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Jacques Bompard
Question N° 100758 au Ministère de la défense


Question soumise le 22 novembre 2016

M. Jacques Bompard interroge M. le ministre de la défense sur la perte du contrat de 3 milliards d'euros portant sur l'achat de 50 hélicoptères militaires Caracal. À l'origine, la tractation comprenait l'achat par la Pologne du groupe Airbus Helicopters. Chiffré à plus de 16 milliards d'euros, le montant des exportations de matériel militaire en 2015 est « historique ». Lors du rapport au Parlement 2016 sur les exportations d'armement de la France, vous avez souligné qu'« un accord en appelle d'autres, et le succès de DCNS en Australie, plus forte vente française jamais réalisée à l'export, tous secteurs confondus, inscrit d'ores et déjà l'année 2016 dans la suite de résultats déjà exceptionnels ». L'année 2016 ferait-elle démentir ces pronostics ? En septembre 2015, l'Assemblée nationale, pour des questions idéologiques, avait voté le projet de loi qui entérinait l'accord de vente, signé en août 2015, de deux navires de guerre Mistral. « La non livraison des navires de guerre avait été décidée en octobre 2014 en raison de la situation dans l'est de l'Ukraine, où la Russie est accusée d'armer les forces séparatistes ». La France doit dès lors rembourser 949,8 millions d'euros à la Russie. Les conséquences de cette décision auraient pu être problématiques, diplomatiquement et économiquement parlant. Finalement, le problème sera « simplement » diplomatique puisque la France a réussi à revendre les deux navires à l'Égypte... Mais à quel prix ? Nouvel accroc dans la politique d'exportation de matériel militaire français puisque la Pologne a renoncé, en octobre 2016, au contrat Caracal au prétexte que le projet d'offset d'Airbus Helicopters ne représentait pas « au moins 100 % de la valeur du contrat » soit 3,13 milliards d'euros. Plus qu'un simple industriel, Airbus Helicopters résulte de la fusion de l'entreprise française Aérospatiale (SNIAS) et de l'entreprise allemande Deutsche Aerospace (DASA), les deux pays piliers de la construction européenne. Derrière ce retournement de situation embarrassant pour la France, le gouvernement conservateur de M. Jaroslaw Kaczynski, dont Mme Jaroslaw Kaczynski est l'héritière, ne ferait-il pas un pied de nez à une Europe de la défense en perte de repères ? La Pologne n'envoie-t-elle pas ainsi, un signal fort ? Finalement, la perte du contrat Caracal ne résonne-t-elle pas comme un coup de semonce à l'encontre de la nébuleuse construction d'une Europe de la défense ? Alors que la Pologne « représentait une campagne stratégique » pour Guillaume Faury, PDG d'Airbus Helicopters, comment la France compte-t-elle promouvoir le savoir-faire français en pleine concurrence avec celui des États-Unis d'Amérique ou celui de l'Italie ? Fort heureusement, cet été, le groupe a signé pour un milliard d'euros une commande de 30 Caracal avec le Koweït. La qualité des aéronefs n'est donc pas remise en question ; elle est même adoubée puisque la Thaïlande, qui en a commandé déjà 6, a réitéré en se pourvoyant le 4 octobre de deux exemplaires supplémentaires. C'est pourquoi il lui demande comment il compte défendre le savoir-faire à la française contre une concurrence internationale et quelles justifications il apporte quant à la perte du contrat plus haut dénommé.

Réponse émise le 14 février 2017

La société Airbus Helicopters a remporté, au mois d'avril 2015, un appel d'offres conduit par le ministère de la défense polonais relatif à l'acquisition d'hélicoptères multirôles. Le contrat portant sur la fourniture d'hélicoptères de type Caracal a été signé en septembre 2015, sa notification devant intervenir consécutivement à la conclusion d'un contrat d'un montant équivalent prévoyant des contreparties industrielles (offsets). La négociation de ce contrat d'offsets a débuté au mois d'octobre 2015 sous la responsabilité du ministère du développement polonais. Dès la formation d'un nouveau Gouvernement à la suite des élections législatives qui se sont déroulées dans ce pays en octobre 2015, le ministère de la défense polonais a exprimé de vives réserves concernant le choix effectué par le précédent Gouvernement. Il a finalement décidé, le 4 octobre 2016, de rompre les négociations en cours, estimant que les investissements compensatoires proposés par l'industriel ne garantissaient pas suffisamment l'intérêt économique et la sécurité de l'État polonais. Dans une lettre du 26 octobre 2016, les ministres de la défense français et allemand ont conjointement exprimé, auprès de leur homologue polonais, leur incompréhension face à la décision de mettre fin aux négociations qui avaient été engagées, soulignant que ce positionnement représentait un échec en termes de consolidation de la base industrielle et technologique de défense européenne. Pour autant, les succès à l'exportation remportés par le Caracal, tout comme la sélection initiale de cet appareil par la partie polonaise dans le cadre d'un processus compétitif, démontrent, comme le souligne l'honorable parlementaire, les incontestables qualités de cet hélicoptère. La décision prise par le Gouvernement polonais n'est donc aucunement de nature à remettre en cause le savoir-faire développé par la société Airbus Helicopters. Enfin, le ministère de la défense français demeure pleinement investi en vue de soutenir les exportations de nos industriels. A cet égard, les succès historiques remportés à l'exportation de matériel militaire en 2015, pour un montant de plus de 16 milliards d'euros, découlent du travail d'une l'équipe « France » des exportations de défense que le ministre de la défense a structurée tout au long de ces dernières années. Cette réussite est le résultat d'une approche méthodique, où chaque acteur s'intègre dans un dispositif d'ensemble concourant à la performance de l'industrie nationale, grâce notamment à la création du comité ministériel des exportations de défense (COMED) qui constitue un outil unique et désormais indispensable pour veiller à la cohérence de la démarche des services étatiques comme des acteurs industriels. Elle repose également sur la qualité des matériels produits, ainsi que sur un accompagnement au plus haut niveau de la part du ministère impliquant en particulier la direction générale de l'armement et les forces armées. Après les premières ventes du Rafale à l'Egypte, en 2015, le succès obtenu par DCNS pour la construction de 12 sous-marins océaniques de fort tonnage au profit de l'Australie, pour un montant de 34 milliards d'euros, constitue la plus forte vente française jamais réalisée à l'export, tous secteurs confondus et permet à lui seul d'inscrire les résultats de l'année 2016 dans la continuité de ceux déjà exceptionnels enregistrés en 2015. Plus généralement, les performances de nos exportations de matériel militaire font de la défense l'un des secteurs économiques les plus dynamiques en France, qui crée et continuera à créer des dizaines de milliers d'emplois et à favoriser le développement de multiples entreprises de toutes tailles. Ce dynamisme de la filière industrielle de défense, qui irrigue toute notre économie, est aussi l'occasion de nouer ou de renforcer des partenariats stratégiques avec des pays qui partagent nos préoccupations de sécurité.

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