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François Ruffin
Question N° 97 au Ministère auprès de la ministre de l’europe


Question soumise le 12 juillet 2022

M. François Ruffin interroge M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger : va-t-il laisser signer, dans le dos des Français, un accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande ? Alors que l'agriculture, là-bas, recourt à l'atrazine, au Diflubenzuron, aux tourteaux de palme ? M. le député exige un débat public. « Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie au fond, à d'autres, est une folie ». Ainsi s'exprimait le Président de la République, Emmanuel Macron, au cœur de la crise covid, en mars 2020 : la mondialisation à tout prix était une folie, qu'il fallait réguler. Cette semaine, pourtant, après le Japon, Singapour, le Vietnam, le Mexique, le Canada, l'Union européenne s'apprête à signer un nouvel accord de libre-échange : avec la Nouvelle-Zélande, cette fois. Ce texte sera-t-il discuté à l'Assemblée, au Sénat, devant les parlements des pays membres ? Sera-t-il validé par les citoyens ou leurs représentants ? Il ne semble pas. L'étape démocratique, on s'en passera. Que contient le texte, d'ailleurs ? Quelles décisions pour l'industrie, pour l'agriculture, pour les services ? On l'ignore. Seules des bribes ont filtré : des milliers de tonnes de produits laitiers, de viandes ovines, bovines, proviendront depuis l'autre bout du monde. Ce texte respectera-t-il les « clauses miroirs », vantées par la France durant sa présidence ? En gros : que les normes européennes s'appliquent aux produits importés, provenant d'ailleurs, pour assurer à la fois protection de l'environnement, la santé des consommateurs, une concurrence équitable entre producteurs ? Pas du tout. Ainsi, comme le relèvent les professionnels de la viande et du lait : la Nouvelle-Zélande autorise l'atrazine. C'est un herbicide qui contamine l'eau, classé « produit nocif » pour l'homme, interdit en France et en Europe depuis 2003 et qui pourtant, vingt ans plus tard, continue de polluer les rivières ! Eh bien, les éleveurs néo-zélandais pourront exporter vers le continent européen leur lait, leur beurre, leurs vaches, tout en déversant cette molécule dans les sols. Idem pour le Diflubenzuron, classé possible cancérogène, l'Union européenne a interdit l'usage de ce pesticide en janvier 2021. En Nouvelle-Zélande, cette substance est utilisée en élevage ovin, tant sur les prairies que sur les animaux, de façon routinière. Ou encore, les tourteaux de palme, une monoculture qui cause, on le sait, la déforestation dans les forêts d'Asie du Sud-Est. La Nouvelle-Zélande en est, aujourd'hui, le premier importateur mondial, notamment pour alimenter ses vaches laitières. L'Union européenne va-t-elle prétendre protéger les forêts et signer un accord de libre-échange qui contribue à leur destruction ? De même, enfin, pour le bien-être animal. Aucune loi, en Nouvelle-Zélande, ne fixe d'exigence quant à la durée de transport. C'était il y a près de cinq ans, lors du précédent mandat, le président de la Fédération nationale bovine était auditionné par les députés à l'occasion des États généraux de l'alimentation : « Qu'attend-on de nous ? lançait Bruno Dufayet. Vous voulez la compétition, le modèle néo-zélandais ? On le fera. Une agriculture familiale de proximité, qui intègre le bien-être animal ? On le fera. Vous voulez tout à la fois ? C'est aux Français et à vous, les politiques, de fixer un cap ». Pour sa part, M. le député a choisi. Et ce n'est pas la compétition face au modèle néo-zélandais, avec atrazine, Diflubenzuron et tourteaux de palme. Il lui demande une chose simple : au nom de la France, suspendre cet accord, le rendre public et le présenter à l'Assemblée nationale, au Sénat, afin que sa signature, ou non-signature, soit précédé d'un débat démocratique.

Réponse émise le 22 novembre 2022

La France a soutenu les négociations conduites par l'Union européenne avec la Nouvelle-Zélande depuis leur lancement en 2018 : la Nouvelle-Zélande est un partenaire stratégique dans l'Indopacifique, qui partage notre ambition pour le développement durable et pour un commerce plus durable à l'échelle mondiale. Son marché représente des opportunités économiques intéressantes pour nos entreprises. Sur le plan économique, alors que la France a régulièrement un excédent commercial avec la Nouvelle-Zélande, cet accord devrait ouvrir de nouvelles opportunités pour nos entreprises et consolider nos parts de marché, notamment dans les secteurs exportateurs de biens et de services comme les véhicules, les vins et spiritueux, les produits pharmaceutiques et le luxe. Il devrait également améliorer notre accès aux marchés publics néo-zélandais. Nous avons par ailleurs activement œuvré à la protection de nos filières agricoles sensibles. Nous avons obtenu que cet accord les protège contre des ouvertures trop importantes en excluant des libéralisations complètes et en prévoyant des contingents au volume limité, ouverts progressivement, ainsi que la définition de règles d'origine strictes. Nous serons particulièrement vigilants au suivi des dispositions négociées et à leur mise en œuvre. Sur le plan du développement durable, la Nouvelle-Zélande est un partenaire qui partage pleinement nos valeurs, en particulier sur le plan climatique. L'accord est le plus ambitieux jamais négocié par l'UE sur ce point. Il met en œuvre l'alignement de notre politique commerciale avec notre action climatique, environnementale et sociale, reprenant le souhait émis par la France de faire de la politique commerciale un levier pour notre ambition en matière de développement durable. Il intègre l'Accord de Paris comme élément essentiel, prévoit des sanctions commerciales en dernier ressort en cas de violation des principaux engagements en matière de développement durable et intègre des dispositions sur l'égalité des genres, les subventions aux énergies fossiles, l'économie circulaire ou la lutte contre la déforestation. Sur ce dernier point, la Nouvelle-Zélande est consciente des enjeux de déforestation : plus de 60 % de la forêt naturelle du pays est protégée et n'admet aucune exploitation. Les produits forestiers néozélandais proviennent essentiellement de forêts de plantation. En outre, le futur règlement européen sur la lutte contre la déforestation, sur lequel les Etats membres de l'UE sont parvenu à un accord au Conseil le 28 juin 2022, interdira très bientôt la mise sur le marché européen de tourteaux de palmiste issus de la déforestation. Cette interdiction s'appliquera également aux importations indirectes de tourteaux de palmistes via les importations de produits animaux couverts par le règlement comme la viande de bœuf. L'accord avec la Nouvelle-Zélande présente en outre une avancée supplémentaire en matière de cohérence des politiques européennes : pour la première fois dans un accord commercial, les concessions sur la viande bovine seront soumises à une conditionnalité liée à un cahier des charges précis (bovins élevés à l'herbe en plein air). Cette exigence va au-delà de ce que nous imposons à nos producteurs, et cela garantira que seule de la viande bovine de haute qualité bénéficiera des préférences de l'accord. Par ailleurs, il nous faut rappeler que tout produit importé dans l'Union européenne doit être sûr, ne représenter aucun danger pour la santé des consommateurs et être conforme à la législation sanitaire et phytosanitaire (SPS) de l'UE. Cet accord, comme tous les accords de commerce de l'UE, ne remet pas en cause le principe selon lequel tout produit qui entre dans l'UE doit être conforme à ses normes et standards. Ainsi, les limites maximales de résidus (LMR) pour l'atrazine et le diflubenzuron ont été fixées dans l'UE au seuil de quantification et s'appliquent à tous les produits importés, y compris ceux provenant de Nouvelle-Zélande. Enfin, cet accord respecte le cadre démocratique fixé pour sa négociation et son contrôle. D'une part, la Commission l'a négocié sur la base d'un mandat délivré par le Conseil, dont le respect a été régulièrement vérifié par ce dernier au cours des quatre années de négociation. D'autre part, la signature de l'accord ne sera possible qu'après autorisation du Conseil, ce qui permettra à chaque Etat membre de vérifier que le contenu de l'accord est conforme à ses intérêts. Enfin, et surtout, l'accord sera soumis à la ratification du Parlement européen, qui a lui aussi été informé régulièrement de l'avancée des négociations et qui a pu manifester à l'occasion des auditions de la Commission ses attentes sur ce sujet. Ce n'est qu'après cette ratification que l'accord pourra être formellement conclu et entrer en vigueur.

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