Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 6 décembre 2016 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la justice :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis heureux de pouvoir vous présenter le rapport sur la mise en oeuvre de la loi du 15 août 2014.

Vous l'avez dit, ce rapport procède de l'article 56 de la loi précitée. Nous avons donc réalisé le bilan qu'elle prévoit et évoqué les perspectives qui en découlent, en un rapport que nous avons remis aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Avant d'aborder son contenu, j'aimerais vous dire ce que ce rapport n'est pas : ce n'est pas un catalogue, qui énumérerait chacune des mesures adoptées par la loi. Ce ne serait pas opportun, puisque certaines mesures n'appellent pas nécessairement de bilan et sont très techniques. Je pense par exemple à l'assouplissement des conditions d'octroi de la suspension de la peine pour raison médicale. Nous avons donc choisi de nous concentrer sur les dispositions essentielles.

Chacun de nous se rappelle quelles étaient les ambitions de ma prédécesseure, Mme Christiane Taubira, quand elle déposa son projet de loi sur le bureau de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2013. Le texte a été imaginé, écrit et adopté pour répondre à une unique préoccupation : prévenir durablement les risques de récidive, dans une optique que son intitulé résume bien : « Individualisation des peines et efficacité des sanctions pénales ».

Ce texte a fait l'objet de débats longs et denses : trente orateurs sont intervenus lors de la discussion générale, et huit séances dans l'hémicycle ont été nécessaires pour son adoption en première lecture par l'Assemblée en juin 2014.

Je salue le travail remarquable mené par M. Dominique Raimbourg en tant que rapporteur de ce projet de loi, mais aussi comme rapporteur de la mission sur la surpopulation carcérale, dont le rapport avait largement nourri le texte du projet. Dans ce rapport, monsieur le président, vous aviez mis en évidence le paradoxe selon lequel le droit pénal est certainement le pan du droit le plus visible pour nos concitoyens, alors que les évolutions récentes l'ont rendu rigide et complexe, en raison de la multiplicité et de l'éparpillement des dispositions relatives au droit de l'exécution des peines – je rappelle qu'entre 2002 et 2012, près de soixante textes de nature pénale ont été discutés par le Parlement. Tout au long des échanges que nous avions eus à l'époque, vous aviez inlassablement cherché, en tant que rapporteur du projet de loi, à redonner de la cohérence au droit pénal et de l'efficacité à la prévention de la récidive.

Pour ce faire, il a fallu articuler différents impératifs : restaurer le principe de l'individualisation de la peine ; renforcer le milieu ouvert en créant de nouvelles peines ; éviter les sorties de prison sans contrôle ni suivi ; assurer une meilleure efficacité de la sanction pénale en cas de non-respect par une personne des termes de sa condamnation ; rendre effectifs les droits des détenus ; garantir et conforter les droits des victimes ; enfin, promouvoir la justice restaurative – un mouvement novateur amorcé il y a une trentaine d'années dans un grand nombre de pays, et que la France n'avait pas encore totalement traduit sur le plan législatif.

Je vais maintenant évoquer les principales mesures de la loi afin d'en faire le bilan.

La première mesure concerne la probation, dont il faut rappeler qu'elle concerne, avec le suivi des personnes placées sous main de justice en milieu libre, trois fois plus d'individus qu'il n'y en a en détention. La probation peut notamment être mise en oeuvre sous forme d'un sursis avec mise à l'épreuve – cela représente 76 % des mesures exécutées –, d'un placement sous surveillance électronique ou encore d'une libération conditionnelle.

Si la probation est un élément extrêmement important de notre politique pénale, nous savons tous ici que les peines exécutées dans ce cadre restent pour l'essentiel méconnues et qu'elles souffrent d'un manque de crédibilité. Elles sont pourtant bien plus efficaces que les courtes peines d'emprisonnement, lesquelles, compte tenu des conditions actuelles d'incarcération, ne sont pas des garanties avérées en matière de lutte contre la récidive.

Une nouvelle peine de probation a donc été créée : la peine de contrainte pénale, pensée comme une alternative aux courtes peines d'emprisonnement et s'exécutant donc en milieu ouvert. Pour reprendre les mots prononcés par Mme Élisabeth Pochon lors de la discussion générale, il ne s'agit pas d'une « peine par défaut », mais bel et bien d'un « instrument de lutte contre la récidive ».

L'esprit de cette mesure était de favoriser la sortie de délinquance du condamné. Pour une réinsertion complète de celui-ci, il fallait s'appuyer sur deux dimensions : d'une part, la personnalisation de la sanction pénale ; d'autre part, la mise en place d'un accompagnement socio-éducatif immédiat, individualisé, soutenu et pluridisciplinaire.

De l'entrée en vigueur de la loi jusqu'au 30 septembre 2016, 2 287 contraintes pénales ont été prononcées par les différentes juridictions. Si nous examinons ce chiffre de plus près, nous constatons que 35 % des cas concernent des infractions relatives au contentieux routier, 32,2 % des atteintes aux personnes, 20 % des atteintes aux biens et un peu plus de 7 % des infractions à la législation sur les stupéfiants. Les durées les plus fréquemment prononcées sont de deux ans – dans 50 % des cas –, et trois ans – dans 20 % des cas.

Pour ce qui est des personnes condamnées, il s'agit la plupart du temps de récidivistes et de réitérants, mais aussi de primo-délinquants pour lesquels le tribunal estime que le risque de récidive ou de réitération est important. Ainsi, par exemple, cette peine est-elle souvent prononcée lorsque les magistrats ont identifié une problématique d'addiction.

De manière plus générale, pour les juridictions, la contrainte pénale semble adaptée en cas de cumul de difficultés sociales, professionnelles et personnelles, qui justifient un étayage pluridisciplinaire et un suivi renforcé. Surtout, seules 15,3 % des personnes condamnées à une contrainte pénale ont été de nouveau écrouées durant l'exécution de cette peine – dont certaines pour des faits antérieurs.

Évidemment, ces simples chiffres ne constituent pas une réflexion. Deux ans seulement après le prononcé des premières contraintes pénales, nous ne disposons pas du recul nécessaire pour évaluer la totalité de leurs effets. On relève par exemple qu'au 30 septembre, 11 % des tribunaux de grande instance (TGI) n'avaient encore prononcé aucune contrainte pénale.

Les chiffres nous paraissent toutefois témoigner d'un développement encourageant de cette mesure, mise en oeuvre selon des modalités diverses et adaptables, qui ont requis une forte mobilisation de la part des juridictions. Vous pourrez prendre connaissance, dans le rapport, d'exemples de démarches originales conduites par les chefs de juridiction, les chefs de service ou les directeurs des services pénitentiaires, dans le but de favoriser le développement de la contrainte pénale. Car c'est un autre constat : quand la contrainte pénale est prononcée, son usage est très intensif. Ainsi, vingt-quatre TGI sont à l'origine de la moitié des contraintes pénales.

Pour autant, nous sommes loin des attentes exprimées dans le cadre de l'étude d'impact du projet de loi. Sans doute cela s'explique-t-il par certains facteurs, à commencer par l'incertitude portant sur l'application dans le temps de la nouvelle peine, qui a pu inciter les juridictions correctionnelles à ne pas la prononcer pour des faits commis avant son entrée en vigueur. Cette incertitude a duré près d'un an avant d'être levée par un arrêt d'avril 2015 de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Par ailleurs, les magistrats n'ont pas toujours été en mesure d'identifier, parmi les personnes poursuivies, celles dont la situation était susceptible de justifier un accompagnement renforcé dans le cadre d'une contrainte pénale, par manque d'éléments de personnalité suffisants portés à leur connaissance au moment de l'audience.

Le dispositif prévu en cas de manquement du condamné aux obligations de la contrainte pénale est souvent perçu, au sein des juridictions, comme complexe en ce qu'il nécessite la saisine du président de la juridiction ou d'un juge par lui délégué pour la mise à exécution de l'emprisonnement encouru. En outre, au regard du caractère non exécutoire par provision de la décision de mise à exécution de l'emprisonnement encouru, cette procédure pouvait paraître comme peu efficace.

La limitation initiale du champ d'application de la nouvelle peine aux délits pour lesquels un maximum de cinq années d'emprisonnement est encouru a empêché son prononcé à l'encontre de personnes pour lesquelles elle aurait pu constituer une sanction appropriée – je pense aux infractions en matière de stupéfiants.

Enfin, j'évoquerai deux raisons très concrètes. Premièrement, les délais incompressibles de recrutement et de formation des personnels n'ont pas permis le renfort immédiat en effectifs qui était indispensable pour le bon fonctionnement des dispositifs de suivi – les effectifs attendus sont désormais en place. Deuxièmement, le logiciel CASSIOPEE n'a pas pu être mis à jour immédiatement, faute d'avoir différé suffisamment l'entrée en vigueur pour prendre en compte cette nouvelle peine.

Au vu de ces différents éléments, faut-il envisager une évolution normative ? Si nous ne pensons pas qu'il faille légiférer, une adaptation réglementaire pourrait être mise en oeuvre.

Ainsi, afin de favoriser l'action concertée des différents acteurs de la justice pénale, une piste a été évoquée par vous, monsieur le président, celle de la consécration des commissions d'exécution des peines, instances opérationnelles ayant pour objet initial de mettre en oeuvre, au sein de chaque juridiction, les mesures nécessaires à l'amélioration de la célérité de l'exécution des peines. Consacrer l'existence de ces commissions par voie réglementaire pourrait être utile afin d'assurer l'harmonisation des pratiques des juridictions en insistant sur la présence essentielle des juges correctionnels, susceptibles d'être ainsi davantage sensibilisés aux problématiques d'exécution et d'application des peines.

La deuxième mesure créée par la loi de 2014 en matière d'aménagement de la peine est la libération sous contrainte. Elle peut être exécutée, selon la décision du magistrat, suivant trois régimes : le placement sous surveillance électronique – prononcé dans 43 % des cas –, la semi-liberté – dans 29 % des cas – ou la libération conditionnelle – dans 24 % des cas.

Cette mesure a été imaginée pour limiter les sorties « sèches », facteur avéré de récidive. Dès lors, elle a été vue comme une modalité d'exécution du reliquat de peine. L'octroi de ce reliquat devient le principe, qui favorise les possibilités de sorties anticipées, en dehors de tout projet d'insertion concrétisé.

Les modalités de prise en charge sont ainsi adaptées à la situation individuelle du condamné. L'intérêt de la préparation de la libération sous contrainte était de susciter l'adhésion de la personne condamnée. L'ambition était de la rendre actrice de son parcours d'exécution de peine et de donner ainsi du sens à l'emprisonnement – même dans les cas où la personne concernée n'aurait pas émis le souhait d'une sortie anticipée, dans le cadre d'un aménagement de peine. L'objectif était bien de mobiliser la personne détenue dans le cadre de la préparation de sa sortie.

Depuis le début de l'année 2015, 6 492 libérations sous contrainte ont été octroyées, soit une moyenne de 309 par mois. Est-ce beaucoup, est-ce peu ? Si l'on procède à un rapprochement avec un dispositif comparable, au moins dans son esprit, au mois de septembre, le nombre de libérations sous contrainte était supérieur au nombre de surveillances électroniques de fin de peine (SEFIP) comptabilisées en septembre 2014 ou en septembre 2013.

L'entrée en vigueur de la libération sous contrainte a engendré une forte hausse de l'activité des commissions de l'application des peines. Par exemple, le TGI d'Évry, dont dépend la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, est, à lui seul, à l'initiative de près de 8 % des libérations sous contrainte prononcées. Le nombre d'ordonnances rendues en commission de l'application des peines dans cet établissement a ainsi progressé de plus de 40 %, ce qui témoigne de la nécessaire mobilisation des personnels et des services.

Pour ce qui est du contenu de la libération sous contrainte, le régime du placement sous surveillance électronique prédomine pour l'exécution de la mesure, mais la semi-liberté et la libération conditionnelle sont également mobilisées. Cette répartition équilibrée des modalités d'exécution vient, de notre point de vue, confirmer l'intérêt de la mesure.

La durée moyenne d'une libération sous contrainte est de 81 jours.

Même si la libération sous contrainte, contrairement à l'aménagement de peine, ne nécessite pas de projet d'insertion et repose sur la fixation d'un ou de plusieurs objectifs, certaines personnes détenues ne se mobilisent pas. Le rapport pointe le fait que le recueil du consentement, effectué selon des modalités très diverses en pratique, est parfois réalisé dans des conditions ne favorisant pas l'adhésion des personnes condamnées. C'est notamment le cas du simple renvoi d'un formulaire, alors qu'un entretien permettrait sans doute de donner des informations complémentaires, permettant de susciter une éventuelle adhésion de la personne détenue à la proposition de libération sous contrainte.

Cela montre, de mon point de vue, que le travail autour de l'adhésion de la personne doit être mené par les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), qui doivent avoir les moyens d'exercer cette indispensable activité.

Au regard de la situation actuelle, une évolution est-elle nécessaire ? Nous en avons identifié une, de nature législative, qui consisterait à supprimer l'exigence d'un examen par la commission de l'application des peines de la situation des personnes condamnées ayant fait connaître leur refus de bénéficier d'une libération sous contrainte : quand une personne a choisi de ne pas bénéficier de cette mesure, il ne sert à rien de demander à la commission de l'application des peines d'étudier sa situation. Supprimer cette procédure allégerait la tâche d'instances particulièrement sollicitées, sans nuire au droit des personnes condamnées.

La troisième mesure que je souhaite évoquer est celle du suivi post-libération, visant à répondre à l'objectif du législateur : faciliter la réinsertion et prévenir la récidive. S'il n'y a ni libération sous contrainte, ni libération conditionnelle, un suivi judiciaire est en effet utile, voire indispensable, pour le temps correspondant aux réductions de peine octroyées.

À ce jour, 202 suivis post-libération ont été recensés. Particulièrement souple, cette mesure s'applique à l'ensemble des personnes condamnées détenues, quel que soit le quantum de la peine prononcée. Elle n'est en outre soumise à aucune condition de fond. Sa seule exigence réside dans l'objectif qui doit lui être assigné, à savoir la réinsertion de la personne condamnée et la prévention de la récidive – c'est d'ailleurs à cette seule fin que les magistrats l'utilisent.

Cependant, pour être efficace, le suivi post-libération suppose, dans un premier temps, qu'un travail d'identification puisse être effectué en amont ; dans un second temps, qu'un suivi effectif soit mis en place à la libération, le profil des condamnés justifiant une vigilance renforcée.

Enfin, en introduisant dans le code de procédure pénale un nouvel article – l'article 10-1, dédié à la justice restaurative –, la loi du 15 août 2014 a consacré un mouvement novateur, né à l'étranger il y a une trentaine d'années. L'objectif de la justice restaurative est d'apporter une réponse complémentaire au procès pénal, en vue de restaurer le lien social endommagé par l'infraction. Cela a nécessité un double travail qui ne s'inscrivait pas d'emblée dans les schémas procéduraux français : il a fallu d'abord la construction d'une définition transposable en droit français, suivie d'un temps d'appropriation par l'ensemble des acteurs de la chaîne pénale.

Concrètement, la justice restaurative met en oeuvre différentes mesures, qui associent la victime, l'auteur et la société. Cette approche donne aux victimes un rôle moteur, en les faisant participer au processus de sortie de délinquance des auteurs d'infractions pénales. Il peut s'agir, par exemple, de médiations auteur-victime ; de rencontres condamnés-victimes, c'est-à-dire d'un espace de parole réunissant des personnes condamnées et des victimes concernées par un même type d'infraction ; de cercles de soutien et de responsabilité destinés aux auteurs d'infraction à caractère sexuel, mettant en relation une personne condamnée, des représentants de la société civile qui réalisent un accompagnement et un appui moral et des professionnels ; de conférences de groupe familial ou de conférences restauratives – qui, au-delà d'une mise en présence de l'auteur et de sa victime, font intervenir des proches et des personnes de confiance pour faire naître une résolution plus consensuelle du conflit.

Ces mesures, créées à tous les stades de la procédure, interrogent les pratiques préexistantes. Elles obligent les professionnels à mettre en oeuvre des dispositifs novateurs, indépendants, dont le bénéfice sera tourné principalement vers les participants, sans impact immédiat sur la procédure pénale.

Il faut donc désormais clarifier l'articulation entre justice pénale et justice restaurative. Afin de préciser le cadre normatif, une circulaire est en cours d'élaboration à la chancellerie, avec deux objectifs : d'une part, consolider les principes méthodologiques ; d'autre part, répondre aux interrogations des professionnels lorsqu'un dispositif de justice restaurative est envisagé dans le cadre d'une procédure judiciaire préexistante.

La circulaire précisera donc certains points, tels que l'habilitation des formations, le contenu du contrôle de l'autorité judiciaire ou encore les modes de financement des dispositifs.

Dans les faits, un bilan réalisé en novembre 2015 par la direction de l'administration pénitentiaire a confirmé le fort intérêt des SPIP pour ce mode opératoire puisqu'un quart d'entre eux, soit 25 SPIP, étaient déjà engagés, un an après l'entrée en vigueur de la loi, dans des démarches de justice restaurative.

Mesdames et messieurs, les quatre principaux dispositifs que je viens de décrire montrent que la loi du 15 août 2014 a entendu poser les fondements d'une politique pénale novatrice et sa mise en oeuvre effective, dès le 1er octobre 2014. Très logiquement, la concrétisation des intentions du législateur a nécessité de la part des juridictions et des services pénitentiaires des adaptations de certaines de leurs pratiques.

Le rapport mis à votre disposition s'attache à présenter ces adaptations et à mesurer les pratiques nouvelles, qui induisent des modifications profondes. Je crois en effet qu'il serait préjudiciable d'avoir une approche strictement quantitative de ces mesures et, ce faisant, de sous-estimer leur dimension qualitative au sein de l'institution judiciaire.

Ainsi, depuis l'entrée en vigueur de la loi, de nouvelles méthodologies de prise en charge des personnes placées sous main de justice ont été élaborées ; de nombreuses actions de formation ont été mises en place sur l'ensemble du territoire ; des cellules de concertation et d'échanges se sont développées entre les professionnels dans de nombreux ressorts ; enfin, 930 personnes ont été recrutées au sein de l'administration pénitentiaire – personnels administratifs, conseillers d'insertion et de probation, personnels de surveillance, psychologues, assistants de service social ou encore coordinateurs culturels – pour assurer une prise en charge efficiente et pluridisciplinaire des probationnaires.

Je veux vous dire quelques mots des nouvelles pratiques et de ces adaptations, par exemple celles engendrées par la libération sous contrainte.

Trois étapes successives ont été mises en évidence.

La première a consisté à identifier les personnes détenues éligibles à la mesure, ce qui a impliqué un travail conjoint important et novateur entre le greffe pénitentiaire, le SPIP et les autorités judiciaires.

La deuxième a consisté à constituer le dossier de manière efficiente, ce qui a nécessité une circulation fluide de l'information et un travail important du SPIP. Ce service est, en effet, chargé d'informer les personnes éligibles et de recueillir leur consentement ; d'individualiser le plan d'accompagnement lors d'entretiens individuels ou collectifs ; de mobiliser son réseau partenarial avant de transmettre son rapport au juge d'application des peines.

Enfin, la troisième étape a consisté à organiser la comparution éventuelle de la personne condamnée.

Mesdames et messieurs, vous l'aurez compris, l'évaluation de la loi du 15 août 2014 ne fait que commencer. C'est la raison pour laquelle je suis particulièrement attentif à trois initiatives qui vont nous permettre d'affiner notre jugement.

D'abord, il a fallu attendre cinq ans, soit entre la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 et le décret du 1er août 2014, pour que soit créé l'Observatoire de la récidive et de la désistance, que je n'ai de surcroît pu installer que le 26 avril 2016. L'Observatoire fait évidemment figurer parmi ses objectifs de recherche la mesure de la contrainte pénale et de la libération sous contrainte, voire du suivi post-libération. Ensuite, le ministère finance une recherche menée par le Centre de recherches sociologiques sur le droit des institutions pénales (CESDIP) et qui concernera les TGI de Blois, de Bordeaux, du Mans, de Saintes, de La Rochelle, de Créteil et de Valence. L'objectif est d'observer concrètement la mise en oeuvre de la contrainte pénale et de la libération sous contrainte. Cette étude doit se terminer le 1er mars 2017. Enfin, une « recherche action », selon les termes en usage, a été lancée par la direction de l'administration pénitentiaire au sein de deux directions interrégionales et dans six SPIP pour développer un programme d'évaluation des personnes placées sous main de justice, fondé sur les principes du risque, des besoins et de la réactivité. Le dernier rapport m'a déjà été rendu mais les deux autres sont en devenir et leurs observations seront extrêmement précieuses.

Reste que, globalement, il ne s'agissait pas, par l'adoption de ces textes, de révolutionner le droit des peines, mais bien de le compléter. Cette loi a donné à l'autorité judiciaire et aux acteurs de l'exécution des peines les moyens juridiques de prononcer des mesures adaptées à la personnalité et à la situation individuelle des personnes condamnées. Elle a donc élargi l'éventail de décisions possibles. Le rapport qui est mis à la disposition du Parlement témoigne du fait que l'institution a désormais la capacité d'encourager le prononcé des mesures et de les accompagner.

Cet essor est souhaitable et doit être promu, puisque, au-delà de la mise en oeuvre de la loi, c'est la situation des lieux d'exécution des peines privatives de liberté qui est en jeu. En effet, tant la contrainte pénale que la libération sous contrainte sont des mesures susceptibles d'atténuer la surpopulation carcérale. La première parce qu'elle peut éviter le prononcé de courtes peines d'emprisonnement, la seconde parce qu'elle permet la sortie anticipée de détenus dont les profils ne correspondaient, jusqu'alors, à aucun aménagement de peines. C'est la raison pour laquelle, dans la circulaire de politique pénale que j'ai signée au début de l'été, j'ai invité les procureurs à considérer à nouveau cette peine, éventuellement à la requérir et surtout à bien comprendre pourquoi ils ne le faisaient pas, lorsqu'ils jugeaient bon qu'elle ne soit pas prononcée. Le rapport sur l'encellulement individuel que j'ai publié le 20 septembre dernier et le plan immobilier pénitentiaire annoncé par le Premier ministre le 6 octobre sont parfaitement complémentaires de cette loi et s'inscrivent dans cette même cohérence.

Au-delà d'un simple bilan, le présent rapport a l'ambition de rendre compte de la mutation en cours, c'est-à-dire l'avènement d'une meilleure justice au coeur de laquelle s'inscrivent la personne victime comme celle condamnée.

Je me tiens à présent à l'entière disposition de votre commission pour répondre à ses interrogations.

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