Intervention de Jean Grellier

Réunion du 21 février 2017 à 17h45
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Grellier :

Madame Marie-Noëlle Battistel, l'industrie aura un rôle fondamental à jouer en matière de transition énergétique. Demain, il faudra en effet réinventer les moyens de production. C'est pourquoi il nous a semblé judicieux de proposer de mettre en place une démarche collaborative entre tous les acteurs pour accompagner une mutation énergétique porteuse de nouvelles productions industrielles et de conséquences sur l'économie du carbone.

Il reste un important problème à régler en matière de formation. Nous n'avons pas encore trouvé aujourd'hui les moyens de répondre précisément aux besoins de l'industrie. Des réflexions peuvent bien avoir lieu au niveau national, mais les déclinaisons sur les territoires sont essentielles, en cohérence avec les besoins des bassins d'emploi. La stratégie pourrait ainsi être définie au niveau national, et mise en oeuvre au niveau régional. Je souhaite, par exemple, que les lycées professionnels pratiquent beaucoup plus qu'ils ne le font aujourd'hui l'alternance et l'apprentissage. Cela dit, tant que la politique d'orientation après la classe de troisième ne sera pas revue – la consigne est d'envoyer 80 % des élèves vers la seconde générale –, nous rencontrerons des difficultés pour mettre en place une dynamique en faveur des formations professionnelles.

Sur le petit territoire qui est le mien, il existe une formation en lycée professionnel de soudure et de chaudronnerie. Nos entreprises ne trouvent plus de soudeurs, mais ces derniers ne sont pas des artisans à l'ancienne : ils utilisent des technologies très avancées. Aussi créons-nous actuellement un cluster, un réseau d'entreprises intéressées par cette formation. Ce type d'expérience au plus près du terrain est positif en termes d'emploi et de formation.

Des décisions ont déjà été prises concernant l'apprentissage ; il faudra mesurer leurs effets. L'apprentissage évolue : avec les incessantes mutations technologiques, il peut aujourd'hui avoir lieu tout au long de la vie. Il reste que nous n'avons pas résolu la question de la connexion permanente qui devrait s'établir entre l'enseignement, qu'il soit général, professionnel ou continu, et les besoins des entreprises.

Nos auditions montrent clairement que la qualité de l'enseignement supérieur est reconnue. La formation des ingénieurs permet par exemple de pourvoir les postes indispensables aux PME, aux grands groupes et aux startups. Les acteurs du secteur du numérique sont d'ailleurs plutôt rassurants : ils reconnaissent que les formations dont ils ont besoin existent en France. Ils expriment toutefois des craintes s'agissant des niveaux bac pro, brevet de technicien supérieur (BTS), et diplôme universitaire de technologie (DUT). Il faudra donc renforcer les formations de ce niveau afin qu'elles correspondent aux compétences et aux qualifications recherchées.

Monsieur Yves Blein, nous ne disposons pas de davantage de précisions sur les fonds de retournement. Nous nous sommes inspirés des travaux de notre collègue Laurent Grandguillaume, qui montraient leur nécessité pour les entreprises en mutation.

La fiscalité des entreprises a donné lieu à de très nombreux travaux de notre Assemblée, lors de la précédente législature, et dès le début de celle qui se termine, mais nous n'avons pas pu aboutir à un consensus. C'est pourquoi, nous proposons, avec l'accord du président du CNI, que le ministre saisisse ce conseil sur la fiscalité et les contributions sociales. J'ai souhaité qu'il soit précisé dans la rédaction de la onzième proposition que le CNI se prononcerait sur les différents scénarios « dans un esprit de péréquation ». En effet, lorsque l'on parle de baisse des dépenses publiques, j'ai peur que l'on oublie l'effet de levier économique qu'elles constituent et qui permet d'accompagner les entreprises sur les territoires. Tout cela mérite qu'une étude générale soit menée pour réfléchir à un système plus dynamique et plus incitatif.

Aujourd'hui, les entreprises qui produisent, qui innovent, et qui font de la recherche en France paient l'essentiel de la protection sociale à partir des cotisations salariales et patronales. Une péréquation ne devrait-elle pas être mise en place afin que d'autres entreprises apportent leur contribution ? Pour ma part, j'ai toujours été un peu réticent à l'idée de supprimer la C3S car elle constituait le seul moyen de faire payer les entreprises qui délocalisent.

Pour parvenir à la simplification que nous appelons de nos voeux avec vous, Madame Véronique Louwagie, il faudra vaincre un certain nombre de réticences. Reconnaissons aussi que la réglementation est édictée pour répondre à certaines déviances, et qu'il faut donc trouver une approche équilibrée sur ce sujet.

Monsieur Jean-Luc Laurent, seule la prochaine Assemblée sera en mesure de se prononcer sur la pérennité du groupe de travail. À mon sens, les relations entre le milieu industriel et le travail parlementaire ne sont pas assez fortes. Chaque parlementaire a évidemment le souci de son propre territoire et peut s'intéresser au développement de telle ou telle filière industrielle, il n'en demeure pas moins que, globalement, un travail conjoint plus fourni devrait être mené avec les structures du secteur, si nous voulons être à la hauteur de ce qu'il représente. Le GFI, le Cercle de l'industrie et l'UIMM partagent cette analyse, et, lors d'une audition, l'économiste Jean-Hervé Lorenzi faisait remarquer qu'à ce jour, dans les allées du pouvoir, le lobby financier était beaucoup plus puissant que le lobby industriel. Il faut espérer que les mesures destinées à faire prendre conscience de la place de l'industrie permettront, demain, de faire évoluer ce rapport de force.

Je crois que nous payons encore aujourd'hui pour les grandes théories relatives à la société « post-industrielles », qui prévalaient dans les années 1990 et 2000. Psychologiquement, les effets de ce concept assez flou ont été très négatifs. Les mutations industrielles semblaient ne plus être une priorité alors qu'elles étaient au contraire indispensables dans une période d'évolutions fortes. Nous nous sommes réveillés après la crise. Les états généraux de l'industrie n'ont alors pu que constater que l'industrie ne comptait plus que pour 12 % dans notre PIB, au lieu de 20 %, et qu'il était grand temps d'agir.

Dans ce cadre, l'innovation constitue un atout considérable. Vous avez eu raison, Monsieur Bernard Gérard, d'évoquer les textiles connectés : demain, ils ne se contenteront plus de nous habiller, ils pourraient même nous soigner.

Je m'interroge sur la protection juridique que vous avez évoquée. Aujourd'hui, ne doit-elle pas être de dimension européenne ? De façon plus générale, ne faut-il pas une politique industrielle européenne ? En 2013, lors des travaux de la commission d'enquête sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes, le commissaire européen à l'industrie et à l'entreprenariat, M. Antonio Tajani, nous avait confié que, malgré ses efforts, il ne parvenait pas à mobiliser la Commission sur la question de l'industrie, et que son principal « adversaire » était son homologue chargé de la concurrence qui faisait en sorte que les politiques publiques favorisent le consommateur plutôt que le producteur. Il faut revoir tout cela pour faire de la production une priorité. Comme l'indiquait M. Guillaume Bachelay, production, formation, innovation et protection peuvent permettre de structurer une véritable politique industrielle européenne.

L'intervention de M. Laurent Furst me conforte dans l'idée qu'il faut qu'une réflexion soit menée par les acteurs puisque le débat politique a du mal à imaginer une fiscalité dynamique et incitative. Nous avons quelques années de retard en la matière.

Évidemment, Madame Corinne Erhel, la digitalisation constitue un enjeu considérable pour les grands groupes comme pour les TPE et les PME. J'appelle aussi votre attention sur le retard que notre pays accuse en matière de formation à la cybersécurité. Il faut que nous soyons réactifs sur ce sujet, aussi bien pour ce qui concerne la formation initiale que pour la formation continue.

Madame la présidente, je propose que nous transmettions ces propositions au ministre, et que nous saisissions le Conseil national de l'industrie sur la fiscalité. Peut-être pourrions-nous aussi intervenir auprès des ministères concernés sur la nécessité que soit pris en compte le travail du CNI en matière de formation ? Je formule aussi le voeu que, lors du prochain quinquennat, les activités productives et industrielles constituent une priorité au plus haut niveau de l'État.

Les startups et les entreprises du numérique que nous avons entendues étaient particulièrement optimistes : il me semble que nous pouvons donc l'être aussi, et il est dommage que nous ne les entendions pas plus souvent.

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