Intervention de Jean-Frédéric Poisson

Réunion du 16 décembre 2015 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Frédéric Poisson :

Madame la secrétaire d'État, j'aimerais d'abord faire part d'une préoccupation dont nous avons discuté la semaine dernière dans les couloirs de l'Assemblée.

Je veux parler de la difficulté qu'éprouvent certains territoires, dont les territoires ruraux d'Île-de-France – car, je le répète toujours, il y en a ! –, à trouver les moyens d'assurer une couverture numérique assez rapidement pour satisfaire aux exigences de développement et de préservation de l'emploi comme des services rendus aux citoyens. En effet, les collectivités se heurtent à des blocages innombrables et insupportables – y compris lorsque, comme la mienne, elles sont prêtes à aider à l'investissement, voire à adhérer aux syndicats départementaux. La réticence des grands opérateurs, pour ne pas dire leur résistance, est telle, sans compter les difficultés matérielles auxquelles ils sont peut-être confrontés, que l'on aboutit à des délais proprement inacceptables. Et cela ne vaut évidemment pas de la seule Île-de-France ; la partie urbaine de la Manche, par exemple, est concernée, me dit M. Gosselin.

J'espère qu'à défaut de résoudre le problème quant au fond, ce projet de loi marquera la volonté de l'État de démêler cet entrelacs incompréhensible, à l'image de ce que vous avez fait avec votre collègue Emmanuel Macron s'agissant de la couverture téléphonique. Je me souviens des déclarations de M. Macron après l'adoption de la loi qui porte son nom ; j'aimerais que la détermination soit aujourd'hui la même, de sorte que – disons-le crûment –, s'il faut tordre des bras, on aide les collectivités à le faire. Cela suppose des dispositions législatives ou réglementaires. Sont-elles envisagées ? Quelle est leur nature ? Dans quel délai pourra-t-on les mettre en oeuvre ?

Je le répète, les territoires que je connais sont prêts à apporter leur contribution. Certains d'entre eux, dont le mien, ont entrepris de constituer des provisions financières à cette fin. C'est souvent une question de survie : chaque mois, une entreprise renonce à s'installer dans le sud des Yvelines parce que la couverture numérique y est insuffisante en dehors des zones d'activité dédiées. Comment ne pas s'atteler à ce problème à l'heure où l'on parle de pacte pour l'emploi, d'infrastructures, d'investissement ? Je sais que la tâche est difficile et que l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) fait son possible pour la mener à bien, malgré la forte représentation de Télécom Paris en son sein, qui ne doit pas favoriser la souplesse.

En second lieu, l'inquiétude que j'exprimais ici même lors de l'examen de la loi sur le renseignement reste entière. L'État a conclu avec une société étrangère – l'entreprise Cisco – un contrat qui confie à celle-ci la sécurisation des données informatiques des collectivités locales. L'accord signé en février comporte deux volets : le premier permet à l'entreprise d'investir 100 millions de dollars pour apporter un financement aux start-up intervenant dans le domaine de la sécurisation ; le second vise à accompagner spécifiquement les collectivités territoriales dans cette démarche de sécurisation.

Monsieur le président de la commission des Lois, qui siégez également au sein de la délégation parlementaire au renseignement, il ne me paraît pas de bonne politique, dans la période actuelle, de laisser des opérateurs étrangers intervenir en ce domaine, sans avoir aucun moyen – du moins je le suppose – de sécuriser les données ainsi disponibles ou collectées et de vérifier qu'elles restent sous l'autorité de l'opérateur français. J'ai toute confiance dans nos amis anglo-saxons, cela va sans dire ; mais la célèbre phrase attribuée à un Premier ministre de la reine Victoria – «  L'Angleterre n'a pas d'amis, elle n'a que des intérêts  » – ne vaut pas que pour ce pays, et peut certainement s'appliquer aux grands opérateurs informatiques.

Il me semble que des sociétés françaises – par exemple Atos – auraient été parfaitement capables de se charger de cette tâche, moyennant peut-être quelques investissements. Je regrette que nous n'ayons pas fait des choix plus compatibles avec nos politiques industrielles et de services.

Sur ce sujet, avez-vous, madame la secrétaire d'État, des informations à nous donner, à l'intérieur ou hors du cadre de ce projet de loi ?

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