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Jérôme Guedj
Question N° 9575 au Secrétariat d'état à la biodiversité


Question soumise le 4 juillet 2023

M. Jérôme Guedj appelle l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la privatisation de nappes phréatiques par la multinationale Coca-Cola sur la commune de Grigny. Depuis la fin du mois d'avril 2023, la mairie de Grigny dans l'Essonne a engagé des pourparlers avec la multinationale américaine Coca-Cola afin de mettre fin à l'exploitation par son usine, à des fins commerciales, d'une nappe phréatique de la commune. Plus grand site de production de Coca-Cola en France, le site de production de Grigny pompe, depuis son installation en 1986, près de 730 000 m3 d'eau par an afin de produire les bouteilles Coca, Fanta ou Sprite ensuite vendues dans toutes l'Île-de-France. Cette privatisation d'une nappe phréatique de l'Yprésien est aujourd'hui parfaitement légale. En effet, étant propriétaire du terrain sur lequel elle est implantée, l'entreprise a le droit « de disposer librement des eaux de source et des nappes souterraines se trouvant en dessous », comme l'explique la préfecture de l'Essonne. Disposant aujourd'hui d'une autorisation préfectorale l'autorisant à prélever jusqu'à 1 200 000 m3 d'eau par an au sein de cette nappe phréatique, Coca-Cola dispose donc de l'aval de l'État pour privatiser ce bien commun. Pourtant, alors que les sécheresses s'intensifient, les nappes phréatiques apparaissent aujourd'hui comme un bien précieux. Cela est d'autant plus vrai que, comme le souligne le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), le sud du Bassin parisien souffre actuellement de « recharges » de pluie insuffisantes, ce qui fait planer le risque d'une sécheresse très forte à l'été 2023 sur nombreux de départements français, dont l'Essonne. Du fait des risques importants qui planent sur le pays et des conséquences graves que cela a sur la vie des concitoyens, il apparaît que ce type de situation est une anomalie écologique et économique incompréhensible. Plus généralement, comme l'a rappelé lui-même le Président de la République à l'occasion de son discours du 30 mars 2023 au sujet du plan Eau du Gouvernement, on a une ressource en eau renouvelable qui a fortement baissé avec -14 % en France métropolitaine si on compare la période 1990-2001 avec la période 2002-2018. Sur ce point, le GIEC annonce aussi que l'on connaîtra dans les prochaines années une baisse 10 à 40 % du débit des rivières, de 15 à 25 % de la quantité de pluies en été et de 10 à 25 % du niveau des nappes phréatiques. Face à cela, il faut protéger au plus vite l'ensemble des ressources en eau du pays et mettre rapidement en place des mesures pour agir en ce sens. Si l'entreprise Coca-Cola et la ville de Grigny ont engagé des discussions afin de mettre fin à cette situation et raccordé l'usine américaine au réseau d'eau potable de la ville, cette situation n'est en réalité qu'un exemple parmi d'autres des cas de privatisation des ressources en eau potable par des acteurs privés à des fins commerciales. Aussi, il souhaite savoir s'il a prévu de se saisir de ce sujet et si des mesures législatives en la matière vont être mises en place dans les plus brefs délais afin de mettre fin à toutes situations de privatisation des ressources en eau du pays par des acteurs privés pour servir leurs intérêts économiques.

Réponse émise le 16 janvier 2024

Le Plan eau, annoncé par le Président de la République le 30 mars 2023, vise une diminution d'au moins 10% des prélèvement d'eau d'ici 2030 à l'échelle nationale. La première mesure de ce plan prévoit que toutes les filières économiques établissent leur plan de sobriété hydrique pour y contribuer. Ce plan prévoit également l'accompagnement de 50 sites industriels avec le plus fort potentiel de réduction et l'installation de compteurs avec télétransmission des volumes prélevés pour les installations soumises à autorisation environnementale (déploiement progressif de 2024 à 2027). Ce plan comprend aussi la fin progressive des autorisations de prélèvement non soutenables pour les écosystèmes dans les bassins versants en déséquilibre quantitatif. L'autorisation de prélèvement accordée par le préfet pour l'usine Coca-Cola implantée à Grigny a fait l'objet d'une étude d'impacts hydrogéologiques. Cette autorisation prévoit un prélèvement maximal de 1,2 million de m3 par an. En 2022, cet exploitant a prélevé 754 000 m3 (700 000 m3 en 2021). Seule une étude technique approfondie est de nature à permettre de déterminer le niveau de sensibilité comparé des deux ressources en eaux, et ainsi définir le niveau de prélèvement acceptable de Coca-Cola dans ce réseau. L'eau de ville du secteur est issue de la potabilisation d'eau puisée dans la Seine. La Seine est également un milieu sensible pour l'alimentation en eau potable. À Grigny, la nappe qui alimente le site Coca-Cola est, par ailleurs, proche de la Seine, qui constitue un exutoire de la nappe par équilibre des pressions. Les deux sources possibles (la Seine ou les eaux souterraines) sont donc étroitement liées. Enfin, l'arrêté d'autorisation de l'usine Coca-Cola, comme pour chaque installation classée pour la protection de l'environnement qui prélève des volumes importants d'eau, prévoit des mesures spécifiques liées à la sècheresse allant de la sensibilisation des salariés jusqu'à l'arrêt de tout ou partie des prélèvements. Un arrêté ministériel a été publié en juin 2023 pour encadrer au niveau national les restrictions de prélèvements d'eau des installations classées pour l'environnement (ICPE) en fonction de la sévérité de la sécheresse. Il existe ainsi un ensemble d'outils pour préserver la ressource en eau, en particulier à Grigny.

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