Intervention de Patrick Mennucci

Réunion du 11 janvier 2017 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Mennucci, rapporteur :

Je partage l'avis de Mme Mazetier et de mon collègue rapporteur Jean-Yves Le Bouillonnec.

Je rappelle le travail que nous avons fait. Il a justement consisté à jouer notre rôle de parlementaires. D'abord, nous avons obligé le Gouvernement à renoncer à légiférer par ordonnance. La loi sera donc le texte que nous examinons aujourd'hui, une fois qu'il aura été voté dans l'hémicycle. Vous devriez nous féliciter, monsieur Goujon, d'avoir procédé de la sorte, car nos collègues du Sénat n'avaient pas voulu examiner la version initiale de l'article 28 précisément parce qu'il renvoyait à une ordonnance. S'agissant d'un sujet qui touchait à la fiscalité et à l'ordre public, nous avons considéré que le Parlement devait allait jusqu'au bout de l'élaboration d'un texte connu de tous. À cette fin, nous avons travaillé avec les services de l'État concernés, et nous avons consacré tout le temps nécessaire à ce travail pour bien comprendre les choses.

Que faisons-nous ? Premièrement, il est hors de question de toucher aux règles qui interdisent l'implantation de casinos à Paris. Contrairement à ce qu'on a pu lire dans la presse – je suppose que certains collègues ne sont pas étrangers à la diffusion de ces allégations –, il n'y aura, dans les futurs « clubs de jeux », ni machines à sous, ni tables de roulette, telles qu'on peut en trouver notamment au casino d'Enghien. On y pratiquera des jeux tels que le poker, qui se sont fortement développés au cours de la dernière décennie.

Deuxièmement, nous faisons disparaître le système du banquier, par lequel un individu achète le droit d'être la contrepartie de la table de « multicolore » ou de certains autres jeux. Cela aurait dû être fait depuis très longtemps et, si tel n'a pas été le cas, c'est qu'on a été laxiste – en disant cela, je ne mets pas particulièrement en cause la droite, ni qui que ce soit. Ce système a permis au grand banditisme de devenir le propriétaire des cercles de jeux. C'est pourquoi, au cours des dernières années, le Premier ministre Manuel Valls et le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve ont systématiquement fermé ces cercles chaque fois que la preuve de malversations était faite.

À Paris, le dernier cercle de jeux compte 12 000 adhérents. Dans le même temps, les tables clandestines s'y multiplient, de même que dans de nombreuses autres villes de France : certains bars et restaurants organisent des parties clandestines après avoir tiré le rideau à 23 heures. Le législateur peut-il se satisfaire de cette situation ? De nombreux acteurs qui s'intéressent à la question, notamment des journalistes qui écrivent dans Le Figaro et dans Le Monde, estiment que le Parlement doit se préoccuper de la sécurité des joueurs. Plusieurs journaux et sites internet spécialisés ont salué à cet égard le travail que nous avons accompli à l'Assemblée nationale.

Quelle sera, in fine, la conséquence de ce travail ? Nous allons doubler la fiscalité appliquée aux cercles de jeu : d'abord, nous allons maintenir la fiscalité perçue actuellement par la ville de Paris au moyen de la taxe sur les spectacles – la ville de Paris devra faire un travail sur ce point dans le cadre de son budget ; surtout, nous allons permettre à l'État de prélever l'impôt sur les sociétés. Cela fait maintenant soixante ans que ces cercles de jeux exercent leur activité à Paris sans verser le moindre centime à l'État, car ils ont pris la forme d'associations. Leurs dirigeants peuvent en outre être propriétaires de leurs locaux au travers d'une société civile immobilière (SCI), ce qui, à Paris, n'est pas rien ! Ces associations ont prospéré à la faveur d'un abandon de ses responsabilités par la puissance publique.

Cet abandon est lié à des faits historiques bien connus : à la Libération, en 1945, on a remercié un certain nombre de personnes liées au banditisme, et on a souvent compensé la fermeture des maisons closes dont elles étaient propriétaires en leur permettant de développer des cercles de jeux. Devons-nous être comptables, aujourd'hui encore, de cette histoire ? Doit-on considérer qu'il faut fermer les yeux et laisser perdurer le banditisme lié à ces cercles ? Ou bien devons-nous agir en tant que législateurs du XXIe siècle, tout en tenant compte du désir de jouer de certains de nos concitoyens et, surtout, des touristes ? Nous avons choisi, monsieur Goujon, d'être responsables, aux côtés de la ville de Paris. Selon moi, la question n'est pas de nature politique. Je sais d'ailleurs que certains de vos collègues sont favorables au travail que nous avons mené, dont je souligne l'intérêt et l'importance du point de vue du maintien de l'ordre public. Je vous invite donc tous, mes chers collègues, à bien réfléchir au moment où nous serons appelés à voter sur cet amendement.

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