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Nicolas Dragon
Question N° 8899 au Ministère de l’éducation nationale


Question soumise le 13 juin 2023

M. Nicolas Dragon appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la liberté des enseignants face à la montée de l'obscurantisme. En effet, si les provocations et agressions à motivation religieuse à l'encontre des enseignants ont longtemps fait malheureusement partie des tabous entretenus pour préserver le « pas-de-vaguisme » en vogue dans les écoles, l'émoi national provoqué par l'effroyable assassinat de Samuel Paty en octobre 2020 a semble-t-il brisé somme toute l'omerta. Toutefois, il semblerait néanmoins que la liberté des enseignants vis-à-vis de leur contenus pédagogiques et la manière avec laquelle ils les transmettent aux élèves est plus que jamais menacée. Pour preuve, dans un récent sondage IFOP relayé par l'Observatoire des enseignants face à l'expression du fait religieux, 45 % d'entre eux reconnaissent s'autocensurer afin d'éviter des incidents provoqués par des élèves. Pire encore, 21 %, soit plus d'un enseignant sur cinq, admet avoir été victime, au moins une fois dans sa carrière, d'agression à motivation religieuse ou identitaire. Ce dernier chiffre atteint même 39 % dans les zones d'éducation prioritaire. Plus inquiétant encore, parmi le nombre d'enseignants ayant constaté au cours des deux dernières années scolaires un incident à motivation religieuse portant atteinte au principe de laïcité à l'école, estimé tout de même à 69 %, il s'avère qu'un enseignant sur trois (33 %) ne s'est pas senti soutenu par sa hiérarchie lorsqu'il a signalé ledit incident. Ainsi, compte tenu des éléments hautement préoccupants indiqués ci-dessus, il lui demande ce qu'il compte mettre en œuvre pour lutter contre la montée de l'obscurantisme dans les établissements scolaires, ainsi que les mesures qu'il envisage pour préserver la liberté pédagogique des enseignants, plus que jamais menacée.

Réponse émise le 19 mars 2024

Le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse a pris la mesure de la hausse des signalements d'atteintes au principe de laïcité dans les établissements scolaires et y apporte une réponse ferme qui se fonde, d'une part, sur un arsenal juridique renforcé pour mieux protéger les professeurs et leur liberté pédagogique, d'autre part, sur des personnels nombreux et formés pour accompagner les situations de contestation. Par une note de service du 31 août 2023, assortie d'une lettre adressée aux chefs d'établissement, inspecteurs et directeurs d'établissement, le ministre a notamment mis fin à une ambiguïté sur le port de vêtements de type abaya ou qamis, qui tombent sous le coup de l'interdiction prévue par la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 et ne peuvent être tolérés dans les établissements scolaires. Le décret n° 2023-782 du 16 août 2023 relatif au respect des principes de la République et à la protection des élèves dans les établissements scolaires était par ailleurs venu préciser les conditions d'engagement des procédures disciplinaires à l'encontre des élèves responsables d'atteintes graves aux principes de la République, et renforcer le soutien aux chefs d'établissement. Pour lutter contre toutes les atteintes à la laïcité au sein des établissements scolaires et contre les potentielles contestations d'enseignement, l'institution dispose par ailleurs de plusieurs leviers : la publication du nombre de signalements liés à des atteintes à la laïcité dans l'application « Faits établissements » ; la mise à jour régulière du vade-mecum « La laïcité à l'école », ouvrage de référence à l'usage des cadres et plus largement de l'ensemble des personnels, qui permet de répondre à la majorité des situations ; la mobilisation d'une équipe « Valeurs de la République » dans chaque académie qui vient en appui des écoles et des établissements pour répondre à toute demande de conseil ou d'accompagnement. À cet égard, il convient de préciser qu'à la rentrée de septembre 2023, les collèges et lycées particulièrement concernés par le port de tenues manifestant ostensiblement l'appartenance religieuse ont bénéficié d'un appui renforcé par ces équipes ; la mise à disposition d'un ensemble de documents pratiques (notamment des fiches réflexe, modèles de saisine du procureur, liste des délits créés par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, qui permettent aujourd'hui de mieux protéger les professeurs et les agents publics qui concourent au service public de l'éducation nationale), documents issus de la circulaire du 9 novembre 2022. Aujourd'hui, les rectorats doivent apporter aux chefs d'établissement des réponses rapides en cas d'urgence manifeste (conseil, aide juridique) et accorder systématiquement la protection fonctionnelle à leurs agents mis en cause ou menacés (messages haineux en ligne, actes d'intimidation, violences, harcèlement...). Enfin, le plan de formation national « Laïcité/Valeurs de la République », lancé à la rentrée 2021 et qui devrait se poursuivre jusqu'en 2025, a permis de former 1 500 formateurs, membres des équipes académiques « Valeurs de la République », qui ont eux-mêmes formé 350 000 personnels de l'éducation nationale entre septembre 2021 et la fin de l'année scolaire 2022-2023. L'ensemble des agents du ministère bénéficiera de cette formation d'ici 2025. Une formation spécifique et renforcée pour les chefs d'établissement a en outre été déployée et sera complétée, cette année, par celle des inspecteurs du premier degré et des équipes de vie scolaire. À la suite de l'attentat d'Arras, le ministre a rappelé à plusieurs reprises la fermeté avec laquelle il faut répondre à toutes les atteintes aux valeurs de la République et le devoir de sécurité dû à tous les élèves et à tous les personnels afin que l'École remplisse sa mission dans les conditions de sérénité indispensables à son fonctionnement.

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