Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du 28 septembre 2016 à 21h30
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique — Article 43

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques :

Un peu d’histoire d’abord, pour comprendre notre proposition. La loi Pinel établissait un seuil de 10 salariés pour l’artisanat, un décret assurant un droit de suite. Les avis du Conseil d’État ont élevé ce seuil à un maximum de 20 salariés. Pourtant les artisans, même avec 25 ou 30 salariés, continuent de se percevoir comme tels. La qualité d’artisan est en effet définie par des caractéristiques précises : forme précise de manufacture, responsabilité de l’entrepreneur engagée directement, corps de métiers, savoir-faire, tradition, marque française, à laquelle nous sommes extrêmement attachés…

Cet artisanat peut conduire à de belles réussites, incluant une part d’export, d’innovation, de modernité, inventant l’économie du futur. Ses représentants demandent à rester artisans, tout en pouvant bénéficier des services d’une chambre de commerce et d’industrie – CCI.

Le décret de la loi Pinel n’a jamais été publié, tant le seuil envisagé semblait créer un inconfort, une indécision qui n’avait pas été tranchée jusqu’à présent. Sophie Errante avait proposé d’établir un droit de suite infini : ainsi, une entreprise de 1 000 salariés aurait pu se réclamer de l’artisanat et rester affiliée à la chambre de métiers et de l’artisanat – CMA. Cela n’avait pas de sens. C’est pourquoi nous avons commencé une réflexion, le Sénat rétablissant la proposition de la loi Pinel.

Ce va-et-vient devait être tranché. Avec le sénateur Daniel Grémillet, nous avons pris l’initiative de réunir les deux parties, chambres de commerce et d’industrie et chambres de métiers, pour chercher un éventuel terrain d’entente. Force a été de constater que, pour des raisons que nous respectons profondément, celles-ci étaient en désaccord. En effet, les chambres de commerce et d’industrie visent à rassembler le plus grand nombre possible d’entreprises, voire leur totalité, comme elles l’affirment assez clairement, tandis que les chambres de métiers souhaitent garder leur spécificité. Ce n’est pas seulement le combat des petits contre les gros, mais d’un mode d’entreprise contre un autre – un mode patrimonial, de savoir-faire, d’implication personnelle opposé à d’autres modes tout aussi respectables, ne voyez pas de jugement dans mes propos.

Ayant, en tant que législateur, à trancher sur ces sujets, nous avons besoin d’un peu de temps et de mesures d’impact afin d’évaluer le bon seuil, un seuil raisonnable qui n’est ni l’infini, ni les 15 ou 20 salariés de la loi Pinel.

J’ai donc proposé de fixer une fourchette basse dans cette assemblée, pour permettre à la navette parlementaire d’affiner ce seuil. Un accord a rapidement été trouvé avec Daniel Grémillet, sur ce sujet comme sur tous les autres points. Une fourchette de 30 à 50 salariés nous paraissait raisonnable. Lorrains tous deux, nous avons tenté de déterminer si plusieurs entreprises que nous connaissions relevaient de l’artisanat ou de la chambre de commerce et d’industrie. Nous étions d’accord sur tous les exemples. C’est cette intuition qui a permis d’établir cette fourchette.

J’ai donc déposé une proposition à 30 salariés, étant entendu que le Sénat affinerait ensuite le chiffre, grâce à des mesures d’impact. Les choses s’accélèrent aujourd’hui avec une proposition du Gouvernement, à l’avis duquel je me rangerai car je n’ai pas l’expertise suffisante pour choisir entre 30, 40 ou 50 salariés.

J’ai souhaité débloquer la situation, plutôt dans le sens de l’attente des chambres de métiers, mais tout en entendant la position des chambres de commerce et d’industrie. Notre société ne peut admettre ni doublon ni concurrence entre structures. Comme le préconisaient les députées Catherine Vautrin et Monique Rabin dans leur rapport, nous devons renforcer les mutualisations entre les CCI, les CMA et même les chambres d’agriculture d’un territoire, autour des agences de développement, des grandes communautés de communes, des métropoles et des pôles métropolitains. À coup sûr, il nous faut mutualiser, notamment s’agissant des centres de formalités des entreprises, faciliter les transmissions, utiliser les plateformes existantes, éviter les concurrences. Certains parlent d’une fusion, mais il n’est pas certain que nous puissions unir sans absorber. En revanche, mutualiser, il le faut, à coup sûr.

Cette mesure ne vise donc pas à séparer, à diviser. Elle sert à sortir d’une guerre de tranchées qui a trop duré, à fixer un seuil raisonnable. J’ai proposé 30 salariés, en laissant le débat ouvert au Sénat. Je vous demande donc, chers collègues, d’adopter cet amendement comme un point de départ. Je me rangerai au point d’arrivée qui sera suggéré soit par les sénateurs, soit par le Gouvernement dans quelques instants.

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