Intervention de Sergio Coronado

Réunion du 12 décembre 2016 à 21h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

Monsieur le président, lors de la présentation du rapport d'évaluation que vous avez eu l'amabilité d'effectuer devant notre commission avec M. Jean-Frédéric Poisson, un consensus s'était formé pour constater que nous étions confrontés au piège et au casse-tête juridique redoutés par le précédent président de la commission des Lois. M. Jean-Jacques Urvoas avait affirmé en effet en janvier dernier qu'il était aisé d'entrer dans l'état d'urgence, en raison de l'émotion légitime suscitée par la violence et la brutalité des attaques, mais qu'il serait très difficile d'en sortir. L'histoire parlementaire offre la meilleure preuve de ce constat, et nous nous trouvons aujourd'hui dans cette situation.

Avec cinq collègues, j'ai refusé de voter la première prorogation de l'état d'urgence, car je considérais d'une part que l'état de droit n'était pas un état de faiblesse et qu'il n'était pas évident de devoir avoir recours à une législation d'exception pour nous défendre et que, d'autre part, l'intérêt de l'état d'urgence, au-delà des douze jours octroyés par notre législation au Gouvernement, n'était pas non plus manifeste – d'ailleurs, le premier rapport d'évaluation en convenait presque puisqu'il affirmait qu'au bout de deux semaines, la brutalité de l'effet de surprise passait et le dispositif perdait de sa force et de sa pertinence.

À entendre mes collègues, les termes du débat ont changé. Il y a plus d'un an, on nous disait que nous ne disposions que de l'état d'urgence pour nous défendre face à une menace si nouvelle et si grave. Aujourd'hui, on entend une musique différente : on nous explique qu'il s'agit d'un dispositif complémentaire permettant de gérer l'ordre public, notamment lors de grands rassemblements selon mon collègue socialiste ; pour M. Larrivé, l'état d'urgence représente même un « véhicule législatif » pour rouvrir des débats sur la législation pénale tenus dans cette assemblée.

Monsieur le président, je crois, et votre rapport le montre bien, que nous avons atteint la limite de l'efficacité du dispositif. Cela transparaît dans l'évaluation des enquêtes ouvertes, des perquisitions administratives et de l'ensemble de ce dispositif, qui n'est pas fait pour durer. Dans sa conclusion, le rapport avance des propositions pour tenter de sortir de l'état d'urgence, que plus personne n'estime totalement pertinent et efficace, mais dont personne ne sait comment sortir : la constitutionnalisation de l'état d'urgence et la transformation de la loi d'application en loi organique.

Cette volonté de sortir de l'état d'urgence m'apparaît comme un aveu. Nous constatons que nous sommes dans une impasse, avec ce dispositif qui nous échappe et dont plus personne ici, au sein de cette Commission, ne défend la pertinence. Je ne suis pas de ceux qui, devant une telle situation, se réfugient derrière une responsabilité quelque peu virtuelle. Il faut parler un langage de vérité à nos concitoyens. Nous avons adopté de nombreux dispositifs qui sont aujourd'hui dans le droit commun : autorisation des perquisitions de nuit à domicile ; reconnaissance, au profit du Parquet, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, de prérogatives quasiment équivalentes à celles des magistrats instructeurs ; procédure pénale permettant la mise en oeuvre des contrôles d'identité et autorisant l'inspection visuelle et la fouille des bagages. Notre arsenal législatif ayant été fortement durci, rien ne justifie aujourd'hui une cinquième prorogation de l'état d'urgence d'autant que nous ne savons pas comment nous pourrons en sortir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion