Intervention de Rudy Salles

Réunion du 4 novembre 2013 à 21h00
Commission élargie : culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRudy Salles :

2014 ne sera pas une grande saison culturelle pour la France ! La mission qui nous est présentée n'est, on le sait, qu'une part de l'effort financier de l'État dans le domaine de la culture et de la communication, qui avoisine 13 milliards d'euros. Il n'est pas inutile d'avoir en tête ce panorama culturel. C'est cependant l'expression essentielle du choix culturel de notre pays.

Quel est ce choix ? C'est celui de la soustraction : moins 1,1 % en autorisations d'engagement, et moins 2,1 % en crédits de paiement, après un premier coup de canif de 2,3 % l'année dernière en regard du budget 2012.

En mai 2012, dans son analyse de l'exécution du budget de l'État par missions et programmes, la Cour des comptes avait souligné que la gestion des crédits de la mission « Culture » n'avait « pas encore été affectée de manière significative par les contraintes fortes pesant sur le budget de l'État ».

Nous avons au cours des mois précédents réfléchi à plusieurs reprises au sein de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, et à l'occasion de plusieurs textes qui étaient proposés à la discussion, à l'exception culturelle française. Je serai tenté de dire « beaucoup de bruit pour rien ». En définitive les moyens de l'exception culturelle sont reniés.

Comment exciper d'un sens singulier à donner à la culture pour en faire un levier de référence et de développement dans un environnement mondialisé, mais aussi un vecteur d'innovations sociales, si d'emblée on se prive du premier ressort de l'action ? Et pour éviter d'être désagréable, je n'évoquerai pas vos promesses, que dis-je, vos assurances de sanctuarisation, tombées aux oubliettes.

Je suis d'autant plus navré de cette situation qu'elle donne la désagréable impression d'un acte automatique et, plus encore, d'un acte gratuit. En effet, pourquoi sacrifier ce petit budget de la culture quand, par ailleurs, tout indique que l'État dépense trop ? C'est ce que nous dit, en tout cas, le Haut Conseil des finances publiques, par la voix de son président, M. Didier Migaud, qui note que les prévisions de déficit ne correspondent plus aux engagements précédents du Gouvernement. Il a même prévenu que, « cela rendra vraisemblablement nécessaire le déclenchement du mécanisme de correction au mois de mai 2014 ».

L'exercice du pouvoir fait tomber certains marqueurs politiques ce qui n'est pas inutile, mais, en l'espèce, nous aurions préféré que vous vous contentiez, madame la ministre, de vous inscrire dans la seule continuité de votre prédécesseur. Cela suffisait amplement ! Il est vrai que même vos économies ne sont pas, en elles-mêmes, une signature politique, puisqu'elles sont dégagées essentiellement grâce à la fin de grands chantiers, comme celui du Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, inauguré en juin dernier à Marseille.

Mais elles tiennent aussi à un matraquage des opérateurs, qui sont pourtant les vrais porteurs des politiques culturelles sur tous nos territoires de France et de Navarre. Outre une réduction forfaitaire de leur dotation, ils subiront un prélèvement exceptionnel tenant compte du niveau de leur fonds de roulement. De surcroît, la compensation de la gratuité pour les 18-25 ans diminuera fortement pour les établissements concernés avec un recul de 65,14 %. Le CNC fera quant à lui l'objet d'un prélèvement exceptionnel de 90 millions d'euros sur son fonds de roulement.

La potion de ce programme 175 est amère pour les passeurs de culture et pour la culture populaire, au risque de l'amputer de sa jeunesse.

Nous aurions préféré que cette démarche soit au moins inscrite dans le cadre de contrats d'objectifs, qui permettent à chacun des établissements de viser des jours meilleurs. Malheureusement, seuls vingt-trois opérateurs sont dotés d'un contrat de performance – seize documents stratégiques sont en cours de préparation – sur un total de quatre-vingt-un.

Au total, les subventions pour charges de service public des opérateurs du programme 175 « Patrimoines » diminuent de 5,8 millions d'euros, contre plus de 10 millions l'an dernier, soit une diminution de 1,6 % par rapport à 2013. Le programme 131 « Création » subit une réduction globale de ses crédits de près de 4 %. Sur le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », le soutien à l'enseignement supérieur augmente fortement, tandis que les crédits alloués à l'action culturelle internationale et aux établissements d'enseignement spécialisé diminuent.

Vous avez donc troqué l'activisme culturel, que l'on pouvait espérer de vous, contre une logique comptable « d'austérisation » – parce que s'il fallait de l'austérité, d'autres budgets s'y prêtaient beaucoup mieux. Par là même où nous pouvions espérer un signe de réveil et de vie, un nouveau souffle, nous ne percevons plus qu'un filet d'air : celui qu'exhale une culture essoufflée. Où sont les objectifs ? Où est la méthode ? Quel encouragement pour les talents ? Quel projet culturel pour les Français et pour la France ? Nous ne sommes pas devant un choc esthétique, mais devant un choc historique dans le pays où l'État a toujours fait le pont entre l'art et la société.

Madame la ministre, votre budget exprime une réalité : la culture n'est pas du goût des conservateurs ; aujourd'hui, l'on sait donc où sont les conservateurs. Dans ces conditions, le groupe UDI ne peut approuver cette mission budgétaire relative à la culture.

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