Intervention de Isabelle Attard

Réunion du 12 décembre 2016 à 21h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

L'amendement CL24 propose que l'assignation à résidence ne dépasse pas douze mois alors que le texte prévoyait quinze mois. Ces durées sont-elles déterminées « au doigt mouillé » ? En tout cas, le rapport dit « Raimbourg-Poisson » préconisait huit mois. Comme mon collègue Sergio Coronado, je considère que cette durée est suffisante pour une privation de liberté. Pourquoi douze mois ?

J'en viens maintenant à mon amendement CL13. Monsieur le rapporteur, il n'y a pas seulement quelques députés isolés pour trouver que l'état d'urgence a été détourné de son objectif initial. Dans Un président ne devrait pas dire ça, il est rapporté des propos tenus en décembre 2015 par le Président de la République. Dans un passage du livre, que je cite intégralement dans l'exposé des motifs de mon amendement, il explique que l'état d'urgence a été utilisé pour surveiller des gens qui ne sont pas forcément liés au terrorisme.

J'aime bien appeler un chat, un chat et je m'efforce d'être cohérente depuis quatre ans et demi. Dans mon amendement, je suggère donc de remplacer « assignations à résidence » par « lettres de cachet ». Sous l'Ancien Régime, la lettre de cachet permettait l'enfermement d'opposants politiques sans autre forme de procès. Étant donné les dérives que nous constatons en matière d'assignations à résidence illégitimes depuis novembre 2015, étant donné tous les arrêtés supprimés en Conseil d'État après les plaintes de personnes qui ont fait l'objet de cette mesure sur la base de quelques notes blanches peu étayées, étant donné la décision du Gouvernement de supprimer certaines assignations avant qu'elles ne soient soumises au Conseil d'État pour éviter que le ridicule ne soit encore plus visible, je pense que la comparaison se justifie.

Nous pourrions considérer que cet état d'urgence et ces assignations à résidence ont servi à maintenir chez eux des opposants à la COP 21, à la loi travail ou à d'autres mesures gouvernementales. Le juge judiciaire n'apparaît pas en amont des décisions prises : on tire d'abord et on pose la question après. C'est un peu l'impression que donnent les assignations à résidence : d'abord, on enferme, quitte à ce que ces personnes ne puissent plus exercer leur profession et subissent des préjudices financiers et personnels extrêmement importants. Cela se passe effectivement sans autre forme de procès. Je trouve que la situation correspond bien à la définition de la lettre de cachet.

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