Intervention de Jacques Myard

Réunion du 21 mai 2014 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Myard :

Autant il ne me semble pas y avoir de danger que les chars russes déferlent sur l'Europe, autant en Afrique, nous sommes confrontés à une situation de guerre larvée directe qui durera cent ans. La situation de tous les États concernés est marquée par l'absence de structure étatique, la dépression économique et l'explosion démographique. Ainsi, si l'Égypte comptait 22 millions d'habitants en 1970, elle en compte près de 87 millions aujourd'hui et en comptera 140 dans vingt-cinq ans. Elle est donc incapable de se stabiliser et d'assurer son autosuffisance alimentaire. C'est à juste titre que la France est intervenue pour essayer d'éviter un génocide, notamment en Centrafrique. Et bien que je fasse partie de l'opposition, j'ai soutenu le Gouvernement français lorsqu'il est intervenu au Mali et en Centrafrique, où nous nous trouvons pour très longtemps. Toutes ces régions sont traversées par la montée de l'islamisme qui dure depuis des années. Lorsque j'étais diplomate, j'ai été en poste au Nigéria dans les années 1980 : or, déjà à l'époque, on relevait de formidables tensions entre les Haoussa musulmans et les Chrétiens. Cela n'a fait qu'empirer. Face à une telle situation, il ne s'agit nullement de savoir s'il convient de mener une politique européenne. C'est en tant qu'États-nations que l'Allemagne et la France sont concernées car c'est dans cette région et non en Ukraine que la paix du monde peut basculer.

Quant à l'Algérie, elle n'intervient pas hors de ses frontières. Elle a cependant compris que le terrorisme et les mouvements intégristes et djihadistes représentaient pour elle un grand danger. Nous sommes en effet confrontés à une dérive djihadiste de long terme, qu'il sera difficile de contrer en raison des multiples déséquilibres internes qui affectent ces sociétés.

S'agissant du Rwanda, les accusations selon lesquelles les troupes françaises auraient participé au génocide lors de leur intervention de 1994-1995 sont parfaitement scandaleuses ! Dans cette salle même, j'ai passé six mois à étudier, dans le cadre d'une commission d'enquête, le déroulement de cette intervention. Le Président Mitterrand avait parfaitement compris qu'une fois l'avion du Président Habyarimana abattu le 4 avril 1994, les événements allaient devenir terribles. Il vous faut bien comprendre que M. Kagamé est un criminel de guerre. Certes, des massacres ont eu lieu et la haine s'est déchaînée. Mais il a sciemment utilisé la force pour conquérir le pouvoir car il savait que le processus démocratique enclenché grâce aux accords d'Arusha ne le conduirait pas au pouvoir. Il a donc décidé de le prendre par des moyens militaires en attaquant le Rwanda depuis l'Ouganda, avec le soutien de nombreux Ougandais et de membres des services secrets de plusieurs États. Et ce fut la catastrophe. S'il accuse aujourd'hui la France d'avoir participé à un génocide, c'est parce qu'il est lui-même un criminel de guerre. Cette situation aura d'ailleurs encore des suites judiciaires puisqu'il a fait tout récemment assassiner en Afrique du Sud d'anciens agents des services secrets rwandais qui étaient sur le point de l'accuser. Mais en attendant qu'elle s'achève, cette affaire constitue une « boule puante » dans des relations franco-rwandaises que notre gouvernement actuel, comme le précédent, souhaiterait rasséréner. Il ne faut cependant pas travestir la réalité : la responsabilité de M. Kagamé est majeure.

Ainsi, s'il convient effectivement que nous nous concertions et que nous agissions ensemble en Afrique, la guerre y durera certainement très longtemps.

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