Intervention de Jean de Gliniasty

Réunion du 15 décembre 2016 à 10h00
Mission d'information sur les relations politiques et économiques entre la france et l'azerbaïdjan au regard des objectifs français de développement de la paix et de la démocratie au sud caucase

Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS :

Il sait très bien que s'il fait cela, il enfreint la doctrine russe.

Reste une question majeure : comment se fait-il que la Russie ait accepté si facilement que l'Azerbaïdjan développe une politique indépendante dans le domaine des hydrocarbures ? Ce n'est un mystère qu'en apparence : la Russie a d'abord manifesté une nette opposition au projet Nabucco, jusqu'à son abandon. Elle devrait aujourd'hui s'inquiéter de la mise en exploitation des gisements de Shah Deniz 1 et 2 et des oléoducs Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC), Trans-Adriatic Pipeline (TAP) et Trans-Anatolian Pipeline (TANAP), puisqu'ils diminueront d'autant les débouchés du gaz russe sur le marché européen ; pourtant, elle accepte cette évolution avec philosophie.

Si la position russe a tant évolué, c'est d'abord parce que suite aux sanctions, la production russe a été nettement réorientée vers la Chine. L'accord signé en août 2015 par les présidents Poutine et Xi Jinping porte sur environ 400 milliards de dollars et une trentaine de milliards de mètres cubes de gaz par an, le gazoduc étant construit par les Chinois. La négociation est certes complexe, mais elle aboutira. S'étant assuré le débouché chinois, les Russes sont plus détendus pour ce qui concerne leur accès au marché européen.

Par ailleurs, le gazoduc Nord Stream 1 permet déjà au gaz russe de contourner l'Ukraine, et l'incitation à construire Nord Stream 2 est faible compte tenu de la stagnation du marché européen. Le projet South Stream – dans lequel EDF avait initialement pris une participation, ensuite reprise par Gazprom – est mort, pour se muer en « Turkish Stream », en quelque sorte, puisque la Russie envoie son gaz en Turquie à qui il revient de le répartir vers la Bulgarie, la Grèce ou ailleurs, à quoi s'ajoute le fait que le marché turc lui-même est en pleine croissance.

De ce fait, la Russie accepte avec une certaine équanimité l'exportation du gaz azerbaïdjanais de Shah Deniz. C'est un facteur supplémentaire de stabilisation des relations entre l'Azerbaïdjan et ses trois voisins, l'Arménie s'affaiblissant parallèlement. Le président Aliev est intelligent et lucide ; il est laïque, ce qui se fait rare dans la région. L'Azerbaïdjan est resté très imprégné par la langue russe, qui est la langue des élites. La Russie a d'ailleurs ouvert à Bakou une université qui forme des cohortes de spécialistes du russe. On entend certes parler de maquis islamistes et autres difficultés dues aux fortes inégalités, mais rappelons que l'Azerbaïdjan est un pays chiite qui ne sera pas aussi vulnérable que les pays sunnites à un phénomène extrémiste, car l'Iran ne l'encouragerait pas. En clair, vue de Moscou, la situation en Azerbaïdjan est plutôt positive.

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