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Farida Amrani
Question N° 9708 au Ministère des ministère de l’Europe et des affaires étrangères


Question soumise le 4 juillet 2023

Mme Farida Amrani appelle l'attention de Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'activité de Carrefour dans les colonies israéliennes en Cisjordanie. En mars 2022, la société française Carrefour a signé un partenariat avec deux sociétés israéliennes, Electra Consumer Products et Yenot Bitan, dans le but de développer ses activités économiques en Israël. Alors que la colonisation constitue un crime de guerre selon le droit international et les différentes conventions de Genève, la colonisation de la Palestine par Israël a été dénoncée par l'Organisation des Nations unies (ONU), via la résolution 2334 du Conseil de sécurité de décembre 2016. Les magasins de Yenot Bitan sont actuellement présents dans certaines colonies israéliennes et la société Electra Consumer Products agit indirectement en faveur de la colonisation. En effet, cette dernière entreprise est détenue par la holding israélienne Elco Ltd, dont la filiale Electra Ltd participe à la colonisation via la construction et l'entretien d'infrastructures coloniales. À cet égard, il convient de rappeler que Electra Ltd figure sur la liste des 112 entreprises participant à la colonisation, établie par l'ONU en 2020. L'accord économique signé par Carrefour lui permet déjà de distribuer ses produits dans l'ensemble des magasins de ses partenaires israéliens. Selon un rapport publié en novembre 2022 par sept ONG et syndicats (l'Association France Palestine solidarité, Al-Haq, la Confédération générale du travail, la Fédération commerces et services de la CGT, la Ligue des droits de l'Homme, la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine et l'Union syndicale Solidaires), l'accord signé par le groupe Carrefour rendrait ce dernier complice de la colonisation. Ce partenariat serait une preuve que Carrefour ignorerait ses obligations juridiques et éthiques. Dans le cadre de la loi sur le devoir de vigilance des entreprises promulguée le 27 mars 2017, le plan de vigilance adopté par Carrefour est insuffisant et ne prévoit pas la protection des populations autochtones. Dans la situation présente, il n'y a pas d'alternative mais une seule solution : Carrefour doit mettre un terme à ce partenariat qui contredit le droit international et qui entraînera des conséquences extrêmement négatives sur l'image de Carrefour dans le monde. Plus généralement, le Gouvernement doit renforcer ses recommandations aux entreprises concernant les risques juridiques et réputationnels qu'elles prennent en s'associant à la colonisation et défendre la fin du commerce entre l'Union européenne et tous les territoires colonisés. Dans le contexte politique israélien dans lequel le développement de la colonisation est le premier point de l'accord de gouvernement ayant établi le gouvernement actuel, la France et l'Union européenne doivent prendre toutes leurs responsabilités face à cette situation inacceptable. Elle lui demande ce qu'elle va entreprendre en ce qui concerne le cas spécifique des liaisons commerciales qu'entretient Carrefour avec des entreprises israéliennes liées à la colonisation et plus généralement, pour que les entreprises françaises et européennes intègrent le respect du droit international et des droits humains dans leur politique de responsabilité sociale et environnementale, en conformité avec leur devoir de vigilance établi par la loi.

Réponse émise le 26 mars 2024

La France, comme nombre d'Etats, considère que la politique de colonisation menée par Israël est illégale au regard du droit international, y compris la résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité, qu'elle nuit à la recherche d'une paix juste et durable et menace la solution des deux États. La colonisation fait en outre peser un risque d'annexion par le fait accompli et contribue à l'aggravation des tensions sur le terrain. La France condamne régulièrement les annonces et les incidents liés à la colonisation, en Cisjordanie comme à Jérusalem-Est. La France appelle, dans ses contacts politiques et diplomatiques comme publiquement, les autorités israéliennes à reconsidérer ces décisions et à abandonner cette politique de colonisation afin de préserver la solution des deux États. La France a pris des sanctions contre les colons extrémistes et violents et souhaite que des sanctions similaires soient également prises au niveau de l'Union européenne. La France informe également les entreprises françaises et les sensibilise aux risques juridiques, économiques et réputationnels, qu'elles encourent en poursuivant des projets dans les colonies israéliennes, qui sont illégales au regard du droit international. Ainsi, la France a publié en coordination avec ses partenaires européens des messages clairs à l'attention des citoyens et des entreprises qui seraient engagés dans des activités économiques ou financières dans les colonies israéliennes, ou envisageraient de le faire. Ces messages leur sont rappelés régulièrement par l'ensemble des services concernés. Il convient de rappeler, de manière générale, que la responsabilité de la France ne saurait être engagée à raison d'activités d'entreprises françaises qui ne lui sont pas attribuables. Plus généralement, la France s'engage pour un renforcement de la conduite responsable des entreprises en France comme des entreprises françaises à l'international. Dans le cadre du dispositif existant sur la responsabilité des entreprises françaises : - au plan national, les entreprises françaises sont tenues au devoir de vigilance en matière de violations des droits de l'Homme, droits sociaux, santé et sécurité au travail et d'environnement, conformément aux dispositions de la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre ; - à l'échelle de l'Union européenne, la France a été particulièrement engagée dans les négociations relatives à un projet de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité qui est désormais au stade des trilogues ; - au plan international, plusieurs textes établissent des standards de diligence raisonnable pertinents pour identifier, gérer et prévenir les risques d'impacts négatifs sur les droits de l'Homme. Il s'agit en particulier, des Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales mis à jour en 2023, du Guide de l'OCDE sur le devoir de diligence (2018), de la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale de l'OIT (2017), des Conventions fondamentales de l'Organisation internationale du travail (OIT) et des Principes directeurs de l'ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l'Homme (2011).

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