Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du 5 novembre 2012 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Mission agriculture alimentation forêt et affaires rurales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire pour les politiques de l'agriculture et le développement agricole et rural :

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, monsieur le rapporteur spécial de la commission des finances pour la sécurité alimentaire, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques pour l'agriculture et l'alimentation, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour la forêt, mes chers collègues, j'ai le grand honneur de vous présenter ce soir les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour 2013.

Les moyens affectés à cette mission représentent un montant global voisin de 5 milliards d'euros. Ils portent la marque d'une double préoccupation : l'indispensable redressement de nos comptes publics, ce qui suppose un certain nombre d'économies, d'une part, et la sauvegarde, dans cet exercice difficile, de certaines actions prioritaires engageant largement l'avenir de l'agriculture.

Encore faut-il noter que les crédits prévus pour cette mission budgétaire sont loin de correspondre à l'ensemble des concours publics accordés à l'agriculture, qui s'élèvent globalement à plus de 28 milliards d'euros.

Il faut en effet faire référence, d'abord, aux aides communautaires, largement consacrées à des interventions économiques. Elles devraient s'élever, en 2013, à 8,631 milliards d'euros pour Les dépenses du « premier pilier », celles qui concernent le soutien des marchés et des prix agricoles, et à 1,279 milliard d'euros pour celles du « deuxième pilier », relatives au développement rural. Au total, les fonds européens atteindront 9,91 milliards d'euros, c'est-à-dire à peu près trois fois plus que les moyens budgétaires hors pensions inscrits sur le budget de la mission « Agriculture ».

Il faut également prendre en compte les moyens alloués au financement de la protection sociale agricole, qui doivent atteindre 13,38 milliards d'euros en 2013. Il faut mesurer, enfin, que, dans nos économies mondialisées où les questions agricoles sont plus que jamais un enjeu de puissance, les actions prévues dans le budget de l'État ne peuvent répondre, par elles-mêmes, à tous les défis.

J'analyserai avec vous quelques-uns de ces grands défis auxquels sont confrontés notre agriculture et nos agriculteurs et auxquels sont apportées des réponses me semble-t-il insuffisantes, après avoir procédé à cet exercice obligé que constitue l'examen des moyens pour 2013 de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Le budget de la mission est donc doté pour 2013 d'à peu près 5 milliards d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. Afin de participer au redressement de nos finances publiques, cette somme est en baisse, hors charges de pensions et en excluant la mesure d'exonération de cotisations pour les salariés agricoles non mise en oeuvre en 2012, mais en tenant compte des crédits alloués à l'enseignement agricole, de 3 % en crédits de paiement par rapport aux crédits votés pour 2012.

Hors crédits alloués à l'enseignement agricole, la diminution observée est de 4,6 %. Mais si l'on tient compte de la non reconduction de la mesure d'exonération de cotisations sociales prévue en 2012 pour l'emploi de salariés agricoles permanents, soit 210 millions d'euros, la baisse est légèrement supérieure à 10 %. Le ministère et ses opérateurs réduisent globalement leurs effectifs de 370 salariés équivalents temps plein, soit une baisse de près de 4 %. C'est un effort qu'il faut saluer.

Ce budget tend, dans un cadre financier très contraint, à préserver une capacité d'intervention sur des questions considérées comme stratégiques, en sanctuarisant en particulier les crédits de l'élevage dans les zones défavorisées du territoire.

Comme pour les exercices précédents, trois programmes sont retenus : le programme 154, le programme 149 sur la forêt et le programme 215 sur la conduite et le pilotage des politiques de l'agriculture. Sont donc exclues les questions que posent l'enseignement agricole ainsi que la sécurité et la qualité sanitaires de l'alimentation, qui seront rapportées par d'autres collègues.

Nous devons nous prononcer également sur les moyens du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural », qui, alimenté par une fraction égale à 85 % du produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants, finance des opérations relatives au développement agricole et rural. J'insiste sur le fait que les moyens consacrés à l'agriculture dans le budget pour 2013 enregistrent un mouvement de baisse portant sur la quasi totalité des actions.

J'analyse dans mon rapport écrit l'évolution des crédits et vous invite à examiner ce document en détail, si vous êtes passionnés par la question. Je me limiterai ici à indiquer quelques évolutions, dont certaines sont incontestablement préoccupantes.

Par rapport à 2012, les moyens globaux du programme 154 « Économie et développement durable du territoire » passent de 2,83 milliards d'euros à 1,782 milliard d'euros en autorisations d'engagement, soit une baisse de 14,4 %. Mêmes chiffres en crédits de paiement : moins 15 %.

La promotion collective des produits sur les marchés extérieurs, particulièrement nécessaire pour notre pays devenu en 2011 le cinquième exportateur agroalimentaire mondial, bénéficie d'à peine 10,95 millions d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. L'appui à l'exportation diminue ainsi en 2013 très sensiblement, de 35 % par rapport à 2012, alors que la présence de nos producteurs – principalement de céréales, de produits laitiers ou de vins – sur les marchés extérieurs est indispensable au développement de nos filières et au rééquilibrage de notre balance commerciale extérieure.

Cette réduction, monsieur le ministre, est-elle conforme à l'une des vingt-deux préconisations du rapport Gallois que vous avez lu ce week-end et qui recommande l'alignement des conditions et des garanties export sur le meilleur niveau constaté chez nos concurrents ? Sommes-nous dans cette situation, vu les efforts que font un certain nombre de nos grands concurrents, notamment l'Allemagne, les Pays-Bas et même le Royaume-Uni ?

Les fonds pour les industries agroalimentaires sont dotés de 4,9 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une baisse de 48 % par rapport à 2012. Les crédits de la prime nationale supplémentaire à la vache allaitante sont, eux, strictement reconduits par rapport à 2012, soit 165 millions d'euros. Cette prime, qui joue un rôle important en matière de lutte contre la déprise agricole, complète la prime à la vache allaitante, qui, elle, est financée sur le budget agricole de l'Union européenne.

La dotation AGRIDIFF, qui permet la prise en charge partielle des frais financiers des exploitants endettés, passe de 4 à 1,9 million d'euros. Le fonds d'allégement des charges, le FAC, voit ses moyens diminuer de 8 à 2,47 millions d'euros, ce qui correspond à une baisse de près de 70 %.

S'agissant de l'installation des jeunes, un objectif ambitieux de 6 000 installations est retenu pour 2013 comme pour 2012. Il est vrai que les installations aidées ne représentent qu'une part limitée, environ un tiers, de l'ensemble des installations. Pour 2013, les moyens de la dotation aux jeunes agriculteurs se montent à 51 millions d'euros au lieu de 55 millions d'euros en 2012. Le fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture, le FICIA, bénéficie de 7,5 millions d'euros au lieu de 11,5 millions d'euros en 2012, soit une diminution de presque 35 %.

Vous nous avez fait part, monsieur le ministre, lors de la discussion du budget de la mission, de votre intention de proposer de porter les moyens du FICIA à 11,5 millions d'euros, c'est-à-dire de revenir à la situation de 2012, mais vous ne nous avez pas encore précisé comment vous financerez cette mesure – certainement par redéploiement.

Les prêts bonifiés aux jeunes agriculteurs diminuent sensiblement, et même très fortement, les autorisations d'engagement passant de 94,5 à 52 millions d'euros en 2013. Nous aimerions être éclairés sur les raisons de cette baisse, qui semble essentiellement due à la baisse des taux d'intérêt.

Les dotations du plan de modernisation des bâtiments d'élevage, quant à elles, subissent une diminution importante de 53 % pour les autorisations d'engagement, alors que nos filières d'élevage sont en situation de crise. On ne peut que regretter une évolution aussi forte, alors que le dispositif du PMBE a largement la faveur des éleveurs et que cette diminution de crédits peut entraver l'installation des jeunes comme la modernisation des exploitations existantes. Les indemnités compensatoires de handicaps naturels, les ICHN, bénéficient certes de 248,1 millions d'euros, soit un maintien par rapport à leur niveau de 2012, mais les moyens affectés à la prime herbagère agro-environnementale diminuent de 14,4 % en crédits de paiement par rapport à 2012.

Quant aux exonérations de charges sociales, je rappelle que le rapport Gallois propose, après beaucoup d'autres, de toutes sensibilités, de les diminuer, en particulier les charges patronales, mais aussi salariales. Les exonérations de charges sociales s'élèvent à 506,8 millions d'euros. Ces crédits correspondent à la compensation par l'État des moindres recettes perçues par les organismes de sécurité sociale, principalement la caisse centrale de mutualité sociale agricole, du fait de la mise en oeuvre de deux mesures d'exonérations de charges sociales : l'exonération dégressive de charges patronales pour l'embauche de travailleurs agricoles occasionnels, qui bénéficie actuellement à 90 000 entreprises et 900 000 salariés et dont le coût est évalué à 487,8 millions d'euros ; et puis, la petite exonération de charges salariales pour les contrats vendanges, dont j'avais été le porteur il y a plus de douze ans dans cette assemblée, et dont le coût est estimé à 19 millions d'euros.

Je constate que ces moyens sont, en fait, en baisse. Ils ne sont maintenus qu'en apparence par une réduction des avantages prévus en matière de travail occasionnel, ce qui se traduit par une précarisation de la main-d'oeuvre agricole. J'y reviendrai tout à l'heure.

Par ailleurs, la non reconduction du crédit d'impôt au remplacement des exploitants dans le texte initial pour 2013 aurait sûrement constitué un mauvais signe. Mais j'espère, monsieur le ministre, que vous appuierez l'amendement que l'on m'a demandé de déposer au nom de la commission – j'y reviendrai – pour maintenir ce dispositif.

Quant aux dotations du programme 149 « Forêt », elles s'élèvent, pour 2013, à 290,74 millions d'euros en autorisations d'engagement au lieu de 349,68 millions en 2012, soit une baisse très sensible de 17,3 %, la plus forte observée depuis dix ans. Elles s'élèvent à 315,42 millions en crédits de paiement au lieu de 358,44 millions en 2012, soit une diminution de 12,3 %.

Le versement compensateur de l'État à l'Office national des forêts est fixé à 120,4 millions d'euros, conformément au contrat d'objectifs et de performances conclu entre l'État, l'ONF et la Fédération nationale des communes forestières pour la période 2012-2016. Mais à ce versement compensateur s'ajoute, comme en 2012, une subvention de l'État à l'ONF de 43,8 millions d'euros destinée à tenir compte des difficultés financières de l'Office.

Les crédits prévus pour le nettoyage et la reconstitution des parcelles après la tempête Klaus survenue le 24 janvier 2003 dans trois régions du Sud-Ouest s'élèvent à 44 millions d'euros en autorisations d'engagement, diminuant ainsi de 54 % par rapport à 2012. Nous sommes nombreux à estimer – nous avons eu un long débat en commission sur ce sujet – que cette baisse de crédits est tout à fait excessive, dans la mesure où la reconstitution des massifs est très loin d'être achevée. La diminution observée pour les crédits de paiement pour 2013 est elle-même très contestable, puisque les moyens prévus passent d'un peu plus de 80 millions d'euros en 2012 à un peu plus de 50 millions d'euros en 2013, et ce alors même qu'il existe à ce jour un stock important de dossiers en attente de subventions.

Monsieur le ministre, vous m'avez indiqué que ces crédits seront complétés par 15 millions d'euros à partir des fonds FEADER et que, si ces fonds s'avéraient encore insuffisants, vous les compléteriez en cours d'exercice.

Enfin, le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » connaît, comme la plupart des crédits de la mission, une évolution globale négative entre 2012 et 2013, passant en autorisations d'engagement de 758,29 millions d'euros à 729,89 millions d'euros, soit une baisse de 3,74 %. S'agissant des crédits de paiement, la baisse est de 1,36 %.

Tous ces éléments sont rappelés dans mon rapport spécial, comme est présentée l'évolution des moyens du compte d'affectation spécial « développement agricole et rural ».

J'en viens maintenant à une évocation, malheureusement trop rapide, de quelques grands défis auxquels notre agriculture est de plus en plus confrontée. J'estime, monsieur le ministre, mes chers collègues, que plusieurs grandes questions, qui sont autant d'urgences, doivent être clairement posées : celle, d'abord, du contenu de la future politique agricole commune qui sera définie à l'horizon 2013 ; celle ensuite, essentielle, de la compétitivité de nos produits, de nos exploitations agricoles et de nos entreprises agroindustrielles, et notamment du coût du travail agricole ; celle aussi de la situation de nos industries agroalimentaires. J'aborderai aussi les problèmes de l'installation des jeunes en agriculture, du devenir de notre forêt et de notre filière bois, et enfin la question de l'avenir des biocarburants.

Tout d'abord, le poids de la politique agricole commune est prépondérant par rapport au budget national. Monsieur le ministre, quelle politique agricole commune allons-nous mettre en place en 2014 ?

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