Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 7 novembre 2013 à 9h35
Commission élargie : santé

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé :

Mme Neuville m'a interrogée sur la simplification du travail et l'identification du rôle des agences sanitaires. J'ai déjà dit qu'il me paraissait préoccupant que le rôle des différentes agences soit mal connu non seulement de la population, mais aussi des professionnels de santé. Entre la Haute Autorité de santé, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé dont le rôle est sans doute mieux identifié, même s'il occupe rarement le devant de la scène, et l'Institut de veille sanitaire, il peut y avoir des chevauchements ; inversement, certaines missions ne sont pas suffisamment assurées. L'un des axes du travail que nous avons entamé à la suite des deux rapports que j'ai évoqués, et dans la perspective de la Stratégie nationale de santé, consiste à désigner une agence pivot, qui sera l'agence de référence, pour chaque mission.

Le nouveau Plan cancer est une priorité du Président de la République. Il sera annoncé en janvier ou en février 2014 par le Président de la République lui-même. Ses priorités seront celles qui ont été identifiées par le Professeur Vernant. Elles concernent bien sûr la recherche, mais aussi la structuration du parcours de soins, ce qui rejoint la politique de santé que je porte avec la Stratégie nationale de santé, qui entend mieux prendre en compte les malades atteints de pathologies chroniques – ce que deviennent de plus en plus de malades du cancer. Il y a des cancers dont on mourait, et avec lesquels il faut désormais apprendre à vivre dans la durée. C'est un progrès majeur, mais cela impose un autre type de suivi et d'accompagnement. L'un des axes majeurs du nouveau Plan cancer sera donc celui de la vie pendant et après la maladie.

Vous m'avez également interpellée, madame Neuville, sur la formation des professionnels de santé à la prise en charge des femmes victimes de violences. La Haute Autorité de santé a élaboré des recommandations à cet égard en direction des professionnels. Au-delà de la formation initiale, il faut sensibiliser les professionnels qui sont en activité. Beaucoup de femmes victimes de violences seraient en effet disposées à évoquer cette question avec leur médecin traitant, mais elles ont du mal à faire le premier pas ; il faut donc que les professionnels soient formés pour pouvoir aborder le sujet. Le ministère de la santé s'investit par ailleurs dans la préparation du plan de lutte contre les violences faites aux femmes confié à Mme Vallaud-Belkacem. Enfin, je réfléchis avec Mme Fioraso sur la manière d'intégrer ce thème à la formation initiale des professionnels de santé.

Vous avez évoqué la délicate question de la délivrance de certains types de contraceptifs sans ordonnance. Même progestative et microdosée, une pilule reste un médicament. Si rien n'interdit des réflexions et des échanges sur le sujet, je tiens à rappeler que dès lors qu'il s'agit de médicaments, il importe de rester très attentif aux conditions de leur délivrance. Un suivi médical adapté reste indispensable, quel que soit le type de pilule délivré.

M. Tian a évoqué l'aide médicale d'État ; son intervention a bien sûr suscité des réactions. Je n'ai pas grand-chose à ajouter aux propos de Christophe Sirugue. Je souhaite néanmoins rappeler que les bénéficiaires potentiels de l'AME sont dans la même situation que les bénéficiaires de la CMU et de la CMUc – pour lesquels il n'y a pas de franchise. Ils ne bénéficient donc pas d'un traitement à part. Nous ne souhaitons pas pour autant la fusion des deux dispositifs, monsieur Roumegas : nous voulons pouvoir identifier l'évolution des dépenses pour les deux catégories de populations.

Quant à la PMA, la chirurgie esthétique et les cures thermales, permettez-moi de vous dire que cela relève du fantasme, monsieur Tian ! En outre, l'affirmation est insultante pour les femmes qui entament un parcours de PMA, souvent long et douloureux. En somme, vous leur faites croire que des étrangères peuvent bénéficier de ce parcours sans délai, quand elles-mêmes devront attendre un, voire deux ans compte tenu des files d'attente dans les services spécialisés. C'est faux ! Les files d'attente existent, mais ce n'est pas à cause de l'AME.

Quant aux contrôles, monsieur Goasguen, vous estimez que ceux de la sécurité sociale ne sont pas fiables, et qu'il faut donc mettre en place un contrôle par l'État. Mais beaucoup de prestations sociales financées par l'État sont déjà gérées par les caisses de sécurité sociale ou par d'autres organismes. Je pense par exemple au RSA, géré par les caisses d'allocations familiales (CAF). Bref, le versement et le contrôle de prestations d'État par des organismes autres que ceux de l'État relève du droit commun. Il existe bien sûr des contrôles ; la direction de la sécurité sociale du ministère suit de près ce que font la sécurité sociale et les caisses primaires, donc l'ensemble des prestations qui sont financées par l'État, et l'AME fait l'objet de la même attention que les autres prestations sociales dans le cadre des contrôles existants. Croyez bien que nous n'avons aucune raison d'accepter le principe de la fraude. Nous avons d'ailleurs obtenu des résultats tout à fait satisfaisants dans la lutte contre cette fraude l'an dernier.

Monsieur Tahuaitu, la Stratégie nationale de sa nté qui se met en place relève non pas de ce budget, mais de celui de la sécurité sociale. Ses priorités sont claires, et j'ai eu l'occasion de les réaffirmer à plusieurs reprises. Ses objectifs sont loin d'être purement comptables, puisque figurent notamment parmi les priorités le renforcement des soins de premier recours, la mise en place d'équipes pluridisciplinaires et le soutien aux coopérations entre les différents professionnels de santé, ainsi bien sûr que la prévention, avec des objectifs chiffrés dès 2014, qui concerneront d'abord cinq priorités – parmi lesquelles la santé des enfants, la santé mentale, la lutte contre les addictions et le cancer.

Je profite de l'occasion pour rappeler une nouvelle fois que l'essentiel de cette politique relève du budget de la sécurité sociale. Lorsque la présidente de la commission des affaires sociales a observé que la question de M. Reitzer sur les frontaliers ne relevait pas de la santé, elle a voulu dire non pas que le sujet n'était pas de ma compétence, mais simplement qu'il ne concernait pas le budget que nous examinons. Il faut distinguer le budget de l'assurance maladie obligatoire – 175 milliards d'euros – et celui de la santé – seulement 1,3 milliard.

M. Roumegas – et d'autres – se demandent si la priorité donnée à la prévention se reflète vraiment dans ce budget. Je rappelle que la prévention est également financée sur le budget de la sécurité sociale. Elle l'est d'abord sous une forme clairement identifiée, le Fonds d'intervention régional (FIR), dont la dotation augmente de 2,4 % – il existe désormais un sous-ONDAM FIR.

Quels sont les relais de la prévention ? Les ARS contractualisent avec des professionnels de santé, des réseaux ou des associations, et elles mettent en place des actions adaptées à leur territoire. Cette idée est reprise dans la Stratégie nationale de santé, avec des engagements nationaux qui pourront être déclinés à l'échelle régionale et la possibilité d'actions spécifiques.

Je suis réservée quant à la création d'ORDAM, monsieur Martin-Lalande. Ma position a d'ailleurs évolué. À l'origine, j'étais plutôt favorable à cette idée, estimant moi aussi qu'elle permettrait de mieux prendre en compte les situations locales. Néanmoins, les enjeux sanitaires diffèrent sensiblement selon les régions. La situation de la région Nord Pas-de-Calais, dont les indicateurs en matière de santé publique sont très préoccupants, ne peut être comparée à celle de régions ayant moins de difficultés. Autrement dit, les niveaux de dépenses ne peuvent être comparés indépendamment des enjeux de santé publique. Si les problèmes de santé publique sont plus importants dans une région que dans une autre, il est normal que le niveau de dépenses de la première soit supérieur. C'est pourquoi je tiens au cadre national.

J'en reviens à la prévention financée sur le budget de la sécurité sociale. Outre le FIR, le financement de la prévention prend la forme des remboursements de soins et de consultations médicales qui s'inscrivent dans une logique de prévention. Je pense par exemple au diabète : une grande partie des dépenses de l'assurance maladie liées au diabète relève en réalité de la prévention des pathologies annexes que peuvent développer les patients atteints de cette maladie.

Quant au financement du planning familial, il figure dans le programme pluriannuel d'action « Contraception, sexualité, vulnérabilité » et représente 140 000 euros par an. Le budget du planning familial est pour sa part inclus dans la ligne « Santé de la mère et de l'enfant », avec une augmentation de 105 000 euros entre 2013 et 2014.

La présidente de la commission des affaires sociales s'est interrogée sur les moyens de financer de manière pérenne les actions des CSAPA et des CAARUD. Ces actions sont financées sur la ligne « ONDAM spécifiques » du PLFSS, qui relève du 6ème sous-objectif de l'ONDAM. Ce sont des financements pérennes ; ces moyens sont donc sécurisés et identifiés, mais dans le PLFSS, et non dans le budget de la santé. Par ailleurs, comme en 2013, nous avons prévu des moyens pour sécuriser le circuit du médicament dans ces structures.

Je profite de l'occasion pour vous dire que l'expérimentation des salles de consommation réduite fait toujours partie des engagements du Gouvernement. Nous avons engagé un processus de sécurisation juridique du dispositif que nous souhaitons mettre en oeuvre, mais cela se fera.

Monsieur Morel-A-L'Huissier, votre question portait davantage sur la Lozère que sur le budget de la santé… L'accès aux soins urgents en moins de trente minutes relève du PLFSS ; nous ferons en sorte que l'objectif soit atteint en 2015 comme prévu, grâce à la mise en place de transports héliportés, au déploiement de médecins correspondants du SAMU ou à la réorganisation du maillage des services d'urgences, selon les territoires concernés.

Vous avez évoqué la situation des établissements de votre département. Vous savez que ceux situés en territoire isolé pourront faire l'objet d'un financement spécifique à partir de 2014 : j'ai en effet fait évoluer la tarification des établissements de santé dans le cadre du PLFSS pour prendre en compte l'inscription géographique de certains d'entre eux afin qu'ils ne soient pas pénalisés par leur faible volume d'activité. Les hôpitaux de la Lozère font actuellement l'objet d'un examen attentif ; nous pourrons en reparler, mais des décisions seront prises.

Monsieur Decool, je souhaite engager le dossier médical personnel dans une nouvelle étape, le « DMP deuxième génération », qui doit cibler plus particulièrement les personnes âgées et les patients porteurs de maladies chroniques, qui consultent le plus fréquemment des professionnels de santé. Le programme que nous avons lancé nous permettra d'aboutir à un système intégré, mais pas par la voie d'une clé USB. Il est nécessaire que les professionnels puissent accéder aux informations concernant leurs patients, dès lors que ces derniers ont donné leur accord.

Mme Carrillon-Couvreur a évoqué les maladies neuro-dégénératives, dont la prévalence augmente, ce qui suppose à la fois une meilleure prise en charge, une meilleure détection et un accompagnement des aidants. Un nouveau plan – qui portera sur l'ensemble des maladies neuro-dégénératives, et pas seulement sur la maladie d'Alzheimer – est en cours d'élaboration. Il sera présenté à la fin du premier trimestre 2014. L'accompagnement des aidants sera l'une de ses priorités. Cette question, qui prend de plus en plus d'importance, concerne d'ailleurs non seulement ceux qui aident des personnes atteintes de maladies neuro-dégénératives, mais aussi ceux qui assistent des personnes malades ou des personnes âgées ayant perdu leur autonomie.

Madame Carrey-Conte, l'engagement de la France au niveau international en faveur de la prise en charge du VIH, qui ne relève ni de la mission « Santé » ni du PLFSS, a été réaffirmé récemment par le Président de la République. Il se traduit par une stabilisation de la contribution française au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et les maladies infectieuses.

Au niveau national, plusieurs mesures coordonnées sont mises en oeuvre. En 2013, nous avons renforcé le nombre de semaines de dépistage en région, notamment dans celles qui connaissent des difficultés particulières. Nous avons également mis en place une communication ciblée en direction de certaines populations à risque, en particulier les femmes migrantes et les personnes homosexuelles masculines.

Il faut souligner un changement important dans la politique de dépistage, changement que les associations comme l'État ont soutenu. Longtemps, la crainte de la stigmatisation interdisait de cibler certaines catégories pour les actions de prévention. Or, il est désormais établi que le ciblage permet d'obtenir des résultats intéressants.

En 2014, seront mis en place les auto-tests qui permettront à une population, limitée mais bien identifiée qui ne souhaite pas se rendre dans les centres de dépistage ou les hôpitaux, de pratiquer le dépistage. Le Gouvernement maintient donc son effort en faveur de la lutte contre le VIH.

Madame Huillier, la présentation des coûts globaux de la prévention, pour une meilleure appréhension des actions conduites, est une question récurrente. Mais un rapport de la Cour des comptes sur la prévention a montré la difficulté de la tâche. Néanmoins, je vous assure de ma volonté de favoriser une plus grande transparence et de faciliter l'analyse des dépenses en matière de prévention, qu'elles relèvent de l'assurance maladie ou de l'État. La création d'un sous-objectif de l'ONDAM relatif au Fonds d'intervention régional participe de cette nécessaire clarification. Les débats de ce matin l'ont montré, les interrogations sur la répartition entre État et assurance maladie en matière de santé sont nombreuses.

Monsieur Paul, les dépenses de formation médicale sont en hausse pour deux raisons : l'augmentation du nombre de stages ambulatoires et l'amélioration de la prise en charge des dépenses engagées par les étudiants à cette occasion.

Madame Louis-Carabin, le CHU de Pointe-à-Pitre, comme tous les établissements de santé, dépend du budget de la sécurité sociale. La mise aux normes antisismiques des bâtiments est une priorité parfaitement identifiée par le ministère. Le projet de reconstruction devrait être soumis au comité chargé de se prononcer sur les projets d'investissement avant la fin de l'année. Ce projet doit être mené en parallèle du nécessaire retour à l'équilibre des finances de l'établissement.

Vous avez raison de souligner les enjeux de santé publique spécifiques à l'outre-mer : le taux d'obésité – problème auquel a répondu la proposition de loi sur le taux de sucre dans les produits alimentaires –, le suivi de la contraception et de l'interruption volontaire de grossesse ou encore les maladies caractéristiques comme le chikungunya ou la dengue. Des objectifs chiffrés seront fixés pour l'outre-mer dans la politique de santé publique et dans les plans de santé publique qui en découleront.

S'agissant de la chlordécone, madame Vainqueur-Christophe, un nouveau plan est en préparation pour l'année 2014 afin de poursuivre les actions déjà engagées.

Monsieur Lebreton, je vous remercie d'avoir souligné l'effort du Gouvernement dans la lutte contre la dengue qui répond pleinement à un objectif de santé publique. Nous ne pouvons pas rester les bras ballants. Le budget de l'ARS comprend déjà des crédits alloués à la lutte anti-vectorielle. Par ailleurs, j'ai décidé l'envoi en Guyane, il y a quelques mois, d'une mission de la réserve sanitaire afin de renforcer l'offre de soins. Cette mission, qui a été très appréciée localement, a permis de soulager les équipes de soins : libérées de la prise en charge de l'épidémie de dengue, elles ont pu se consacrer à leurs tâches habituelles.

Environ 1 million d'euros sera débloqué en 2014 pour la lutte anti-vectorielle. Ces crédits permettront d'accroître la surveillance en renforçant les moyens en entomologie, de consolider le système d'alerte et de participer au financement du centre national d'expertise sur les vecteurs dont l'ANSES a la charge.

Monsieur Sébaoun, l'impact sanitaire des nuisances aéroportuaires est une préoccupation prise en compte par le Gouvernement au titre des actions environnement et santé dont les crédits augmentent, n'en déplaise à M. Roumegas. Le financement de l'étude Esteban à hauteur de 200 000 euros est bien prévu.

La lutte contre le saturnisme est identifiée dans les plans de santé publique que nous devons définir. Elle doit faire l'objet d'une action plus forte de la part des ARS dans les territoires qui sont davantage victimes de cette pathologie comme l'Ile-de-France, vous êtes bien placé pour le savoir.

J'entends votre observation récurrente sur la niche relative à la reconversion des débits de boissons. Même si les sommes en jeu sont modestes, nous pourrions y réfléchir.

Monsieur Reitzer, le droit d'option des travailleurs frontaliers ne relève pas de la mission « Santé ». Le décret sera pris en temps et en heure, c'est-à-dire avant la mi-2014. Je rappelle que l'application de cette réforme, d'une part, sera progressive et, d'autre part, n'interdira pas à ceux qui font l'objet de soins en Suisse, par exemple, de continuer à en bénéficier. Ce point est essentiel car nous savons combien il peut être angoissant pour les malades de devoir interrompre un traitement. Pour les pathologies lourdes, la continuité des soins prévaudra.

Quant à l'adaptation des règles pour les foyers fiscaux dans lesquels la situation des conjoints est différente, le rapport de l'IGAS présente une analyse très détaillée de tous les cas de figure. Les difficultés que vous soulignez ont été identifiées et seront prises en compte.

Monsieur Robiliard, je saisis l'occasion de votre intervention sur la santé mentale pour vous remercier de nouveau pour votre travail sur la proposition de loi relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques. Ce texte, qui adapte de manière limitée mais significative la loi du 5 juillet 2011, vient rappeler que la santé mentale est bien une priorité et que les personnes hospitalisées sous contrainte doivent être traitées comme des patients et des malades. Mais nous devons aller plus loin. La santé mentale figure parmi les priorités de santé publique. Nous aurons l'occasion de continuer à travailler sur ces questions. J'espère n'avoir rien oublié et je vous remercie pour l'intérêt que vous portez à la politique de santé.

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