Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Sylvie Ferrer
Question N° 9062 au Ministère des ministère des armées


Question soumise le 20 juin 2023

Mme Sylvie Ferrer attire l'attention de M. le ministre des armées sur la liste des États ayant ratifiés le traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN). Si le désarmement nucléaire doit se faire progressivement et sans porter préjudice au principe de sécurité et de souveraineté de la France, il reste nécessaire de faire un premier pas vers la sortie de la dissuasion atomique. Les raisons qui ont poussé la France à ne pas signer le TIAN dénotent par leur incohérence. Si l'idée de diminution de l'arsenal nucléaire semble faire consensus dans les discours et ce, dans de nombreux États, force est de constater que les puissances nucléaires n'ont pas réduit leur force atomique mais plutôt le contraire. Les engagements pris lors de la ratification du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) semblent devenir caduques. En effet, au travers de son article VI, le TNP dispose que « chacune des Parties au Traité s'engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace ». La ratification du TIAN, qui n'inclut pas de mesures de contrôle contraignantes, serait alors un engagement supplémentaire qui pourrait permettre d'entamer concrètement de réelles discussions internationales sur le désarmement. Ainsi, elle souhaiterait savoir dans quelle mesure la ratification du TIAN pourrait être envisagée et quelles seront les prochaines actions de la France pour s'engager sur la voie du désarmement nucléaire.

Réponse émise le 16 avril 2024

La France reste profondément attachée au Traité sur la non-prolifération (TNP) des armes nucléaires, qui constitue la pierre angulaire du régime de non-prolifération nucléaire depuis plus de cinquante ans. Comme la question le souligne, « le désarmement nucléaire doit se faire progressivement et sans porter préjudice au principe de sécurité et de souveraineté de la France ». Or, la politique de sécurité et de défense de la France, ainsi que celle de ses alliés les plus proches, repose depuis plus de soixante ans sur la dissuasion nucléaire, qui vise à protéger notre pays de toute agression d'origine étatique contre ses intérêts vitaux. A ce jour, la France a fourni des efforts considérables en matière de désarmement nucléaire : elle a réduit de moitié son arsenal depuis la guerre froide et d'un tiers ses composantes aéroportée et océanique et elle a entièrement démantelé, de manière irréversible et vérifiable, sa composante sol-sol, ses infrastructures de production de matières fissiles pour les armes et son centre d'essais dans le Pacifique. Elle n'a pas augmenté son arsenal, sur lequel elle fait par ailleurs preuve d'une transparence exemplaire, sans commune mesure avec certains autres Etats dotés. Le traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN) remet en cause les principes de la politique internationale de non-prolifération nucléaire dont le TNP en vigueur depuis cinquante ans est le pilier, tout en ne participant nullement à la mise en œuvre de l'article VI du TNP posant l'objectif d'un « traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace ». A fortiori, il ne contribue pas à créer les conditions de confiance nécessaires pour y parvenir, pour les raisons suivantes : le TIAN ignore l'environnement stratégique international et est en réel décalage avec celui-ci, d'autant plus dans un contexte marqué par l'invasion russe en Ukraine, dans lequel la Russie s'appuie sur une rhétorique nucléaire agressive à des fins d'intimidation et de chantage ; le TIAN est incompatible avec le TNP : il cherche à en fragiliser la légitimité, il ne reprend pas les plus hauts standards de garanties de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) adossés au TNP et il n'est assorti d'aucun mécanisme de vérification. L'approche prohibitionniste et idéologique du TIAN ne contribuera qu'à polariser davantage les débats sur le désarmement nucléaire ; aucun Etat possesseur de l'arme nucléaire n'a adhéré au TIAN, une adhésion de la France serait donc contraire à la préservation des fondements de notre sécurité nationale ; le TIAN est un instrument qui cherche à faire pression sur les démocraties, sans peser sur d'autres pays dotés ou détenteurs, peu soucieux des pressions internationales. Sa mise en œuvre, sans contrepartie, contribuerait à fragiliser la stabilité internationale, en nous exposant à la violence ou au chantage face à des puissances qui conserveraient ou développeraient leurs armes nucléaires, tirant profit du déséquilibre stratégique ainsi créé. Pour toutes ces raisons, la France n'a pas participé aux négociations du Traité d'interdiction des armes nucléaires (TIAN) et n'entend pas y adhérer. La France poursuivra ses efforts vers un désarmement global, progressif, crédible et vérifiable autour de l'agenda énoncé par le Président de la République, lors de son discours sur la stratégie de défense et de dissuasion à l'Ecole de Guerre le 7 février 2020 : le respect strict du TNP, l'enclenchement des négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles pour les armes (FMCT), l'universalisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE), la poursuite des travaux sur la vérification du désarmement nucléaire et le lancement de travaux concrets sur la réduction des risques stratégiques.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Inscription
ou
Connexion