Intervention de Dominique Raimbourg

Réunion du 12 décembre 2016 à 21h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg, président :

Puisque vous souhaitez des explications, je vais vous les donner, en prenant en compte les difficultés que pose l'écriture de ce genre de textes.

Première observation, je regrette que nous n'ayons pas constitutionnalisé l'état d'urgence. Si nous l'avions fait, nous aurions un cadre constitutionnel et une loi organique qui nous mettraient à l'abri des dérives – hélas, la déchéance de nationalité, que je n'appelais pas de mes voeux, est venue polluer un débat qui, autrement, aurait été plus facile à mener. Je note cependant qu'une partie des opposants à l'état d'urgence – je ne parle pas de vous, monsieur Coronado – prétendaient qu'en le constitutionnalisant, nous le banaliserions... À mon avis, ce n'était pas vrai ; malheureusement, cette critique a prospéré.

Deuxième observation, nous avons essayé de mettre en place toutes les garanties possibles qui nous permettent de nous tenir sur cette ligne de crête si difficile entre l'efficacité et la protection des libertés. Tout d'abord, l'état d'urgence est limité dans le temps. Ensuite, les durées d'assignation évoquées dans l'amendement sont des durées cumulées et non plus continues comme dans le projet de loi. Dans un certain nombre de cas, en effet, les assignations sont levées parce que les personnes qui en font l'objet sont incarcérées. Dans d'autres cas, assez nombreux, l'assignation est levée parce que les intéressés sont internés en psychiatrie – c'est d'ailleurs inquiétant. Le dispositif est pensé comme celui des heures de garde à vue : tous les jours comptent. Par ailleurs, la prolongation sera désormais ordonnée par le juge administratif, quand bien même il s'agit là d'une légère entorse par rapport à la doctrine qui veut que les opérations de police administrative soient soumises non pas à l'autorisation mais au contrôle du juge. Compte tenu des circonstances particulières dont nous parlons, cette précaution me semble nécessaire, quoiqu'elle ne soit pas tout à fait conforme à l'orthodoxie juridique. Enfin, la prolongation autorisée par le juge ne pourra excéder une durée de trois mois – certes renouvelable. Tous les trois mois, il y aura donc une vérification par le juge. C'est important, car un certain nombre de personnes assignées à résidence depuis longtemps n'ont jamais formé de recours. Il faut néanmoins vérifier si leur situation justifie le maintien de cette assignation.

Troisième observation, si le Gouvernement a retenu une durée de quinze mois plutôt que la durée de huit mois préconisée – in abstracto – par le rapport sur le contrôle parlementaire de l'état d'urgence, c'est parce qu'il fallait prendre en compte l'existence de personnes assignées à résidence depuis treize mois. Il était extrêmement délicat de prévoir une durée de huit mois qui ne s'appliquerait pas aux personnes déjà assignées depuis treize mois ; c'était là une rupture d'égalité qui ne nous paraissait pas possible. D'où cette durée de quinze mois, ramenée aujourd'hui à douze, avec la possibilité d'une prolongation.

Dernière observation, madame Attard, si la question des assignations à résidence décidées au moment de la COP21 est toujours posée par certains, à notre connaissance, il n'y a jamais eu d'assignation à résidence pour d'autres opposants. Il n'y en a notamment pas eu à l'occasion des manifestations contre la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Certes, il y eut des interdictions de paraître, ce qui n'est pas la même chose, à l'encontre de manifestants considérés comme violents, et la première vague des interdictions de paraître décidées par la préfecture de police a posé problème puisqu'elles ont été annulées, mais, ensuite, elles n'ont visé que des personnes qui avaient déjà fait l'objet de constatations. Ce ne sont donc pas tout à fait des lettres de cachet, ce n'en sont même pas du tout.

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