Intervention de Michael Borrell

Réunion du 23 novembre 2016 à 11h15
Mission d'information sur les relations politiques et économiques entre la france et l'azerbaïdjan au regard des objectifs français de développement de la paix et de la démocratie au sud caucase

Michael Borrell, directeur Europe et Asie centrale de l'exploration et de la production de Total :

Permettez-moi de commencer par me présenter brièvement : citoyen britannique, je travaille dans le groupe Total depuis trente ans et je m'occupe actuellement de l'Europe et de l'Asie centrale – autrement dit la mer du Nord, principalement, ainsi que la France, l'Italie et la Bulgarie en Europe continentale et, en Asie centrale, l'Azerbaïdjan, le Kazakhstan et le Tadjikistan, ainsi que la Russie au Nord.

Il se trouve que l'Azerbaïdjan est un pays important pour le secteur du pétrole et du gaz puisque c'est le berceau de notre industrie : c'est là qu'a été découvert en 1848 le premier champ de pétrole au monde, Bibi-Heybat, dix ans avant les premières découvertes aux États-Unis. En 1900, l'Azerbaïdjan assurait la moitié de la production mondiale de pétrole, et c'est ce pays qui a le premier exploité un gisement en mer – un type d'exploitation dont l'intérêt ne s'est jamais démenti depuis. Après avoir atteint un pic de production à 1 million de barils de pétrole et de condensat par jour en 2010, l'Azerbaïdjan produit aujourd'hui quelque 800 000 barils par jour, la production mondiale étant de l'ordre de 92 millions de barils. La fraction de la production azerbaïdjanaise consommée sur place est très faible et l'essentiel est exporté via l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) dans lequel nous avons une participation de 5 % et qui relie l'Azerbaïdjan à la Méditerranée par le port turc de Ceyhan.

Notre activité en Azerbaïdjan est essentiellement gazière. Le pays produit 16 milliards de mètres cubes par an – à titre de comparaison, la France consomme 38 à 40 milliards de mètres cubes chaque année. L'Azerbaïdjan consomme environ la moitié de sa production gazière et exporte l'autre moitié vers l'Ouest, en particulier vers la Géorgie et la Turquie. Aux termes du projet que nous venons de signer cette semaine, nous produirons environ 1,5 milliard de mètres cubes, soit 15 % de la consommation locale.

L'économie de l'Azerbaïdjan dépend fortement du pétrole et du gaz. Ces dernières années, l'État a consenti des investissements considérables, en particulier à Bakou, en lien avec l'évolution du prix du brut entre 2000 et 2014, date à laquelle le cours a chuté. Les effets les plus manifestes de ces investissements ont été les Jeux européens et le Grand prix d'Europe de Formule 1.

Les activités de Total en Azerbaïdjan concernent pour l'essentiel l'exploration et la production. Nous exerçons certes une activité de trading qui consiste à acheter du brut à SOCAR, la société pétrolière d'État, pour le distribuer dans nos raffineries et le vendre ailleurs dans le monde, et une modeste activité de vente de produits lubrifiants, de l'ordre de 1 400 tonnes par an. Cependant, ces activités sont marginales par rapport à l'exploration et la production.

Dans ce domaine, disons d'emblée que l'entreprise BP exerce depuis la chute de l'Union soviétique un quasi-monopole en Azerbaïdjan. Elle a signé en 1994 un contrat considérable de développement pétrolier du champ Azeri-Chirag-Gunashli (ACG) – que les Azerbaïdjanais ont baptisé « le contrat du siècle ». La production a démarré en 1997 et elle est pour l'essentiel exportée via l'oléoduc précité, qui est à l'origine de l'enrichissement récent du pays et du développement de l'activité de BP. Il y a deux ans, BP employait quelque 800 expatriés en Azerbaïdjan ; à titre de comparaison, nous y employons 27 personnes dont quatre ou cinq expatriés. C'est dire la dimension de BP qui, dans ce pays, n'est pas pour nous un partenaire, mais un véritable concurrent.

BP a entrepris d'exploiter un deuxième champ, celui de Shah Deniz – un gisement gazier en mer auquel nous avons participé à hauteur de 10 % lors de la première phase de développement. La production a démarré en 2006 et a atteint un plateau de 9 milliards de mètres cubes par an, soit l'équivalent de la consommation du pays, même si l'essentiel de ce gaz est exporté vers la Géorgie et la Turquie. En 2013, BP a proposé une deuxième phase de développement à ses partenaires, qui l'ont approuvée, pour doubler le volume de production ; la moitié de ces 18 milliards de mètres cubes est destinée à la Turquie, l'autre à l'Europe – c'est là l'origine des trois oléoducs du fameux corridor Sud : le premier (SCP) traverse le Caucase méridional, le deuxième (TANAP) l'Anatolie et le troisième (TAP) la Grèce, l'Albanie et la mer Adriatique, cette infrastructure devant entrer en service en 2019.

Nous avons décidé que ce projet de deuxième phase ne remplissait pas nos critères de rentabilité et, lors de la décision finale d'investissement, nous avons vendu notre part de 10 % à la société nationale turque TPAO, qui est un investisseur et un partenaire important pour l'Azerbaïdjan, pour SOCAR et pour la livraison de gaz par le gazoduc TANAP. L'investissement requis pour développer la deuxième phase d'exploitation du gisement de Shah Deniz s'élève à 30 milliards de dollars, sans compter l'augmentation des capacités des oléoducs SCP, TANAP et TAP, soit 5, 10 et 5 milliards de dollars respectivement. Autrement dit, nous ne sommes désormais plus producteurs de gaz en Azerbaïdjan.

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