Intervention de Dominique Raimbourg

Réunion du 6 décembre 2016 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg, président :

Avant de vous redonner la parole, monsieur le garde des Sceaux, je me permettrai quelques observations en ma qualité, que vous avez eu la gentillesse de rappeler, d'ancien rapporteur de la loi du 15 août 2014.

Cette loi se fondait sur le vieil adage de Beccaria : « Ce n'est point par la rigueur des supplices qu'on prévient le plus sûrement les crimes, c'est par la certitude de la punition » ; en d'autres termes, la certitude de la sanction importe beaucoup plus que sa sévérité.

De ce point de vue, le texte fournit tous les outils nécessaires : il a créé la contrainte pénale, la libération sous contrainte, et visait à prévenir la récidive en faisant en sorte qu'il n'y ait plus de sorties « sèches ». Pourtant – et cela doit nous inciter à la modestie – ces outils sont longs à mettre en place et la culture qu'ils incarnent ne s'installe que lentement.

Cette tendance ne profite pas plus à la sévérité qu'à l'indulgence, puisque le retrait des crédits de réduction de peine s'applique lui aussi lentement : on ne dénombre que 202 cas sur les 87 000 personnes qui sortent de prison chaque année.

Voilà pourquoi, au-delà des outils juridiques, il faut penser – et c'est le plus difficile – la continuité de la chaîne de traitement, la rapidité avec laquelle doivent s'enchaîner l'arrestation et le traitement du cas.

C'est de ce point de vue que, indépendamment de toute idéologie, le débat sur les peines plancher est tranché. Le dispositif partait du postulat selon lequel une infraction appelle une condamnation, et une deuxième infraction appelle une autre condamnation qui doit être plus sévère. En réalité, les choses ne se passent pas du tout ainsi : beaucoup d'infractions sont commises avant la première décision, et la justice ne traite pas les dossiers dans l'ordre de commission des infractions. En outre, le système se fondait sur la notion de récidive légale, qui n'a pas de sens pour les délinquants, à la différence de la réitération. Or c'est le fonctionnement réel que nous devons prendre en considération pour améliorer la situation.

Mais cela nécessite des moyens, alors que, depuis une trentaine d'années, on demande à la justice – comme d'ailleurs à la police et à l'administration pénitentiaire –beaucoup plus que ce qu'elle peut assumer. L'appareil craque de tous côtés, d'où des dysfonctionnements qui ne sont en eux-mêmes ni laxistes ni répressifs, mais qui affectent la chaîne de traitement des cas. C'est à eux que nous devons nous attaquer, peut-être en nous inspirant de nos collègues sénateurs qui consacrent une mission d'information aux moyens de la justice, en vue d'améliorer son fonctionnement et, partant, la lutte contre la récidive.

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