La réunion

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

La séance est ouverte à quatorze heures quinze.

Présidence de M. François Rochebloine, président

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Mes chers collègues, je suis heureux d'accueillir en votre nom M. Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF).

Son audition va conclure une série commencée avec celle du secrétaire d'État chargé des sports, M. Thierry Braillard, et qui s'est poursuivie, cette semaine, avec les deux titulaires successifs du poste d'ambassadeur pour le sport, MM. Lévy et Vinogradoff.

Par ailleurs, je dois vous prier de bien vouloir excuser l'absence de notre rapporteur, Jean-Louis Destans, retenu par d'autres obligations.

Je rappelle, à l'intention de M. Masseglia, que notre mission a pour objet d'examiner les relations politiques et économiques entre la France et l'Azerbaïdjan au regard des objectifs français de développement de la paix et de la démocratie au Sud Caucase.

Le sport a toute sa place dans l'analyse de ces relations. En effet, comme Valérie Fourneyron et moi-même l'écrivions en juin dernier – preuve que l'on peut travailler en bonne intelligence tout en ayant des sensibilités politiques différentes – dans notre rapport sur la diplomatie sportive, pour lequel nous avons eu le plaisir de vous entendre, il est « un outil national de rayonnement international, de développement économique et un vecteur de croissance. » L'Azerbaïdjan l'a parfaitement compris, comme en témoignent les efforts qu'il a consentis pour l'organisation des Jeux européens qui se sont tenus à Bakou en juin 2015.

Nous nous posons de nombreuses questions sur l'organisation de ces Jeux. M. Thierry Braillard, auquel nous nous sommes tout d'abord adressés, nous a renvoyés pour l'essentiel aux informations que, nous a-t-il assuré, vous étiez le plus à même de nous donner.

Nous aimerions obtenir tout d'abord des précisions sur la procédure qui a conduit à la décision d'organiser à Bakou les Jeux européens. Cette question est d'autant plus importante que, d'après Thierry Braillard, il n'y aurait plus de candidat aujourd'hui pour de prochains Jeux européens, alors que la première édition a été parfaitement réussie sur le plan sportif.

Qui a pris l'initiative de créer cette compétition et quels motifs ont été invoqués ? Selon quelle procédure et à l'initiative de qui la ville de Bakou a-t-elle été désignée pour l'accueillir ? Des représentants français, éventuellement politiques ou parlementaires, sont-ils intervenus ? Quelle part a prise le CNOSF à la décision de tenir ces Jeux en Azerbaïdjan ?

Il serait intéressant, étant donné votre honnêteté reconnue par l'ensemble du mouvement sportif, de recueillir de votre part des informations sur le déroulement même de la compétition. Pour commencer, quelles ont été les modalités de financement de ces Jeux et quand la question a-t-elle été abordée, par qui et dans quelles conditions ? Quelle est votre évaluation de l'organisation ? A-t-elle fait l'objet de discussions, soit au sein du CNOSF, soit dans les instances olympiques européenne et internationale ?

Tout au long du déroulement des Jeux, les stades ont été remplis, ce dont je ne peux que me réjouir car, s'agissant d'une compétition sportive de cette envergure, et quel que soit le lieu, il est toujours souhaitable que le public soit le plus nombreux possible. Lors des Jeux olympiques de Rio, il avait été constaté que certaines disciplines rencontraient un moindre succès, ce qui n'a heureusement pas été le cas en Azerbaïdjan. Toutefois, le public de certains pays semble avoir été peu présent : à quel pourcentage estimeriez-vous la présence d'Azerbaïdjanais dans les tribunes du public ? Et quelle était, selon vous, la représentativité des ressortissants étrangers venus assister à ces premiers Jeux européens, dont je répète qu'ils ont été une réussite reconnue ?

Par ailleurs, il est venu à ma connaissance que ces Jeux ont vu pour la première fois le pays organisateur financer tel ou tel pays afin qu'il vienne participer à la compétition. Cela peut se justifier pour des pays aux ressources modestes, mais vous avez confirmé que le CNOSF et la délégation française avaient été invités et défrayés pour participer à ces Jeux européens. Ce précédent me paraît assez choquant. On m'a dit que la venue de toutes les délégations invitées avait été financée par l'Azerbaïdjan, ce que l'Arménie aurait refusé tout en participant à la compétition ; je vérifierai cette information, car d'autres m'ont dit le contraire. Quel que soit le pays organisateur, trouvez-vous cette pratique normale, s'agissant d'une manifestation qui constitue, en quelque sorte, de « mini-Jeux olympiques » ?

Je tiens enfin à rendre hommage au travail que vous accomplissez à la tête du CNOSF depuis bientôt huit ans, soit deux olympiades, ainsi qu'au soutien actif que vous apportez à la candidature de Paris pour l'organisation des Jeux olympiques de 2024, même si rien n'est gagné d'avance. Car, dans le sport comme ailleurs, les problèmes de dopage et de corruption sont considérables.

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

Vous me posez la question de savoir comment s'est opérée la désignation de Bakou pour ces premiers Jeux européens…

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

Avant de procéder à la désignation de Bakou comme ville organisatrice, il a fallu trouver un accord sur le principe même de ces Jeux européens.

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

Au début de mon mandat, en 2009, la procédure de concertation a été initiée sous la seule impulsion des Comités olympiques européens (COE). Un groupe de travail a été constitué à cet effet par leur président, Patrick Hickey — qui a défrayé la chronique au sujet d'un trafic de billets lors des Jeux olympiques de Rio—, groupe dont la présidence a été confiée à Zlatko Mateša, le président du comité olympique croate.

La France a été sollicitée pour faire partie de ce groupe de travail ; avec Jean-Pierre Mougin, secrétaire général du CNOSF, nous nous sommes partagé la présence aux réunions, de sorte que notre pays a été représenté à chacune d'elles, qui se sont tenues à Rome, siège des COE. Une majorité assez nette s'est dégagée, motivée par le fait qu'il existait déjà des Jeux asiatiques, des Jeux panaméricains, des Jeux océaniens, des Jeux africains, mais pas de Jeux européens.

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

Cinquante pays sont affiliés, mais cela ne recoupe pas tout à fait la géographie politique, puisque l'Europe au sens des COE s'étend jusqu'à Vladivostok, que des pays d'Asie centrale en sont membres, ainsi qu'Israël…

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

Non. L'Arménie, si, bien sûr, de même que l'Azerbaïdjan…

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Qui a décidé du nombre de disciplines sportives représentées ?

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

Une fois la décision d'organiser des Jeux européens entérinée par la commission, il a bien fallu que des candidats se déclarent pour concrétiser le projet. Une assemblée générale s'est tenue à Rome au mois de novembre 2012 et, comme vous le savez, dès lors que tous les membres sont présents, des décisions peuvent être prises qui ne sont pas nécessairement conformes aux usages. Normalement, l'assemblée générale aurait dû se prononcer sur le principe de l'organisation des Jeux, et une période de quatre ans aurait alors été ouverte pour les déclarations de candidature à l'organisation de l'événement.

Le bureau des COE a cependant proposé que la procédure soit accélérée et que les votes successifs interviennent sur l'organisation des Jeux, puis sur la candidature de Bakou.

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

Non. Bakou, comme Doha, avait posé sa candidature à l'organisation de Jeux olympiques de 2020, et c'est en 2013, soit sept ans avant l'événement, que le Comité international olympique (CIO) devait se prononcer – de même que c'est en 2017, à Lima, qu'il statuera sur les différentes candidatures, dont celle de Paris, pour les Jeux de 2024. Mais, dès mai 2012, la commission exécutive du CIO s'était réunie pour examiner la validité des différentes candidatures, afin de ne retenir, comme le prévoyait la procédure, que les villes répondant aux standards exigés, et avait écarté celles de Doha et de Bakou, pour sélectionner uniquement Madrid, Istanbul et Tokyo.

L'Azerbaïdjan se trouvait donc incité à faire la preuve de sa capacité à organiser des Jeux, alors même que les préparatifs liés à sa candidature étaient déjà très avancés. C'est ainsi que Bakou a décidé de « rebondir » en manifestant auprès du bureau des COE le souhait d'organiser des Jeux européens. Dans la mesure où un certain nombre d'équipements, dont le village olympique, avaient été réalisés, et que les plans pour le reste des installations existaient, le dossier présenté par Bakou, seule ville candidate, a recueilli 83 % des suffrages.

C'est ainsi que le principe de l'organisation des premiers Jeux européens et le choix de la ville de Bakou ont été entérinés dans un même mouvement.

Quant au panel d'épreuves sportives retenu pour ces Jeux, il n'a pas été aligné sur le programme olympique : seules seize disciplines olympiques sur vingt-six ont été retenues, mais une discussion a ensuite eu lieu entre le comité d'organisation et les fédérations européennes afin d'en ajouter éventuellement d'autres. J'ai été sollicité pour faire partie de la commission de coordination, et j'ai assisté à toutes les réunions, sauf une, organisée le jour de la célébration du centenaire du comité olympique algérien, car j'ai choisi de me rendre dans ce pays frère, dont les côtes font face aux nôtres.

Lors de la première réunion, qui a porté sur le programme, j'avais demandé pourquoi la discipline de l'aviron, dont je suis issu, était absente, car la géographie de l'Azerbaïdjan, qui compte de nombreux lacs, paraissait parfaitement propice. Il m'a été répondu qu'il était impossible de dépolluer ces lacs souillés par les remontées de pétrole, et qu'utiliser le port était compliqué. La Fédération européenne d'aviron a dépêché une mission sur place afin d'étudier les conditions de possibilité d'organisation d'épreuves, et renoncé en constatant que le bassin de 500 mètres aménagé pour le canoë-kayak n'était pas adapté à l'aviron.

L'initiative de l'organisation de ces Jeux a donc été prise par les COE. S'agissant du rôle de la France et du CNOSF, je n'ai aucune réticence à dire que je me suis prononcé en faveur de la candidature de Bakou.

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

Oui. J'aiété favorable à l'organisation des Jeux européens comme au choix de Bakou. Je faisais partie des 83 %...

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Y a-t-il eu une intervention politique de la part de la France ?

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

À ma connaissance, ni moi-même ni mes collègues n'avons fait l'objet de pressions, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur du comité. Il s'agit d'une décision interne des COE, où le CNOSF est représenté.

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Que pouvez-vous nous dire au sujet du financement de cet événement ?

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

J'ignore le coût exact de l'organisation de ces Jeux, qui a été le fait de l'Azerbaïdjan. J'ai entendu dire que la cérémonie d'ouverture, qui était du niveau d'une cérémonie olympique, aurait bénéficié d'un budget de 60 millions d'euros, mais il ne s'agit que de bruits.

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Qui a concrètement pris en charge le financement de ces Jeux ? Est-ce l'Azerbaïdjan ?

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

À ma connaissance, ce financement a été le fait de l'Azerbaïdjan, avec éventuellement le concours de sponsors privés.

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

Afin que les choses soient parfaitement claires, je répète que l'Azerbaïdjan a financé les COE ; c'est la première fois que cela se produisait. Le chiffre de 25 millions d'euros a été avancé, mais, n'étant pas membre de l'exécutif des COE – à la différence du comité international des Jeux méditerranéens (CIJM) –, je n'en ai jamais eu confirmation.

Ce financement peut être regardé comme la contrepartie de l'organisation des Jeux. Chaque délégation a en outre reçu des défraiements. Chaque athlète participant a ainsi été pris en charge à hauteur de 600 euros pour le déplacement ; quant à l'hébergement au sein du village sportif, il est gratuit, comme aux Jeux olympiques. Je rappelle que Pékin et Sidney, déjà, avaient financé les déplacements de délégations : cette pratique ne constitue donc pas une première. Lorsque des villes situées au-delà des mers veulent obtenir l'organisation des Jeux olympiques, elles promettent de prendre en charge tout ou partie des frais de déplacement, ce que Rio de Janeiro n'a pas fait, le CIO ayant souhaité limiter la surenchère.

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J'ai été très surpris lorsque l'on m'a indiqué que ces Jeux européens n'avaient rien coûté aux délégations puisque l'ensemble de leurs frais avaient été pris en charge, sauf ceux de la délégation arménienne, qui aurait refusé – encore que, comme je l'ai dit, quelqu'un m'ait affirmé le contraire.

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

Je ne peux pas répondre au sujet de l'Arménie, je ne peux témoigner que pour le CNOSF.

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Ces Jeux n'ont donc rien coûté à la délégation française ?

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

La prise en charge du transport s'élevait à 600 euros. Le coût du billet d'avion étant de 650 euros environ, on peut considérer que ces Jeux n'ont pratiquement rien coûté à la délégation française.

Par ailleurs, il existait un système de prime à la performance. Ainsi, chaque comité national olympique dont un athlète remportait une médaille d'or recevait une certaine somme. Pour douze médailles d'or, le CNOSF a reçu environ 100 000 euros, qu'il a entièrement reversés aux fédérations récompensées à Bakou. Le CNOSF est en effet en relation non avec les athlètes, mais avec les fédérations, à qui il a signifié qu'elles étaient libres de disposer de ces sommes comme elles l'entendaient. Certaines ont redistribué la totalité des primes aux athlètes, d'autres – les moins riches – la moitié seulement, en considérant que la préparation avait un coût.

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Cette pratique de versement de primes par les organisateurs a-t-elle des précédents ?

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

Dans l'olympisme, non. En revanche, cela s'est déjà produit dans les championnats du monde d'athlétisme : l'Azerbaïdjan n'a pas innové dans ce domaine. Nous avons tous su que des Porsche avaient été offertes à des champions du monde d'athlétisme.

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De telles pratiques seraient contraires à l'esprit de l'olympisme.

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

En effet, il n'y a jamais eu de gratifications olympiques. Des primes sont versées aux médaillés, le cas échéant, par les pays : la France le fait, et les gratifications obtenues dans le cadre des Jeux olympiques de Rio ont été exemptées de taxes.

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Il me semble que nous y sommes pour quelque chose… (Sourires.)

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

Vous m'avez également interrogé sur la fréquentation du public. Lors des Jeux européens, les stades étaient pleins, particulièrement pour les disciplines dans lesquelles des Azerbaïdjanais pouvaient espérer remporter des médailles – ce qui s'est vérifié dans des sports de combat comme le judo, la lutte et la boxe. L'ambiance était alors digne d'un stade de football. Les tribunes étaient toutefois plus clairsemées pour les sports dans lesquels les chances de médailles étaient moindres. Les scolaires ont été incités à assister à ces Jeux, ce que nous faisons aussi en France, le but étant de conduire un maximum de jeunes à pratiquer le sport et à s'inscrire dans un club.

Je dirais qu'il y avait environ 90 % d'Azerbaïdjanais dans les gradins. Les étrangers qui sont venus étaient des gens qui avaient les moyens de faire le déplacement, ou qui étaient intéressés par le fait de voir tel ou tel athlète. Ces Jeux européens ne sont pas des Jeux olympiques : le prestige, l'intensité et la qualité de spectacle ne sont pas les mêmes. En outre, dans la mesure où il s'agissait d'une première édition, personne ne savait à quoi s'en tenir, notamment quant au niveau des épreuves et à la façon dont elles allaient se dérouler. Finalement, l'organisation s'est révélée parfaite, et les conditions d'accueil dans les stades excellentes. Et la chaîne de télévision L'Équipe 21, qui a retransmis toutes les épreuves en France, a connu une audience très satisfaisante.

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Le sport, écrivions-nous en juin dernier, « contribue au bien-être et à la fraternité, bien loin de l'agressivité de la puissance dure ». La situation des droits de l'Homme en Azerbaïdjan est jugée des plus préoccupantes par l'unanimité des instances internationales ; nous l'avons encore entendu ce matin. N'y a-t-il pas contradiction entre le respect des valeurs du sport que vous portez et les pratiques politiques des autorités de Bakou ? La question des droits de l'Homme a-t-elle été évoquée à un quelconque moment dans la procédure qui a conduit à la décision de tenir à Bakou les Jeux européens ? Plus largement, est-elle évoquée dans les instances sportives internationales auxquelles, de par vos fonctions, vous participez ?

Par ailleurs, le CNOSF a-t-il joué, directement ou indirectement, un rôle dans la participation d'entreprises françaises à l'organisation des Jeux européens de Bakou ?

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

Dans le cadre de la commission d'évaluation, je me suis rendu à six reprises en Azerbaïdjan, sans compter mon séjour pendant les Jeux européens, mais je ne connais que Bakou. Je ne peux donc témoigner de ce qu'est la vie des gens en dehors de la capitale, mais, à Bakou même, je n'ai pas trouvé que les gens soient malheureux ou aient des difficultés à vivre ensemble : j'ai trouvé au contraire que la vie dans cette ville était harmonieuse.

Comme président du CNOSF, j'ai reçu à trois ou quatre reprises l'association Human Rights Watch et ai expliqué à ses représentants notre souci, en tant qu'organisation sportive membre des COE, à savoir que, dans la mesure où tous les pays européens participaient à ces jeux, nous ne souhaitions pas nous mettre en marge d'un mouvement qui avait pris sa décision à une importante majorité : 83 % des voix pour l'organisation des Jeux européens à Bakou. J'ai moi-même voté pour.

Votre question, si je la reformule, porte sur le comportement que l'on doit avoir avec les pays dits antidémocratiques qui organisent des événements internationaux. Cela a été le cas pour Pékin en 2008. Le CIO considère, et je partage pleinement son point de vue, que l'ouverture est préférable à la fermeture. Quand les populations voient ce que les autres pays peuvent apporter, cet éclairage leur permet de demander plus de libertés individuelles.

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La présence étrangère, lors d'événements comme les Jeux olympiques, est en effet une bonne chose, et j'étais contre le boycott des Jeux olympiques de Pékin. Mais les Jeux européens ont été des jeux sans public étranger, ou presque.

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

S'il s'était agi de Jeux olympiques, il y aurait eu beaucoup de monde. Cet événement était une première et ne pouvait pas attirer un grand public international, d'abord parce que, en athlétisme et en natation, qui sont les deux sports majeurs du programme olympique, les meilleurs n'étaient pas là. En revanche, beaucoup de monde est allé voir les Jeux olympiques en Chine.

J'ai été marqué par Pékin. Tout le monde se souvient que c'est Robert Ménard qui menait la campagne des « anneaux-menottes », à laquelle participait Carole Bouquet, par ailleurs marraine du festival du film de Shanghai… Je pense que c'est outrageant pour le mouvement olympique et ceux qui le représentent, et je l'ai très mal vécu. Les sportifs ne peuvent pour porter seuls la misère du monde.

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Ils peuvent tout de même appeler l'attention sur certains sujets.

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

Pourquoi leur demanderait-t-on de faire ce que les commerciaux et le monde de la culture ne font pas ? On n'exige aucun boycott de leur part. Il aurait fallu, à ce moment, que tous les échanges avec Pékin soient interrompus.

Pour répondre à votre autre question, il n'y a pas eu d'entreprise française mentionnée comme partenaire des Jeux européens. Peut-être M. Mancel est-il mieux placé que moi pour répondre. Je l'ai rencontré au dîner de célébration avec Mme Alieva. Je considère que l'Azerbaïdjan a fait ce qu'il fallait pour que les Jeux européens soient parfaitement organisés.

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Ils l'ont été. J'ai l'habitude de dire que la politique divise et que le sport rassemble. Je souhaite seulement que l'on puisse vivre en liberté dans tout pays, comme nous avons la chance de vivre en France.

Je vais vous poser également quelques questions au nom de notre rapporteur Jean-Louis Destans, qui n'a pu être présent aujourd'hui. Tout d'abord, pensez-vous que les retombées médiatiques, politiques et économiques des Jeux européens ont été à la hauteur de l'investissement réalisé par l'Azerbaïdjan ?

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

Les retombées économiques, non, mais les retombées sociétales, oui, car ces Jeux avaient pour objectif de sensibiliser la population, qui est jeune, à l'intérêt de faire du sport, ce qui est le message de l'agenda 2020 du CIO. Ce but sociétal aurait pu être atteint à moindres frais, mais je pense que l'Azerbaïdjan a tenu à montrer une certaine puissance. Le pays organise un grand prix de Formule 1 de la même manière. Ils ont développé une stratégie de soft power, par le sport mais aussi par la culture, avec, par exemple, l'organisation du concours Eurovision de la chanson, ou encore les actions de la fondation Heydar Aliev.

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Autre question de notre rapporteur : comment expliquez-vous le fait que l'Azerbaïdjan, qui fait du sport un levier central de son action extérieure, n'ait pas de représentant au sein du CIO ? Comment la composition de ce comité est-elle arrêtée ?

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

Les membres du CIO sont d'abord les représentants du CIO dans leur pays avant d'être les représentants de leur pays au CIO. Il faut tenir compte du poids de l'histoire. Le Luxembourg, Monaco sont représentés au CIO, qui par son grand-duc, qui par son prince régnant, et il n'est pas facile de faire en sorte que des pays émergents aient une représentation.

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Un pays qui a organisé avec succès les Jeux européens ne devrait-il pas avoir un représentant au CIO ? Est-ce que ce sont des critères de droits de l'Homme qui l'empêchent ?

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

C'est absolument indépendant de la question, sinon il n'y aurait pas trois membres chinois ni, peut-être, trois membres russes. La représentation au CIO est liée au poids de l'histoire. Il existe quatre catégories de membres. Les premiers sont les membres permanents : Guy Drut est le représentant du CIO en France. Les seconds sont les représentants des fédérations internationales, au nombre de quinze. C'est pourquoi on trouve trois Suisses au CIO : Patrick Baumann représente la fédération de basket, René Fasel la fédération de hockey sur glace et Gian-Franco Kasper la fédération de ski. Ils étaient même quatre auparavant, avec Sepp Blatter. La troisième catégorie de membres, ce sont les représentants des comités nationaux olympiques : Mme Tricia Smith, par exemple, est présidente du comité national canadien. Ils sont une quinzaine. Henri Sérandour, mon prédécesseur, appartenait à cette catégorie.

Le nombre total de membres est actuellement de quatre-vingt-dix-huit, soit, au maximum, une cinquantaine de pays représentés, compte tenu de ceux qui le sont par plusieurs personnes. L'Azerbaïdjan fait partie des 75 % de pays qui n'ont pas de représentation au CIO. Cela ne lui est pas spécifique.

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L'Azerbaïdjan a organisé des Jeux européens de belle facture. Comment la représentation au CIO se renouvelle-t-elle, et que devrait-il faire pour y accéder ?

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Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF

Pour que l'Azerbaïdjan ait un représentant, il faudrait qu'il présente une performance sportive adaptée, et je pense d'ailleurs que ses sportifs sont sur le bon chemin car ils ont été nettement plus brillants qu'auparavant à Rio et à Londres, notamment dans les sports de combat. Ensuite, il faut avoir des présidences de fédérations internationales. Le fait d'avoir organisé les Jeux européens ne suffit pas.

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Merci au président Denis Masseglia, qui a été très clair, franc et passionnant.

Je reviens un instant sur les Jeux européens, dont l'organisation a obligé l'Azerbaïdjan à recruter des collaborateurs étrangers dans la mesure où le pays n'avait pas d'expérience en la matière. Ce sont environ un millier de collaborateurs étrangers qui ont ainsi été recrutés pour préparer les Jeux, et les autorités ont doublé chacun d'eux d'une ou d'un jeune Azerbaïdjanais, ce qui a permis à chacun de ces jeunes d'acquérir une formation dans ce domaine. C'est un bon exemple d'association de la population.

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J'aime les Azerbaïdjanais comme tous les peuples du monde, et je souhaite que tous vivent en paix et en liberté. Comme me l'a écrit en 1989 le général Michel Aoun, aujourd'hui président du Liban, « il n'y a pas de paix sans liberté ».

La séance est levée à quinze heures quinze.