Intervention de Michael Borrell

Réunion du 23 novembre 2016 à 11h15
Mission d'information sur les relations politiques et économiques entre la france et l'azerbaïdjan au regard des objectifs français de développement de la paix et de la démocratie au sud caucase

Michael Borrell, directeur Europe et Asie centrale de l'exploration et de la production de Total :

Le projet que nous avons programmé sur le gisement d'Apchéron n'est qu'une première phase de développement. À terme, nous pourrions tripler voire quadrupler le volume de production déjà programmé, à condition de trouver un modèle économique qui soit satisfaisant pour Total et pour l'Azerbaïdjan. En effet, un groupe comme Total ne peut se contenter de produire 35 000 barils d'équivalent pétrole dans un pays. Nous devrons donc trouver d'autres activités pour pérenniser notre implantation en Azerbaïdjan, et nous sommes d'ores et déjà en discussion au sujet des champs d'Umid et de Babek, deux structures réparties de part et d'autre d'un col sous-marin. La première a déjà été découverte par SOCAR ; la seconde n'est qu'une hypothèse, mais elle laisse présager de bonnes perspectives. D'autres gisements à découvrir nous permettront également de poursuivre notre développement en Azerbaïdjan, d'où notre optimisme tant pour Total que pour ce pays. C'est d'ailleurs le principal message que Patrick Pouyanné, directeur général de Total, a transmis au Président Aliev lorsque nous l'avons rencontré lundi à l'occasion de la signature de notre accord : il faut poursuivre nos travaux sur le champ d'Apchéron, mais aussi sur d'autres objets, de sorte que Total s'implante durablement comme deuxième opérateur dans le pays aux côtés de BP.

Il reste en effet des litiges frontaliers en mer Caspienne. Les zones d'exploitation pétrolière sont clairement délimitées avec la Russie et le Kazakhstan, mais des différends demeurent avec le Turkménistan et l'Iran. Nous avons exprimé un intérêt pour un gisement se trouvant dans la zone contestée entre l'Azerbaïdjan et le Turkménistan, mais nous nous sommes retirés de la discussion dès qu'il est apparu que le litige devrait être réglé par les deux États et que Total n'avait pas de rôle à jouer, à moins d'être sollicité à cet effet. Le Président Aliev nous a confirmé lundi que les relations bilatérales concernant cette zone se sont nettement améliorées : l'Azerbaïdjan a fait une offre et il semble que la question soit en voie de résolution, ce qui pourrait ouvrir une perspective de développement pour Total, même s'il convient de rester très prudent.

Je travaille depuis neuf ans sur le Turkménistan et j'ai toujours cru que l'année suivante serait celle de l'ouverture et de notre implantation ; de ce fait, je reste là aussi très prudent. Quant à l'Iran, il est encore trop tôt pour se prononcer : il reprend peu à peu pied sur la scène internationale, même si les relations avec les États-Unis demeurent très précaires et difficiles. L'Azerbaïdjan et l'Iran ont l'un et l'autre intérêt à s'entendre pour se développer. D'ailleurs, une partie du gaz turkmène transite déjà par l'Iran vers l'Azerbaïdjan, même s'il n'y a guère eu de publicité autour de cette activité, ce qui témoigne d'une certaine coopération dans la Caspienne méridionale.

Il a souvent été question d'un oléoduc transcaspien. Il me semble très difficile, sur le plan politique, que les pays riverains, en particulier la Russie et l'Iran, acceptent de se mettre d'accord pour promouvoir un tel projet, qui était pourtant l'un des éléments-clé du dispositif d'exportation du gaz turkmène vers l'Europe dans le cadre du projet Nabucco. L'option consistant à passer par l'Iran pour rejoindre l'oléoduc TANAP me paraît beaucoup plus crédible et probable – à condition de parvenir à exploiter le gaz turkmène de manière rentable.

Encore une fois, je ne peux pas communiquer sur l'évolution des prix du brut mais, en la matière, nous sommes humbles : les prix sont volatils.

Il va de soi que nous tenons l'ambassadeur de France, le ministère des affaires étrangères et les autorités politiques au courant de notre action ; lors de sa visite en Azerbaïdjan en 2014, le Président Hollande était informé de l'avancée de nos discussions. De même, l'équipe de M. Matthias Fekl est tenue au courant de l'ensemble de nos activités en vue de la Commission mixte. Nous maintenons ce lien d'information pour les cas où nous aurions besoin de l'aide des autorités françaises comme cela s'est produit au Kazakhstan, par exemple, au sujet de la législation sur l'environnement. Les négociations pétrolières, en revanche, relèvent de notre seule compétence. Les autorités politiques azerbaïdjanaises, quant à elles, interviennent très peu, car c'est SOCAR qui gère l'activité pétrolière dans le pays. À chacun de mes déplacements dans le pays, je rencontre le ministre de l'énergie, Natig Aliev, mais il est peu influent dans l'ensemble ; c'est SOCAR et son président, Rovnag Abdullayev, un ancien de la société, qui gèrent directement les relations avec les opérateurs étrangers. Pour avoir une vision globale de la situation, j'échange avec trois instances : SOCAR, le ministre de l'énergie et SOFAZ, le fonds souverain qui a par exemple financé la plateforme en construction. Les négociations, en revanche, relèvent exclusivement de SOCAR.

SOCAR me semble de bon niveau. Fière de ses résultats passés, cette société est déterminée à enrichir son expérience et son expertise, et nous l'y aidons. C'est précisément pourquoi nous avons souhaité la création d'une société d'exploitation commune, car cette formule favorisera le développement de SOCAR. Elle nous a également offert un avantage concurrentiel : si nous avons obtenu ce contrat, c'est parce que nous offrions un élément supplémentaire. Certes, je me méfie de certaines des manières de faire de SOCAR sur le plan technique, car leurs installations présentent parfois des caractéristiques que nous n'accepterions pas sur les nôtres, mais un effort de pédagogie nous permettra de bien vivre ensemble.

Enfin, nous cherchons naturellement à emmener des PME françaises dans notre sillage. C'est pourquoi nous accueillons des jeunes dans nos bureaux dans le cadre de volontariats internationaux en entreprise. De même, nous avons accueilli en Azerbaïdjan la visite d'une délégation d'Evolen, l'association regroupant les entreprises et les professionnels du secteur parapétrolier et paragazier. Cela étant, notre activité dans ce pays est relativement limitée car, même si elle porte sur des montants importants, elle implique un nombre restreint de contractants. Il n'en reste pas moins que nous essayons d'associer des entreprises françaises lorsque c'est possible. Quant au niveau de la main d'oeuvre locale, il est relativement bon.

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