Intervention de Pascal Popelin

Réunion du 12 décembre 2016 à 21h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Popelin, rapporteur :

Au moment où notre Commission engage le débat sur une cinquième prorogation de l'état d'urgence, je souhaite rappeler quelques faits.

La France va vivre, au printemps prochain, une phase d'élections nationales qui constituera un moment crucial de la vie démocratique de notre pays. Les rassemblements seront nombreux. Alors que la menace terroriste n'a pas diminué – douze projets d'attentats ont été déjoués depuis ceux qui ont ensanglanté une nouvelle fois notre pays en juillet dernier –, les pouvoirs publics ont le devoir d'assurer la sécurité des Français dans cette période particulière.

C'est la raison pour laquelle une nouvelle prorogation de l'état d'urgence – qui devait prendre fin le 21 janvier 2017 à minuit – a été annoncée par le chef de l'État et le Gouvernement il y a de cela déjà plusieurs semaines. Comme le président de la Commission vient de le rappeler, le remaniement intervenu le 6 décembre a précipité les échéances puisque c'est finalement avant le jeudi 22 décembre qu'il nous faut procéder à une prorogation.

Le présent projet de loi s'inscrit dans ce calendrier très resserré ; mais il traduit une résolution plus large : maintenir cette légalité d'exception au cours des prochains mois et jusqu'au terme de la période électorale à venir.

Chacun d'entre nous en a pleinement conscience : l'état d'urgence n'a pas vocation à être prolongé indéfiniment, comme l'ont fort justement rappelé Dominique Raimbourg et Jean-Frédéric Poisson dans le cadre de leurs travaux sur le contrôle parlementaire de l'état d'urgence, mais aussi le Conseil d'État – tout en estimant une nouvelle fois rempli, dans son avis du 8 décembre dernier, le critère de « péril imminent » – et le Conseil constitutionnel. La responsabilité du Parlement, et des pouvoirs publics dans leur ensemble, est de mobiliser tous les ressorts de notre législation, dans les limites de l'État de droit, afin de permettre aux moyens opérationnels de se déployer.

J'ai la conviction que le débat sur l'état d'urgence doit être mené devant nos compatriotes à l'occasion des prochaines élections, ce qui permettra au chef de l'État et au Gouvernement qui en seront issus de disposer d'un mandat clair du peuple français sur la question complexe du terme de cette période d'exception.

Le présent projet de loi prolonge l'état d'urgence jusqu'au 15 juillet 2017 et évite sa caducité consécutivement au changement de Gouvernement qui interviendra au printemps prochain. Il permet en effet l'« enjambement » de la période électorale du premier semestre 2017 en proposant une dérogation à la règle définie à l'article 4 de la loi de 1955. Les nouveaux élus ne seront donc pas obligés de travailler dans des délais impossibles. Toutefois, nous ne supprimons cette caducité que pour cette fois-ci : cette clause constitue aux yeux du Gouvernement comme aux miens un garde-fou utile, qu'il paraît nécessaire de maintenir dans le droit commun.

Le projet de loi prévoit expressément la faculté pour les préfets d'ordonner des perquisitions administratives de jour et de nuit – c'est ce que nous appelons l'état d'urgence « aggravé » – et limite à quinze mois consécutifs la durée maximale des assignations à résidence en l'absence de faits nouveaux. C'est la version du Gouvernement ; mais, sur ce dernier point, nous aurons, je le sais, une discussion. Le président de notre Commission et moi-même vous proposerons une nouvelle rédaction, qui prendra en considération à la fois le rapport de contrôle de Dominique Raimbourg et de Jean-Frédéric Poisson, l'avis du Conseil d'État, et la situation concrète d'une quarantaine de personnes encore aujourd'hui assignées à résidence, et qui l'ont été depuis le début de la période d'état d'urgence.

Beaucoup d'autres points pertinents ont été soulevés dans le rapport de contrôle présenté la semaine dernière. Nous avons, je crois, besoin d'un peu de temps pour approfondir notre réflexion. À mes yeux, l'idéal demeure d'inscrire l'état d'urgence dans la Constitution, et je regrette que nous n'ayons pas pu y parvenir au mois de janvier dernier. À tout le moins, une refonte de la loi de 1955 me semble nécessaire, même si la loi simple présente moins de garanties de stabilité, et donc moins de freins à un éventuel emballement.

Je rappelle aussi que nous examinerons au mois de janvier un projet de loi relatif à la sécurité publique : ce véhicule législatif nous permettra, le cas échéant, de revenir sur les questions soulevées par le rapport de contrôle.

Je ne serai pas plus long. J'espère que nous saurons conduire nos travaux dans un temps raisonnable et avec toute la sérénité et la hauteur de vues qu'exigent ces matières.

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