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Hadrien Clouet
Question N° 8761 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 13 juin 2023

M. Hadrien Clouet alerte M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur le transfert des missions relatives à la sécurité alimentaire de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à la direction générale de l'alimentation. Le 11 mai 2022 suite à un arbitrage ministériel, la direction générale de la CCRF a décidé l'abandon des missions relatives à la sécurité sanitaire des aliments au profil du ministère de l'agriculture. En conséquence, soixante agents de la concurrence, consommation et répression des fraudes ont été transférés vers le ministère de l'agriculture. Si cette perte d'effectif est significative pour la DGCCRF, elle demeure simultanément insuffisante pour que la direction générale de l'alimentation soit en capacité d'exercer l'intégralité de la nouvelle mission qui lui est confiée. Ce transfert, décidé en catimini, aurait nécessité la création de postes supplémentaires et une formation accrue des agents de la DGAL, tant sur la méthodologie de contrôle que sur la mise en œuvre des suites pénales qui peuvent y être associées. Mais plutôt que de renforcer le nombre, le rôle et la qualification des fonctionnaires, le ministère de l'agriculture a décidé de reverser une partie conséquente du budget à des entreprises privées. C'est ainsi que lors d'un webinaire de mars 2023 dont le Powerpoint a été adressé à M. le député, les agents des deux directions ont appris la privatisation des prélèvements et des contrôles d'hygiène au stade de la remise directe, à compter du 1er janvier 2024, pour un coût total estimé à 56 millions d'euros par an. Cette privatisation est onéreuse : un contrôle par une société privée sera facturé entre 350 et 500 euros. Il ne revient qu'à 260 euros en moyenne lorsqu'il est réalisé par un fonctionnaire, lequel effectue des contrôles bien plus poussés, exerce des missions de services publics tant à l'égard des consommateurs que des professionnels. En outre, les sociétés privées ne sont ni habilitées ni assermentées pour la rédaction de suites pénales ou administratives. En cas de non-conformité, ce sera donc aux agents du ministère de rédiger ou de valider l'ensemble de la procédure, mais sur la base de constatations effectuées par des sociétés privées, qui par ailleurs peuvent assurer d'autres prestations de services à destination des professionnels qu'ils sont susceptibles de contrôler. Alors que ces dernières années ont été marquées par de graves scandales en matière de sécurité alimentaire, on peut s'étonner de la privatisation de cette mission essentielle et craindre pour la sécurité des consommateurs. D'abord, parce qu'on peut craindre que les obligations de neutralité et d'impartialité qui s'appliquent aux agents de la DGAL ou de la DGCCRF ne s'étendent pas aux sociétés privées ; et ce malgré les engagements du délégataire à « être impartial et sans conflit d'intérêts en ce qui concerne l'exercice des tâches qui lui sont déléguées ». Ensuite, car jusqu'à présent les analyses de prélèvements officiels étaient réalisées par le service commun des laboratoires, laboratoire d'État du ministère des finances et de l'économie. Ce laboratoire, public, impartial et certifié, risque aujourd'hui de se retrouver privé d'une partie non négligeable de son matériau et de ses missions. Enfin, parce que ces contrôles pouvaient être l'occasion de repérer d'autres anomalies d'ampleur et des fraudes importantes, en plus d'éventuels problème d'hygiène (en matière de facturation, d'étiquetage, d'origine des produits, etc.). Aussi M. le député demande-t-il à M. le ministre s'il prévoit un maintien effectif de cette privatisation au-delà de 2024, ou s'il compte utiliser les 56 millions d'euros budgétisés pour embaucher et former des fonctionnaires. Dans le pire des cas, comment le ministère de l'agriculture prévoit-il d'encadrer la passation de contrats avec ce type de sociétés ? Il lui demande s'il la possibilité d'inclure dans la loi les habilitations, pouvoirs afin qu'aient lieu des contrôles de second niveau systématiques et réguliers de chacune de ces sociétés et le cas échéant des sanctions sévères en cas de manquement de ces sociétés à leurs obligations. Finalement, il souhaite savoir quels moyens seront affectés à ces contrôles en DD-ETS-PP ou en DRAAF.

Réponse émise le 15 août 2023

Après des années de gestion partagée entre la direction générale de l'alimentation (DGAL) et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), le Gouvernement a choisi le 6 mai 2022 de rassembler sous un pilotage unique la police chargé de la sécurité sanitaire des aliments, sous l'égide du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. La réforme confie ainsi à la DGAL l'ensemble des missions relatives à la sécurité sanitaire des aliments, en particulier : - le contrôle des filières de production de denrées animales ou d'origine animale ; - le contrôle des filières de production de denrées végétales ou d'origine végétale ; - le contrôle des établissements du secteur de la remise directe qui inclut la distribution (commerces de détail, moyenne et grande distribution…), la restauration commerciale (restaurants…) et la restauration collective (cantines scolaires, restaurants d'entreprise…) ; - le contrôle des établissements de restauration collective ; - le suivi et l'application des réglementations relatives à la sécurité sanitaire des produits spécifiques tels que les organismes génétiquement modifiés, les compléments alimentaires, les denrées alimentaires enrichies, les améliorants (additifs, arômes, enzymes…), les nouveaux aliments, les allergènes ; - le suivi et l'application des réglementations relatives aux aliments pour animaux. La DGCCRF reste pour sa part en charge des contrôles sur la qualité et la loyauté des produits alimentaires à l'égard des consommateurs et des professionnels : respect des règles d'étiquetage, de composition et de dénomination des marchandises, lutte contre les pratiques trompeuses sur l'origine, la qualité, les allégations relatives aux produits. Elle reste par ailleurs compétente pour les contrôles des matériaux en contact avec les aliments. La réforme permettra de rendre plus lisible et plus efficiente l'action de l'État en matière de sécurité sanitaire et de protection du consommateur avec, d'une part, une chaîne de commandement unique entre le ministre chargé de la sécurité sanitaire de l'alimentation et les préfets, et d'autre part, le regroupement des agents exerçant les contrôles sanitaires des aliments sous une même tutelle ministérielle. Cette nouvelle organisation doit faciliter la gestion de crises sanitaires et doit également permettre le renforcement, quantitatif et qualitatif, des contrôles au travers d'un dispositif de programmation, d'une méthodologie de contrôle et d'un processus de gestion des suites des contrôles uniformisés. La méthodologie sera en effet unique à partir du 1er janvier 2024, et bâtie sur les fondamentaux de l'analyse de risques de la DGAL. La DGCCRF disposait du service commun des laboratoires (SCL) sous tutelle du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique pour assurer les analyses en lien avec la mission de sécurité sanitaire des aliments. Le SCL assurait aussi une expertise précieuse dans la mise en œuvre des missions, notamment lors de la gestion de crises sanitaires. La DGAL souhaite maintenir et mobiliser les compétences du SCL, il n'est donc pas envisagé par le ministère chargé de l'agriculture de priver le SCL d'une partie non négligeable de ses missions. L'accroissement des contrôles sera réalisé avec la mise en œuvre de la délégation d'une partie des contrôles dans les établissements de remise directe (commerces de bouche, distribution, restaurants commerciaux), et des prélèvements effectués dans le cadre des plans de surveillance et des plans de contrôle dans les établissements de transformation ou de distribution. L'État sera le pilote des délégataires, qui seront des organismes privés ou publics. Il fixera le plan de contrôle annuel et assurera l'ensemble des suites administratives et pénales en cas de non conformités constatées. La délégation sera effective au 1er janvier 2024. Elle doit permettre de mobiliser les agents de l'État sur les contrôles dans les établissements de transformation avec une augmentation de 10 % des contrôles. Elle permettra d'accroître la fréquence de contrôle des établissements de remise directe, avec 100 000 contrôles par an soit une hausse de 80 % par rapport à la fréquence actuelle. Cette délégation est encadrée par le règlement de contrôle officiel [réglement (UE) numéro 2017/625] selon les conditions prévues par les articles 28 à 33, qui prévoit la possibilité de déléguer les missions de contrôle officiel dans le respect des conditions suivantes pour le délégataire : - disposer des compétences, de l'équipement, des infrastructures, et d'un personnel qualifié en quantité suffisante ; - être impartial et sans conflit d'intérêts en ce qui concerne l'exercice des tâches qui lui sont déléguées ; - être accrédité à une norme pertinente (norme ISO/CEI 17020 « Exigences pour le fonctionnement de différents types d'organismes procédant à l'inspection » pour les inspections en remise directe et norme ISO/17025 pour la délégation des prélèvements des plans de surveillance et des plans de contrôle). En outre, il est prévu une clause de revoyure afin de mesurer l'adéquation moyens/délégation, mais aussi les effets des contrôles des établissements non agréés (selon la méthode en vigueur au sein de la DGAL), la gestion des alertes et la gestion de l'export. Cette clause peut être conduite dès l'année 2024. Enfin, afin de mettre en œuvre l'ensemble des missions transférées de sécurité sanitaire des aliments, ainsi que le pilotage et le suivi des missions déléguées, le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire dispose d'une dotation supplémentaire de 190 équivalents temps plein, associé à un budget annuel de 32 millions d'euros pour la délégation.

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