Intervention de Guy Geoffroy

Séance en hémicycle du 8 octobre 2015 à 15h00
Isolement électronique des détenus et renseignement pénitentiaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy :

Il avait argué du fait que, la justice ne se trouvant pas en capacité de mettre en oeuvre une véritable interdiction, mieux valait ne pas interdire !

Officiellement, la nouvelle Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, préconise, de son côté, un accès contrôlé et surveillé à Internet, dans des salles communes. Cette idée est même allée jusqu’à séduire certains membres de la commission des lois.

Mais la question se pose : quel intérêt aurait un détenu à se rendre dans une salle commune pour avoir un accès contrôlé, surveillé à Internet si la loi n’interdit pas l’usage des téléphones portables ? Ce détenu pourrait en effet tranquillement accéder à Internet depuis son téléphone portable quand il le veut, dans les conditions qu’il souhaite, sans aucun contrôle ?

Vous semblez nous prendre pour des agitateurs permanents de l’émotion populaire. Lorsqu’il s’agit de sujets d’intérêt crucial pour la nation, nous ne le sommes pas, et nous ne vous avons jamais fait le procès de l’être lorsque vous vous trouviez dans l’opposition.

Quelques exemples vous permettront de mesurer que le sujet n’est pas banal et que le problème se pose bel et bien.

En janvier 2015, des détenus des Baumettes ont fait scandale en alimentant régulièrement une page Facebook de photos et de vidéos. En mai 2015, une page semblable, également sur Facebook, est découverte à Nice. En juin 2015, c’est l’Agence France Presse, nullement contredite, qui raconte que les nouveaux arrivants en détention voient leur nom tapé sur Google et que les délinquants sexuels – dont on sait quel est le sort lorsqu’ils sont identifiés comme tels – peuvent être, de ce fait, mis en danger.

Et je rappellerai qu’en 2012, du fond de sa cellule, un sinistre individu dont le nom n’a échappé à personne, Youssouf Fofana, le chef du gang des barbares, aurait posté une quinzaine de vidéos antisémites sur Youtube.

Vous prétendez qu’il n’y a pas de problèmes ? Il y en a, et nous vous proposons d’avancer sur la voie de leur règlement grâce aux dispositions de cette proposition de loi.

Partant de ce secret de polichinelle selon lequel des détenus utilisent des portables en prison, nous voulons tout simplement non pas, comme vous voulez le laissez croire, occuper stérilement et de manière dérisoire le terrain de la lutte contre le terrorisme, mais compléter efficacement le dispositif et la réponse pénales.

C’est pourquoi notre proposition de loi pose le principe de l’interdiction d’utilisation d’un téléphone cellulaire ou d’un accès autonome et non contrôlé à Internet, ce qui permettra de garantir un « isolement électronique des détenus ».

Cette question concerne une liberté fondamentale et doit donc relever, si nous l’envisageons, de la loi et non pas du règlement.

Cette interdiction ne portera bien sûr pas atteinte au droit des détenus à communiquer avec les personnes autorisées par téléphone fixe à certains horaires, ni à correspondre par voie postale avec elles, cela faisant toutefois l’objet d’un contrôle quand c’est nécessaire.

Le texte vise également à renforcer les moyens du renseignement pénitentiaire, en donnant les moyens aux services compétents de procéder à l’interception, l’enregistrement et la transcription des communications électroniques et autres échanges effectués au moyen de terminaux cellulaires ou Internet clandestins – il y en a à la pelle en prison. Quoi que vous en disiez, ces moyens ont besoin d’être assis sur une interdiction législative, au nom – je le répète une dernière fois – de l’atteinte à une liberté fondamentale, que seule la loi peut autoriser.

Le texte propose enfin d’autoriser l’administration pénitentiaire à prendre toute mesure pour empêcher les détenus de s’adonner au prosélytisme terroriste. Vous conviendrez que cette mesure n’est pas totalement déraisonnable par les temps qui courent, compte tenu du risque permanent que ne cessent de nous rappeler à juste titre le Président de la République, le Premier ministre et le ministre de l’intérieur.

Au final, ce que nous demandons par ce texte, ce n’est pas l’impossible, ce sont des progrès. Nous pensons faire preuve de réalisme et nous vous créditons de votre capacité à en faire preuve également en adoptant cette proposition de loi ou, au moins, ce que, visiblement, vous n’avez pas l’intention de faire, et je le regrette, en permettant qu’elle soit examinée au fond, article par article, amendement par amendement.

Si ces propos, ce que j’espère encore, peuvent vous avoir convaincus de l’importance d’aller jusqu’au terme du débat, nous aurons au moins apporté cet après-midi une pierre non négligeable à l’édifice de la lutte contre le terrorisme dans notre pays.

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