salaire bien inférieur et cela malgré la revalorisation annoncée. Le pacte va alourdir davantage encore la charge de travail des enseignants dans la journée, dans la semaine et dans l'année. Il n'est en aucun cas une revalorisation salariale, mais un travail supplémentaire rémunéré au rabais. Il crée une concurrence entre les enseignants qui nuira à la bonne entente et au bon fonctionnement des équipes pédagogiques et de direction, au détriment des élèves. Demander aux enseignants ayant le volume horaire le plus élevé et les salaires parmi les plus bas d'Europe d'effectuer un travail supplémentaire pour obtenir une revalorisation microscopique est indécent. D'autant que le pacte n'est pas accessible à tous les enseignants, suivant une logique discriminatoire. En premier lieu, le pacte enseignant exclut les enseignants en situation de handicap. Beaucoup d'entre eux sont contraints de travailler à temps partiel, sans compensation, contraint de renoncer à une part importante de leur salaire du fait de leur handicap. Le « Pacte enseignant » constitue alors une double peine. Ces enseignants n'étant pas en mesure de remplir les conditions pour bénéficier de la rémunération complémentaire, ils verront se creuser davantage encore l'écart de salaires par rapport à leurs collègues valides. La majorité a déposé une loi sur « l'école inclusive », mais en refuse le principe à ses propres agents. Le pacte est également discriminant pour les enseignants qui, dans la diversité de leurs profils, ne disposent pas des mêmes conditions matérielles, familiales, géographiques et professionnelles. Les missions supplémentaires composant le pacte nécessitent plusieurs heures de travail supplémentaires dans l'établissement, ainsi que plusieurs heures de préparation, de suivi ou de correction tout au long de l'année. Ainsi, les enseignants ayant leur domicile très éloigné de leur établissement d'exercice n'auront pas la possibilité de se porter volontaire pour le pacte et seront exclus de l'augmentation de salaire. Il en va de même pour les titulaires d'une zone de remplacement (TZR), exerçant sur plusieurs établissements et qui, en plus d'avoir davantage d'heures de trajet hors temps de travail, n'auront pas la possibilité de s'insérer dans le pacte d'un des établissements d'exercice. Situation identique pour les personnels ayant un ou plusieurs enfants à charge et souhaitant s'occuper d'eux, en allant les chercher à l'école, en les accompagnant dans leurs devoirs scolaires, en leurs faisant à manger, en passant du temps avec eux. Structurellement, le pacte risque d'aggraver les inégalités entre les femmes et hommes. Ainsi, de manière générale, le « Pacte enseignant » discrimine toutes celles et ceux ayant une vie en dehors du travail et n'habitant pas à proximité de l'établissement scolaire. Cette mesure va coûter aux enseignants le peu de temps dont ils disposent avec leurs proches, pour leurs loisirs personnels ou leur réflexion intellectuelle. Le pacte fait l'unanimité contre lui. Les enseignants se sentent méprisés et voient leurs conditions de travail dégradées, les chefs d'établissement craignent un véritable casse-tête dans l'élaboration des emplois du temps et les parents d'élèves comme les élèves souhaitent avoir des enseignants focalisés sur leurs missions principales et non accaparés par des tâches annexes. Aussi M. le député demande à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse comment il compte répondre à ces discriminations multiples, consubstantielles au pacte. Compte-t-il renoncer à celui-ci au profit d'une hausse du point d'indice ? Entend-il basculer l'enveloppe du pacte dans celle prévue pour l'ISAE-ISOE, suivant la demande de l'intersyndicale ? Enfin, il souhaite savoir quand il augmentera le point d'indice des fonctionnaires pour les protéger de l'inflation.

Réponse émise le 28 novembre 2023

Les données de l'ODCE pour la comparaison des rémunérations en 2022 se fondent sur l'année 2019 ou 2020 et ne tiennent donc pas compte des mesures intervenues postérieurement à ces dates. Au terme d'un cycle de concertation avec les organisations syndicales conduit par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, des mesures de revalorisation des rémunérations et des carrières des professeurs ont été annoncées. La revalorisation des professeurs est mise en œuvre depuis la rentrée scolaire 2023. Depuis le 1er septembre, tous les personnels enseignants du premier et du second degrés, les conseillers principaux d'éducation et les psychologues de l'éducation nationale bénéficient d'une hausse sans condition de leur rémunération grâce à une revalorisation de leur régime indemnitaire. Les professeurs en situation de handicap bénéficient ainsi, comme tous les personnels enseignants, du doublement du montant de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE ; 1er degré) et de la part fixe de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE ; 2d degré) pour atteindre le niveau de 2 550 € bruts par an, soit une hausse moyenne de 1 300 € bruts par an pour l'ensemble des professeurs. Les professeurs ne percevant pas l'ISOE et l'ISAE en raison de leurs missions spécifiques sont revalorisés du même montant. En cette rentrée, tous les professeurs ont perçu une revalorisation de 125 à 250€ nets mensuels par rapport à la rentrée précédente. De plus, afin d'augmenter significativement la rémunération des professeurs en début de carrière, la prime d'attractivité est revalorisée pour les personnels aux échelons 1 à 7, soit pendant les 15 premières années de carrière. Conformément à l'engagement pris par le Président de la République, une rémunération d'au moins 2 100 € nets par mois est ainsi garantie aux professeurs néo-titulaires. En outre, des mesures de revalorisation offrent de meilleures perspectives de carrière avec des déroulements accélérés et un accès facilité aux grades supérieurs (hors classe et classe exceptionnelle). Les enseignants exerçant leurs fonctions à temps partiel en raison de leur handicap en bénéficient au même titre que les autres puisque les périodes de travail à temps partiel sont assimilées à des périodes de travail à temps plein pour la détermination des droits à avancement et à promotion. Outre cette revalorisation sans condition, sur la base du volontariat et selon les besoins identifiés dans chaque école et établissement, les professeurs effectuant des missions complémentaires peuvent bénéficier de gains de rémunération supplémentaires. Chaque mission effectuée dans le cadre du pacte permet à un professeur d'obtenir une hausse de rémunération de 1 250 € bruts par an. Trois missions sont rémunérées 3 750 € bruts par an. Ces missions effectuées en complément du service d'enseignement sont de deux natures afin de répondre aux besoins des élèves et aux nécessités de fonctionnement des écoles et des établissements. Un premier ensemble de missions porte sur des activités pédagogiques en présence des élèves selon un volume horaire annuel de 18 ou 24 heures (ex. : remplacement de courte durée, intervention des professeurs des écoles dans le cadre des sessions hebdomadaires de soutien ou d'approfondissement en classe de sixième, stages de réussite lors des vacances scolaires…). Un second ensemble de missions relevant d'un engagement annuel porte sur l'amélioration du fonctionnement des écoles ou des établissements, sur les projets des équipes ou sur des fonctions d'accompagnement ou d'orientation. Les enseignants volontaires reçoivent une lettre de mission du chef d'établissement ou de l'IEN de circonscription. L'ensemble des personnels enseignants, conseillers principaux d'éducation et psychologues de l'éducation nationale, qu'ils soient fonctionnaires ou contractuels, peut se voir attribuer des missions complémentaires et les parts fonctionnelles correspondantes, en fonction des besoins du service exprimés au sein des écoles et des établissements du second degré, sur la base du volontariat. Une attention particulière est portée afin que les professeurs concernés souhaitant accéder à ces missions complémentaires ne rencontrent pas de difficultés du fait de leur handicap et puissent bénéficier ainsi d'une rémunération supplémentaire. Le ministère est particulièrement vigilant sur les modalités d'application de ce dispositif afin de n'exclure aucun personnel, ainsi que le précise la note de service publiée au BOENJS du 27 juillet 2023.

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